Il a six mois ou plus, allez savoir le temps passe si vite, et maintenant qu’il m’en reste moins à vivre c’en est très contrariant. Donc il y a un certain temps dirons-nous, alors que ma femme nettoyait sa petite voiture, une charmante Twingo pour être précis, quelle ne fut pas sa surprise tandis qu’elle levait le capot du moteur, de découvrir un cadavre de pie dans les tuyauteries graisseuses et des plumes noires et blanches réparties aux quatre coins de la mécanique mise à nue.
L’hypothèse du suicide aussitôt rejetée, une enquête fut diligentée au terme de laquelle, seules deux conclusions semblèrent s’imposer sans que nous ne puissions en privilégier une plus qu’une autre. Nous avons pensé à l’accident de la circulation, la bête picore je ne sais quoi au bord de la chaussée, ma douce passe rapidement au volant de son bolide, l’oiseau est happé (« Oh ! Quel beau morceau que la pie n’happa pas ! » un vers difficile à caser dans la conversation en temps normal, c’était là l’occasion ou jamais) par le véhicule et l’aspiration créé un courant d’air léthal qui de surcroît coince le cadavre, plumes explosées, dans les tubulures du moteur. Nous étions assez fiers de cette explication, quoique en y réfléchissant bien il aurait fallut tomber sur une pie très étourdie – ce qui n’est pas la caractéristique première de cet oiseau – et une vitesse de la Twingo particulièrement élevée, très certainement au-dessus de ses performances techniques pourtant vantées par la moindre brochure émanant de la maison Renault. Autre hypothèse, ma femme est innocente (« Je l’ai toujours pensé » mesdames et messieurs les jurés), c’est un chat sournois et chafouin qui a refroidi le corvidé et afin de le déguster à l’abri d’un gourmand envieux et plus musclé ou d’une averse orageuse carabinée, il s’est introduit frauduleusement avec son casse-croûte sous le capot de ma chérie, du moins sous le capot de son auto, où là il s’est livré au péché de la gourmandise en toute impunité. L’affaire classée sans réponse satisfaisante aurait du en rester là, sans ce rebondissement récent.
Pas plus tard que cette semaine, alors que nous nous préparions à faire un tour en voiture, impossible de démarrer la bagnole. Un véhicule neuf, révisé en juin avant notre départ en vacances, qui nous obéissait au doigt et à l’œil en temps normal. La clé du démarreur ne tirait que des râles plaintifs ou des ébauches de frissonnements du moteur. Je vous passe les détails pour apporter – à moindre coût – le quasi cadavre chez un spécialiste qui nous informa qu’il nous préviendrait dès que l’auto-psie aurait livré son diagnostic. L’attente fébrile dura vingt-quatre heures. Le problème venait du faisceau électrique. « Une voiture toute neuve ou presque !? » régurgita ma femme émue par le constat de l’homme aux doigts plein de cambouis qui lui répliqua du tac au tac, du ton du professionnel qui en a vu d’autres, « Certainement une fouine qui a rongé les câbles, c’est fréquent ! ». Déconcertée par une telle explication à vous couper la chique, ma femme devant l’expert ne put que s’incliner. Ne restait plus qu’à régler la petite note.
Ce que je viens de vous relater n’est pas une fable – sortie d’un cerveau hâbleur ou détraqué – mais la pure vérité et si Monsieur de La Fontaine l’avait intitulée « La Pie, le Garagiste et la Fouine » il n’est pas certain qu’il lui aurait trouvé une morale.