Magazine Culture

Ecce homo, sculpture d'Etienne-Martin

Publié le 29 août 2010 par Onarretetout

Etienne-Martin a extrait de la terre une racine pour fabriquer un homme, pas un Adam au paradis (qui n’existe pas), mais un homme enchaîné, courbé, à quatre pattes, torturé, mutilé. Le tatouage sur le corps dit la force passée, presque animale, celle de l’homme de Lascaux présenté par René Char en ces mots, « l’homme granité, reclus et recouché de Lascaux, au dur membre débourbé de la mort ». René Char dont on lit dans ses Feuillets d’Hypnos (écrits en 1943-1944 dans le maquis de la Résistance) : « Brusquement tu te souviens que tu as un visage. » L’homme d’Etienne-Martin n’en a plus.

IMGP4788
 
IMGP4792
 
IMGP4794

Etienne-Martin a travaillé, en 1993, deux ans avant sa mort, une racine d’oranger, un arbre foudroyé, dont il dit suivre les lignes pour faire cette sculpture. Penone, 10 ans plus tard, travaillera un cèdre de Versailles abattu par une tempête de la fin du XXe siècle, et dont il suivra les lignes pour en montrer la nature d’arbre.

Etienne-Martin donne à son œuvre le titre Ecce homo (Voici l’homme). Ces mots viennent d’un texte racontant un épisode de la torture et de la mise à mort de Jésus : « Pilate retourna dehors et leur dit : Voyez, je vous l'amène dehors pour que vous sachiez que je ne trouve en lui aucun motif d'accusation. Alors Jésus vint au-dehors, portant la couronne d'épines et le manteau de pourpre. Et Pilate leur dit : Voici l'homme. » (Evangile de St Jean)

Ce que dit Pilate, d’abord, c’est qu’il n’y a aucun motif d’accusation : un homme est un homme. Ce n’est ni un dieu, ni un roi, ni un prophète.

Puis Jésus sort. Il porte les signes de la torture, de la souffrance, de la dérision. Ainsi est l’homme selon l’Evangile : torturé, le visage ensanglanté, souffrant, moqué. Gainsbourg, dans sa chanson (Ecce homo), se dit aussi « le cœur percé de part en part ».

Mais Nietzsche, dans une sorte d’autobiographie philosophique (intitulée Ecce homo), oppose à cette image de martyr (l’homme dont la morale chrétienne fait un coupable potentiel) celle d’un « moi » qui se constitue sans cesse de contradiction en contradiction et qui vise à « renverser les idoles ».

Revenant à l’œuvre d’Etienne-Martin, je pense à ces images de prisonniers humiliés en Irak et ailleurs, traités comme des bêtes par des humains se prétendant porteurs des valeurs du Bien… Du Bien ? vraiment ?

etiennemartincatalogue
Cette sculpture est exposée au Centre Pompidou jusqu'au 13 septembre dans un espace dédié à ce sculpteur.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Onarretetout 3973 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossiers Paperblog

Magazine