Critique du 12/10/2008
De fait, l'univers de Jane Austen me touche tout particulièrement. Parce qu'elle fut l'une des premières auteures féminines à imposer sa plume. Parce qu'elle a su, en quelques oeuvres incontournables, décrypter et immortaliser un passé aujourd'hui révolu, en y décrivant les us et coutumes de la société britannique de la fin du XVIIIe siècle. Personne n'a su comme elle dresser le portrait de la gent féminine au coeur d'une époque où la seule ambition d'une femme devait se borner à faire un "beau mariage". Avec délicatesse et vivacité d'esprit, elle dépeint le carcan dans lequel on enfermait les jeunes gens à l'aube de leur entrée dans le monde, parasités par des notions de rang social, de rente, de dot, de bienséance, dont les résultantes directes étaient la répression des sentiments, l'amertume et la frustration. Le tout enrobé dans de savants quiproquos amoureux, déclinés selon le beau-parlé de l'époque, avec toutes les tensions que cela implique... Bref, que du bonheur pour moi!
Pride & Prejudice est sans nul doute l'oeuvre la plus connue de Jane Austen, et aussi la plus adaptée à l'heure actuelle, sans doute en raison de sa forte résonnance contemporaine, qui lui confère une parfaite légitimité par rapport au monde moderne. Les histoires de Jane Austen sont intemporelles, et celle-ci est sans doute la plus belle...
Un petit village d'Angleterre, fin XVIIIe. Mrs Bennet n'a que deux vocations dans la vie: tourmenter son cher mari et marier ses cinq filles afin de garantir la sécurité financière de toute la famille. Ses plans sont sur le point de trouver un aboutissement lorsque s'installe à Netherfield un jeune aristocrate londonien, Mr Bongley, accompagné d'un de ses amis, le très aristocratique Mr Darcy, que Elizabeth Bennet prend aussitôt en grippe. Leur venue dans leur verte contrée va bouleverser l'existence des filles Bennet, et les plonger dans un tourbillon amoureux aux conséquences parfois malheureuses...
Joe Wright ne se contente pas d'apporter une fraîcheur et une liberté visuelle à l'ensemble. Il y appose son empreinte critique. Ainsi, on connait l'attrait des jeunes gens à l'époque pour les festivités mondaines et autres bals qui leur procuraient une somme de loisirs non négligeables, loin de leur chaperons habituels, tels que la danse, défouloir bienfaisant et lieu de rencontre par excellence. Car au-delà du mouvement, c'est le dialogue que recherchaient les coeurs à prendre sur la piste de danse. Normal quand on sait que c'est le seul lieu où deux jeunes gens de sexes opposés avaient le droit de se parler en tête à tête... Sauf que Wright choisit de se moquer de ce procédé peu pratique dans une scène absolument exquise où Elizabeth tente de recueillir des informations de sa soeur Jane d'une part tout en supportant le discours horripilant de son cousin d'autre part... le tout entrecoupé à chaque pas de danse, gage d'essoufflement. Délectable!
Le casting est impeccable, à commencer par Keira Knightley, décidément exquise
dans ce rôle de jeune femme impétueuse résolue à ne pas se plier aux dictats de son époque, ni à laisser diriger son coeur. Même un brin graçon manqué, elle explose de féminité teintée de cette
espièglerie caractéristique
Enfin, le film ne serait pas ce qu'il est sans l'incomparable atmosphère musicale déployée par Dario Marianelli. Reprenant des thèmes de Henry Purcell, il laisse plâner sur l'intrigue amoureuse une mélancolie poignante, reflet des incertitudes et regrets des personnages, de la mortification dûe à leur orgueil, de l'erreur dans laquelle les place leurs préjugés. Il tisse un canevas nimbé de passion, mais dominé par la langueur représentant la lenteur des sentiments qui affleurent, les réticences qui font encore barrage, le refus de plier...
Orgueil & Péjugés flamboie de ce romantisme exacerbé, où la frustration des sentiments refoulés se dispute à la passion propre à la jeunesse, à ce besoin de liberté, liberté de se mouvoir, de penser, d'aimer... contre les convenances. Il dresse le portrait d'amours désormais révolus, où la retenue rendait plus précieux chaques moments volés à son/sa bien aimé(e), où l'ardeur du désir conditionnait les actes plus que la raison, où seule la célébration d'un sentiment que l'on savait plus grand que nous-même prévalait sur le reste. Demeure cette superbe adaptation, dont les deux heures passent comme un nuage: caressantes.
*Indice de satisfaction:
*2h07 - américain - by Joe Wright - 2005
*Cast: Keira Knightley, Matthew MacFadyen, Brenda Blethyn, Donald Sutherland, Jena Malone, Rupert Friend, Rosamund Pike, Tom Hollander...
*Genre: Je t'aime, moi non plus...
*Les + : Une adaptation divine et fraîche pour une oeuvre emblématique dépoussiérée.
*Les - : Je n'ai pas envie de me forcer à en trouver...
*Lien: Fiche Film Allociné
*Crédits photo: © Mars Distribution