Manolo Valdès expose à Chambord

Par A Bride Abattue @abrideabattue
Un des plus grands artistes contemporains espagnols a disposé ses plus beaux trophées, invitant le visiteur à une chasse dans l'histoire de l'art qui se poursuit jusqu'au 12 septembre.
Déroutantes de prime abord les sculptures monumentales de Manolo Valdès apprivoisent doucement l'atmosphère du château pour y prendre une place que l'on se surprend à souhaiter définitive.
L’exposition se déploie à l’extérieur et à l’intérieur du monument. Elle a été conçue autour de plus de 70 sculptures et peintures comme une rétrospective des vingt dernières années de la production de Valdés.
On y retrouve ses thèmes de prédilection déclinés sur différents matériaux comme la réinterprétation des oeuvres de Velásquez (Dama a caballo, caballeros, Méninas), les têtes monumentales (Dorothy, Régina, Colosos, Mariposas, Ivy, Clio…) ou encore les natures mortes en bois massif (bureaux avec livres, bibliothèques).
La diversité des matériaux employés est grande : bois, marbre, granit, albâtre, fer, zinc, plomb, carton, toile polychrome, argent où l'artiste joue avec l’oxydation du métal, tessons de céramique et morceaux de fer. De même qu’il reprend un thème pour en décliner des variations, il utilise différents matériaux sur un même thème, ce qui lui permet d’obtenir des sculptures totalement différentes.

Valdès réinterprète les œuvres de Velásquez
Pour Valdés, copier est un aspect naturel et nécessaire de l’histoire de l’art et de la création. Sa "copie" n'est pas une photo mais un autre regard sur une peinture quitte à en faire ... une sculpture. Jugez plutôt :
Saluons d'abord le Caballero I et la Dama a cabalo I qui montent la garde de part et d'autre de l'entrée principale. Allons sans attendre au second étage où d'autres cavaliers nous attendent sous les voûtes à caissons ornées des emblèmes de François Ier : la salamandre et le F.
La Dame à cheval s’inspire du portrait d’Isabelle de Bourbon (vers 1629), que Valdès réinterprète encore différemment en 2009 sous le titre d'Isabel de Francia II.Les têtes monumentales
Depuis 1998, Valdés chosifie en quelque sorte le portrait qu'il convertit, avec ses chapeaux extraordinaires, en nature morte.
De monumentales têtes de femmes en bronze chapeautées d’extravagants couvre-chefs sont présentées sur le parterre sud (de haut en bas et de gauche à droite : Regina, Clio, Mariposas et Ivy) . Nous allons en retrouver d'autres à l'intérieur, en version réduite.
On les avait frôlées en entrant dans la cour. On les revoit depuis une balustrade. L'idée m'est venue de les photographier de dos, de révéler leur nuque, pour changer d'angle de vue.
Certes il faut faire un travail d'imagination pour reconnaitre Cloe (photo de gauche)
et Mariposas (photo de droite)
Cette fois ce sont les influences de Matisse, Picasso ou Dufy qui se font sentir.


Daphné
et sa couronne d'épines pourrait être la petite sœur de Clio
Les natures mortes en bois massif
Au milieu des années 90, Valdés crée une série de bibliothèques en bois, de tables et de natures
mortes, objets qu’il transforme en scénographies, en trompe-l’oeil d’étagères chargées de livres.
Ces meubles qui n'en sont pas ne sont pas moins étonnants. De loin l'objet représenté est une évidence, mais de près ... le matériau reprend ses droits :
Il faut reculer pour que la bibliothèque s'impose comme une évidence. Comme si elle avait toujours été là rendant jalouse le secrétaire qui croule sous un savant échafaudage ... C'est à peu près le volume de livres que j'ai à lire d'ici le premier Salon littéraire de la rentrée, le Livre sur la place où je suis officiellement invitée cette année. Aller à Nancy à la mi-septembre est un bonheur comparable à une journée au domaine de Chambord, prouvant une fois de plus que nature et culture peuvent se conjuguer.
Valdès utilise la planche de bois en guise de tôle, comme s’il assemblait des plaques en fer ou en cire. Et comme l’on ne peut souder les planches de bois, il y met des clous, des clous en bois (des chevilles). Dans les Bibliothèques, il pose des morceaux de bois les uns sur les autres, puis les polit et les reconstruit.
Il a toujours en tête l’idée de l’empreinte du doigt, du modelage.
La chasse se termine au second étage du donjon avec quatre Ménines de différentes tailles difficiles à saisir tant les visiteurs tournoient autour d'elles. Elles semblent prises de vertige dans un incessant ballet. Mais il y a un instant de répit.
Décontextualisée, individualisée dans sa solitude de bronze, l’image prend une autre valeur, pour se transformer en autre chose, en une évocation supplémentaire du poème de Victor Hugo bien que ces infantes là n'aient point de rose à la main. Et pourtant,
On voit un grand palais comme au fond d'une gloire,
Un parc, de clairs viviers où les biches vont boire,

Pour lire le précédent article consacré à une journée à Chambord cliquer ici.

Mes conseils de visite :
Le château est ouvert toute l’année sauf les 1er janvier, 11 novembre et 25 décembre.
Du 02/01 au 31/03 : 9h - 17h15 ; du 01/04 au 10/07 : 9h - 18h15
Du 11/07 au 16/08 : 9h - 19h00 ; du 17/08 au 30/09 : 9h - 18h15
Du 01/10 au 31/12 : 9h - 17h15
L'entrée est gratuite pour les moins de 25 ans et les enseignants.
Deux expositions sont incluses dans le prix du billet : 1939-1945 Otages de guerre à Chambord qui est prolongée, et Manolo Valdés à Chambord, chasse et traques dans l'histoire de l'art jusqu'au 12/09/2010
Le domaine est ouvert tous les jours. La période du brame commencera le 11 septembre et vous aurez jusqu'au 3 octobre pour participer à vivre dans l'intimité des animaux vers 6 heures du matin ou du soir.
Enchainez à la nuit tombée jusqu'au 18 septembre avec la représentation du rêve de lumières, en sachant que Chambord fut précurseur en matières de spectacle de sons et lumières.
Pour en savoir plus tel : 02 54 50 40 00 ou par Internet http://www.chambord.org/
Le spectacle équestre (qui fera l'objet d'un billet spécial) est présenté à 11 heures 45 et 16 heures 30 jusqu'à fin septembre. Renseignements au 02 54 20 31 01 ou sur le site des écuries de Chambord

Les photos qui ne sont pas mentionnées
A bride abattue m'ont été fournies par le Domaine national de Chambord, que je remercie.