Paul Allen, cofondateur de Microsoft, se dit propriétaire de technologies très utilisées de recherche d'information en ligne.
Tout ce que la Silicon Valley compte de spécialistes hi-tech (ça fait du monde) est tombé de sa chaise, vendredi, en apprenant la dernière idée du cofondateur de Microsoft et 37e fortune mondiale, Paul Allen : poursuivre onze grands noms des nouvelles technologies, dont Google, Yahoo ! , Facebook, Apple, AOL, YouTube et eBay pour « violation de brevets ».
Vous l'ignoriez jusqu'ici, mais si vous pouvez lire ces lignes et faire une foultitude d'autres choses sur Internet, c'est grâce à Paul Allen, qui serait à l'origine de tout. Ou presque.
La société Interval Licensing, une des dizaines que Paul Allen a fondées, a lancé vendredi auprès d'une cour fédérale de Washington des poursuites portant sur quatre brevets déposés dans le domaine de la recherche d'information en ligne.
Ces brevets concernent des actions devenues totalement anodines pour tout internaute de l'an 2010. Mais Allen assure les avoir protégés, si l'on en croit la BBC et le site spécialisé Techcrunch :
- utiliser un navigateur web pour rechercher de l'information,
- alerter les internautes quand un élément les intéressant apparaît,
- faire jaillir des pops-up (nouveau commentaire, nouvelle information, cotation de bourse, image ou vidéo).
A 57 ans, Paul Allen ne peut être perçu comme un pauvre hère spolié par les grandes méchantes compagnies du Web : cofondateur de Microsoft en 1975 avec Bill Gates, il quitte cette société en 1983 mais reste dans le secteur et rassemble une fortune aujourd'hui estimée à 13,5 milliards de dollars.
Pour Google, Allen évite le marché et préfère les prétoires
Alors quand il s'attaque à la fine fleur de l'innovation hi-tech des Etats-Unis, il n'y a que deux solutions :
- soit les brevets de sa société ont vraiment été lésés et il faut que justice se fasse,
- soit il cherche à enquiquiner la concurrence.
Les sociétés attaquées penchent évidemment pour la seconde explication. Voici ce qu'a déclaré un porte-parole de Google, en accusant à demi-mot Paul Allen de freiner la marche d'un progrès bénéfique pour l'humanité toute entière, ou presque :
« Cette plainte contre quelques-unes des entreprises les plus innovatrices d'Amérique reflète une tendance fâcheuse de certaines personnes préférant rivaliser dans les tribunaux que sur le marché.
L'innovation -pas le contentieux- est le moyen de donner au marché le genre de produits et de services qui bénéficient à des millions de gens dans le monde entier. »
De son côté, un porte-parole de Facebook a fait savoir que la plainte est « dénuée de tout fondement », ajoutant que le réseau social allait « la combattre vigoureusement ».
Bizarrement, il ne poursuit pas Microsoft
La thèse des poursuites destinées à enquiquinner la concurrence est d'ores et déjà étayée par un élément de poids : Paul Allen ne poursuit pas un des géants planétaires du secteur, qui pourtant bénéficie aussi de ces brevets. Son nom ? Microsoft.
Pour le blog spécialisé Crunchgear, Paul Allen vient tout simplement d'inventer « une méthode pour freiner le progrès en déposant les idées des autres ». « Résumé de l'invention », écrit Devin Coldewey :
« Dans une période de changement et d'invention, une personne peut avoir des idées, avec quelques manières de les concrétiser. En déposant instantanément un brevet, la personne peut se rendre propriétaire non seulement des méthodes qu'elle a effectivement inventées, mais aussi de tous les dérivés possibles et créations indépendantes qui ressembleraient à ces méthodes. »
Selon le Wall Street Journal, cité par Techcrunch, « M. Allen […] n'a développé lui-même aucune des technologies, mais en possède les brevets ».
Interrogé par la BBC, un porte parole d'Interval Licensing ne le nie pas :
« Une partie de la technologie développée par des gens travaillant pour Paul Allen il y a une dizaine d'années est désormais cruciale dans le domaine de la recherche et du e-commerce. Elle fait partie de notre vie quotidienne sur la toile, et a montré sa valeur pour l'industrie d'aujourd'hui. »
Paul Allen, qui entend donc en récolter les -juteux- fruits, n'a pas encore précisé le montant des dommages et intérêts qu'il va réclamer.
Mais s'il gagne, il ne sera pas le seul bénéficiaire des sommes récoltées : en juillet, il a rejoint ses confrères ultra-riches Warren Buffett et Bill Gates dans leur idée de distribuer une grosse partie de leur fortune à des oeuvres de bienfaisance. Pour Allen, ce serait même la majorité.
Photo : Paul Allen, le 17 avril 2003 à Seattle (Anthony Bolante/Reuters)
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