Nul ne sait à l’heure actuelle si François Fillon sera reconduit au poste de 1er ministre. On le donnait naguère partant, certains commentateurs prédisant volontiers que, fort d’un meilleur score d’opinions favorables que Nicolas Sarkozy – ce n’est pas vraiment difficile ! – il se mettrait volontiers «en réserve de la République» pour représenter une alternative crédible en 2012. Eric Woerth était largement pressenti pour lui succéder… Las ! c’était avant que le «M. Parfait» selon la formule de Daniel Bernard dans Marianne (n° 685 – 5 au 11 juin 2010) de la Sarkozy soit pris dans la tourmente d’un scandale «Matriochka»… Exit donc Eric Woerth comme “premier-ministrable” potentiel. A moins que Sarko ne soit “ouf” au point de le nommer à ce poste par une sorte de provocation ?
Or donc, selon les résultats d’un sondage récent lus sur un Flash-info du Figaro publié le 28 août 2010 Matignon: Lagarde en tête la ministre de l’Economie arriverait en tête des personnalités susceptibles de succéder à François Fillon, 42 % des sondés estimant «qu’elle ferait un bon premier ministre» (64 % chez les sympathisants de l’UMP) devant Michèle Alliot-Marie (41 % et 60 %) et Jean-Louis Borloo (30 % et 40 %).
Il ne faut pas sortir de Saint-Cyr, de l’ENA ou de Sciences-Po pour comprendre que l’hypothèse Borloo relève de la pure fantaisie. On lui chercherait en vain quelque compétence en quelque domaine que ce soit. Sauf sans doute le concours de “l’veux de coude”
Je trouve néanmoins tout aussi farfelu le choix de Christine Lagarde. Depuis 2007 qu’elle sévit aux Finances, elle n’a cessé d’accumuler les preuves d’une incompétence manifeste en matière économique. Incapable de mesurer la gravité de la triple crise financière, économique et sociale et d’y apporter les remèdes nécessaires. Parfaite ravie de la crèche sur l’air de «tout va très bien Madame la Marquise» jusqu’au moment où la réalité des chiffres l’obligeait à quand même prendre conscience de la situation.
Ce serait-elle qui serait à l’origine de la fameuse «croissance négative» ! qui a dû se faire tordre de rire tous les mathématiciens de France et de Navarre et sans doute à travers toute la planète… De même sa fameuse «rilance» - bizarre concubinage entre “rigueur” et “relance” – a sans nul doute excité la verve moqueuse des économistes…
Tout dernièrement, elle se rengorgeait des résultats de la croissance (+ 0,4 % au second trimestre) avant que Nicolas Sarkozy ne tempèrât cet optimisme béat lors du séminaire gouvernemental qui s’est tenu à Brégançon : les marchés exigeant un peu plus de réalisme en matière de prévision économique.
L’avenir politique de Christine Lagarde pourrait bien être obéré par un problème qui dépasse largement son incompétence. J’avoue que cette nouvelle “affaire” de la Sarkozie – dévoilée par le Canard enchaîné – avait échappé à mon habituelle sagacité… Sans nul doute noyée dans le maelström des révélations à jet continu de l’affaire Bettencour-Woerth !
Christine Lagarde n’est pas directement mise en cause : c’est son compagnon – dont j’ignorais également l’existence – qui serait impliqué dans une ténébreuse affaire de détournement de subventions de l’Union européenne… Suffisamment grave pour que selon Le Monde du 4 août 2010 – jour anniversaire de l’abolition des privilèges en 1789 ! - Epinglé par le “Canard”, le compagnon de Christine Lagarde dément la Cour européenne de Justice «condamne une association marseillaise dirigée de 2003 à 2005 par Xavier Giocanti à rembourser un million d’euros de subventions européennes à la suite d’irrégularités». 20 minutes titrait le même jour «Irrégularités sérieuses» dans la gestion d’une association dirigée par le compagnon de Christine Lagarde…
Sans entrer dans les détails, l’association – Centre de promotion de l’emploi par la micro-entreprise (CPEM) - aurait été accusée de «fausses déclarations, violations de la réglementation et gestion fantaisiste» à la suite d’une plainte déposée en 2004 pour «dénoncer sa mauvaise gestion financière et administrative». L’Office européen de lutte anti-fraude (OLAF) a enquêté sur le fonctionnement de la CPEM, y découvrant «plusieurs irrégularités sérieuses» selon son rapport final de 2006. Ah ! si l’enquête avait été confiée à Bercy
Notamment l’explosion des dépenses administratives : plus de 20 % du budget de l’association, lors même qu’elle est plus que soutenue par la Ville de Marseille, au point que selon le Canard Enchaîné, la CPEM serait «un faux nez de la mairie de Marseille» qui fournit «gratuitement bureau, téléphone et 8 salariés» - ce qui en principe lui interdisait de percevoir des subventions de l’Union européenne qui ne sont attribuées qu’aux associations indépendantes ! - et que de surcroît «les dossiers montés par le CPEM sont en fait traités par Marseille Service Développement, structure dépendant totalement de la Ville».
Enfin, et sans doute surtout : l’association avait vocation à octroyer des prêts aux chômeurs créant une micro-entreprise. Ceux-ci étant plafonnés à 10.000 euros par bénéficiaire. Or, le plafond était parfois multiplié par six, alimentant des soupçons de corruption ou de copinage…
Xavier Giocanti se défend en affirmant que la période prise en compte par l’audit et la condamnation de la Cour européenne de justice – devenue définitive malgré les recours : les pourvois ont été rejetés – concernait la période entre août 1999 et juin 2002, époque à laquelle il n’avait encore «aucun lien ni juridique ni matériel avec le CPEM qu’il n’a rejoint comme directeur salarié qu’en 2003». Je ne saurais dire si cet argument est fondé, n’ayant pas accès au dossier ni envie de me prendre la tête à ce sujet. Je suppose néanmoins que le Canard Enchaîné a mené une enquête rigoureuse et qu’il ne l’aurait pas incriminé s’il avait hors du dossier…
Il l’accuse néanmoins de vouloir «attaquer Christine Lagarde à travers lui» pour «monter une nouvelle affaire Woerth»… Cela va devenir “le mal du siècle” des politiciens pris la main dans “l’assiette au beurre” : le syndrome Bettencour-Woerth
Si je dois porter un jugement sur les trois personnalités “nominées” par ce sondage, j’avouerais que bien que n’étant pas du tout de son bord politique c’est encore Michèle Alliot-Marie qui me semble la plus crédible comme possible premier ministre. Parce qu’elle me semble incarner une certaine idée de la rigueur professionnelle et personnelle. Je me souviens avoir lu que lorsque les trains étaient bloqués par la neige au retour des vacances de Noël de l’hiver 2007 ou 2008 (?) elle voyageait dans le TGV comme monsieur ou madame Tout-le-Monde et n’avait demandé aucun traitement de faveur.
Un peu détonnant dans ce milieu de ministres empruntant à tire-larigot jets privés ou Falcon de l’Etat. Sans doute à l’image du Général de Gaulle faisant installer un compteur électrique pour ses appartements personnels de l’Elysée ou répondant à une personne qui lui demandait pourquoi il n’utilisait pas un hélicoptère pour se rendre à Colombey-les-Deux-Eglises : «Ce n’est pas avec ma solde de général que je pourrais me le permettre»… autre temps, autres mœurs. Et j’avoue préférer cette époque où l’argent-roi n’avait pas encore perverti toutes les couches de la société.