Tout objet de beauté est une joie éternelle :
Le charme en croît sans cesse; jamais
Il ne glissera dans le néant, mais il gardera toujours
Pour nous une paisible retraite, un sommeil
Habité de doux songes, plein de santé, et qui paisiblement
respire.
Aussi, chaque matin, tressons-nous
Des guirlandes de fleurs pour mieux nous lier à la terre,
Malgré les désespoirs et la cruelle disette
De nobles natures, malgré les sombres journées
Et tous les sentiers malsains et enténébrés
Ouverts à notre quête; oui, malgré tout cela,
Une forme de beauté écarte le suaire
De nos âmes endeuillées. Tels sont le soleil, la lune,
Les arbres vieux ou jeunes qui offrent le bienfait de leurs
printaniers ombrages
Aux humbles brebis; tels sont encore les narcisses
Et le monde verdoyant où ils se logent, les ruisseaux
limpides
Qui se bâtissent un frais couvert
En vue de l’ardente saison, le taillis au fond des bois,
Richement parsemé de la splendeur des roses musquées;
Telle, aussi, la magnificence des hautes destinées
Que nous avons rêvées pour les plus grands des morts;
Tels, encore, tous les contes charmants lus ou entendus,
Fontaine intarissable d’un breuvage immortel
Qui s’épanche en nos coeurs du bord même des cieux.
Et ce n’est pas seulement pendant une heure brève
Que nous pénètrent ces essences; non, comme les arbres
Qui chuchotent autour du temple sont bientôt devenus
Aussi précieux que le temple lui-même; ainsi, la lune,
La poésie — cette passion — merveilles infinies,
Nous hantent jusqu’à devenir le réconfortant flambeau
De nos âmes et s’attacher à nous d’un lien si étroit
Que, dans le plein soleil comme sous un ciel couvert et
sombre,
Il nous les faut toujours à nos côtés, ou c’est la mort.
***
A thing of beauty is a joy for ever
A thing of beauty is a joy for ever :
Its loveliness increases; it will never
Pass into nothingness; but still will keep
A bower quiet for us, and a sleep
Full of sweet dreams, and health, and quiet breathing.
Therefore, on every morrow, are we wreathing
A flowery band to bind us to the earth,
Spite of despondence, of the inhuman dearth
Of noble natures, of the gloomy days,
Of all the unhealthy and o’er-darkened ways
Made for our searching : yes, in spite of all,
Some shape of beauty moves away the pall
From our dark spirits. Such the sun, the moon,
Trees old and young, sprouting a shady boon
For simple sheep; and such are daffodils
With the green world they live in; and clear rills
That for themselves a cooling covert make
‘Gainst the hot season; the mid-forest brake,
Rich with a sprinkling of fair musk-rose blooms :
And such too is the grandeur of the dooms
We have imagined for the mighty dead;
All lovely tales that we have heard or read :
An endless fountain of immortal drink,
Pouring unto us from the heaven’s brink.
Nor do we merely feel these essences
For one short hour; no, even as the trees
That whisper round a temple become soon
Dear as the temple’s self, so does the moon,
The passion poesy, glories infinite,
Haunt us till they become a cheering light
Unto our souls, and bound to us so fast,
That, whether there be shine, or gloom o’ercast,
They alway must be with us, or we die.
(John Keats)