La femme et l'oiseau

Il m'arrive souvent de vouloir m'enfuir. Comme pour échapper à mon incarcération ou pour me soustraire d'un fardeau trop lourd à porter. Comme un besoin urgent de me dégager de tous mes engagements, de tous les liens qui m'attachent et m'empêchent de me sentir libre et léger.
Alors, je lutte. Contre cette pulsion. Je lutte contre ce vent qui ne cesse de m'appeler et de m'interpeller. Je lutte parce que je sais pertinemment que la seule chose que j'essaie de fuir, c'est bien moi-même...
Je me suis toujours dit que la vie aurait été plus simple si j'avais été fou. C'est une pensée qui a germé en moi depuis tout petit. Pouvoir être étranger à soi-même, aliéner son propre corps ainsi que son esprit... C'est peut-être pour cela que je travaille en Psychiatrie. Pour me rapprocher de la folie.
Ce n'est pas normal de se souhaiter insensé. Je le sais. Et pourtant.
Autour de moi, les gens ne comprennent pas. Eux, ils avancent assurément. Ils n'ont pas à se demander qui ils sont. Ils le savent. C'est en eux. Comme une certitude. Ils ne comprennent pas cette impression de ne jamais se sentir à sa place, ni ce besoin de partir pour mieux se retrouver...
Tout là-haut dans le ciel, un oiseau vole paisiblement malgré le souffle de la galerne. L'orage semble imminent. Les vagues, impétueuses, déferlent violemment sur le gravier littoral. La femme, transie, contemple l'oiseau et se questionne : vis-je ?...