Exercice habituel des fins de saison : le classement. Ici, on s'occupera uniquement des nouveautés. On a beau dire que cette crue 2009/2010 ne fut pas particulièrement enthousiasmante, on est parvenu sans trop de difficultés à atteindre les dix séries. Place à la sélection de Lucarne :
Matt Nix s'était déjà fait remarquer dans le genre décontracté avec Burn Notice, il atteint un autre niveau avec sa dernière création. Buddy cop show parodique se déroulant à Dallas, The Good Guys, c'est un peu la bouffée d'air frais insolente. En guise de moteur, un duo parfait à l'alchimie immédiate ( Collin Hanks, tout en sobriété et Bradley Whitford hilarant et génial) et dans la construction, un habile décalque du Pulp Fiction de Tarantino avec cette narration en mode poupées russes. Le résultat : des intrigues surréalistes, des punch lines disséminés avec soin, de l'action made in 80's. Un cocktail improbable, mais la réussite est au rendez-vous. A consommer sans modération.
Lire critique du pilot.
Bromance noir où la rencontre entre le film classique de détective privée et ce néo-genre américain, contraction de " brother " (au sens non familial du terme) et " romance ", tout cela, dans un New-York arty piqué à Woody Allen. Se dégage une atmosphère atypique, dans laquelle se promène un trio d'acteurs parfaits ( Jason Schwartzman, Ted Danson, Zack Galifianakis). Jonathan Ames (créateur et également nom du personnage principal) mise avant tout sur l'ambiance et des micro-récits individuels. Agréablement, on se laisse porter par ces histoires un peu étranges sinon décalées, dont l'ambiance significative rappellera celle des films indé américains ( Jim Jarmush, Woody Allen, Wes Anderson,...).
Lire critique de la saison.
Ce n'est pas du chauvinisme patriotique. La nouvelle création du duo Hadmar Herpoux (déjà auteurs de l'excellente mini série Les Oubliées) méritent amplement cette place au classement. Mixant le récit policier (la quête de Thomas) au soap, Pigalle la Nuit entraîne le spectateur dans un univers à l'identité forte, qui traverse les frontières parisiennes. Les auteurs ne sont pas trompés, quand ils ont donné le rôle principal à ce quartier à la réputation sulfureuse. Le commerce du sexe attise les convoitises, se dessine, alors, une lutte pour le pouvoir. A celui qui mettra la main sur la totalité du quartier. Dans ce contexte, les habitants essaient de mener leur vie, entre désir ardant de fuite et attachement sentimental. La force du récit tient dans ce rapport constant entre deux pôles : le passé et le futur ; l'héritage et l'acquisition ; la nostalgie et l'ambition.
Lire critique de la saison.
Dans un arbre généalogique, Louie serait le chaînon manquant entre Seinfeld et Curb Your Enthusiasm. Pourtant, Larry David n'a rien à voir avec la série. On doit cette création à Louis C.K., comédien de stand up et déjà auteur d'un précédent show diffusé sur HBO, Lucky Louis. Le show s'articule autour de deux points : les sketchs de Louie et quelques morceaux de sa vie. Chaque épisode est constitué d'un fil rouge commun. Louis C.K. promène sa mine déconfite façon Droopy et rythme l'épisode de ses numéros. L'humour oscille entre le décalage, humour noir, trash, politiquement incorrect, narré avec beaucoup de naturel. Une comédie d'auteur, qui porte l'emprunte de son créateur à chaque ligne de dialogue. A noter un générique vintage minimaliste et excellent.
6- Men of a Certain Age ( TNT)
On a beaucoup entendu parler par des " cougar ", ces quadra qui se jettent sur les petits jeunes, en début de saison, on ne peut pas dire que cette orientation ait produit des choses remarquables (au point que la série étendard Cougar Town a complètement changé de cap en cours de route). C'est plutôt du côté des hommes d'un certain âge qu'il fallait se tourner. Créé, écrit et interprété par Ray Romano ( Everybody Loves Raymond), accompagné par Scott Bakula ( Quantum Leap) et Andre Braugher ( Homicide), Men of a Certain Age dresse le portrait de trois hommes, amis, et leurs problèmes. Humble, la série dégage un parfum vériste par le refus de se livrer à quelques débordements extraordinaires. Ici, le quotidien s'exprime dans la banalité de problèmes croisés tous les jours ou presque. Belle réussite pour un sujet trop peu abordé.
Lire critique de la saison.
5- Justified (FX)
Adapté de l'œuvre d' Elmore Leonard, Justified revisite le western sous un angle moderne et policier chez les bouseux du Kentucky. Si la série commence timidement, cherchant son style entre formula show et feuilletonnant, elle parvient immédiatement à installer ses personnages. Timothy Oliphant ( Deadwood) campe un marshal laconique, Walton Goggins ( The Shield) un truand redneck. Entre les deux, s'établira une relation qui va contaminer la saison. Avec Sons of Anarchy, FX installe sa ligne post- The Shield, avec des séries bourrées de testostérones et soulignées par une dramaturgie shakespearienne. Cette première saison s'avère une réussite éclatante et les dernières images laissent augurer du bon pour l'avenir.
A priori, Luther a tout de la série policière classique. Traitement fermé (un épisode, une enquête), centré sur un personnage ( John Luther), une réalisation classique et une écriture qui sait ménager le suspense, sans pour autant fournir matière à dithyrambe. Alors pourquoi classer Luther si haut dans ce classement ? Première raison : Idris Elba ( The Wire). L'acteur possède un charisme fou et livre une interprétation magnifique, capable de transcender des scripts rigoureux et de leur apporter une once de folie. Seconde raison : deux épisodes finaux remarquables, rouages parfaits qui entraînent la série sur un registre plus débridé. Conclusion : Luther est une série policière brillante, l'une des meilleures de la saison, et elle nous vient d' Angleterre.
Lire critique de la saison.
Placer Treme dans le trio de tête tient presque de l'évidence. Le créateur de The Wire et Generation Kill, David Simon, pose ses valises à La Nouvelle Orléans post- Katrina (la série se déroule en 2005, trois mois après la catastrophe). On y retrouve la minutie du trait, l'individu face à la ville, la dimension sociale. L'auteur troque l'intrigue totale pour la chronique, multiplie les personnages et fait de ce quartier ( Treme est le nom d'un quartier de la ville), le théâtre d'une (sur)vie, rythmée par la musique omniprésente. Jamais démonstratif malgré le procédé (récit choral), cette première saison est autant une ode à la ville que ses habitants, à son histoire, ses coutumes, son folklore. Œuvre splendide, servie par une galerie d'acteurs magnifiques ( Khandi Alexander ( CSI Miami), Kim Dickens ( Friday Night Lights), Melissa Leo ( Homicide), Clarcke Peters ( The Wire), Wendel Pierce ( The Wire), John Goodman).
Lire critiques du pilot.
On attendait avec impatience le retour de Julianna Margulies (on passera sous silence un Canterbury's Law de sinistre mémoire). Le résultat dépasse de loin nos espérances. Dans le rôle d'une femme bafouée (profil Hilary Clinton), l'ex-infirmière de Cook County est impériale. L'actrice porte la série sur ses épaules (du moins, dans les premiers épisodes, avant d'être rattrapée par un casting juste et parfait), promène sa classe, quand elle marche la tête haute, les messes-basses glissant sur elle, quand elle retrouve les courts de tribunal, quand elle s'occupe de l'éducation de ses deux enfants. La série impose son élégance (de sa réalisation sobre pleine de grâce aux tenues vestimentaires choisies pour les actrices - probablement le show où les personnages sont les mieux habillés avec Mad Men), sa formule classique, mais livrée avec une foi fervente, et construit, au fil des épisodes, une intrigue ambitieuse, traitée avec beaucoup d'humilité, sans coup de tonnerre ou autres déflagrations bruyantes. Dans The Good Wife, tout se savoure avec le plus grand respect, la plus grande attention, comme en présence d'un produit rare et noble.
Lire critique du pilot.
Steven Moffat récidive son actualisation de mythes littéraires. Après un fabuleux Jekyll, l'auteur s'attaque au plus grand des détectives : Sherlock Holmes. Habile, ambitieuse et intelligente transposition de l'œuvre de Sir Arthur Conan Doyle dans nos années 2000. On retrouve un Sherlock Holmes toujours aussi affuté et génial déducteur, mais muni d'un Blackberry et d'une connexion internet. Watson devient vétéran de guerre et compagnon autant émerveillé qu'agacé. La modernité à l'œuvre, aussi bien dans l'étude de personnages que dans la réalisation, jusqu'au traitement multiple qui varie les ambiances. On passe ainsi du thriller au pulp exotique, du jeu macabre aux situations comiques, sans que les ruptures de ton ne se fassent sentir. Sherlock est un divertissement intelligent et haut de gamme, une des plus belles preuves (et performances) que l'on peut encore offrir au public du spectacle noble, exigeant quant à ses qualités, et doté d'une forme pouvant être apprécié par tout le monde. Réussite incroyable qui mérite à tout point de vue, sa place tout en haut du classement.
Lire critique de la saison.