«Pour rendre compte d’une vie soumise à la nécessité, je n’ai pas le droit de prendre d’abord le parti de l’art, ni de chercher à faire quelque chose de « passionnant », ou d’ « émouvant ». Je rassemblerai les paroles, les gestes, les goûts de mon père, les faits marquants de sa vie, tous les signes objectifs d’une existence que j’ai aussi partagée. » (p. 24)
Raconter la vie de son père, c’est retranscrire toute une vie de labeur, un mariage, la perte d’une fille, la naissance d’une seconde, la tenue d’un commerce avec la hantise de la concurrence ; mais c’est aussi le faire revivre par le biais de ses paroles, de ses expressions courantes, en italique dans le texte, qui se révèlent être autant de façons de voir l’existence, des pensées toutes faites comme « personne pour leur faire du tort », « des gens pas fiers », « je n’ai pas quatre bras », ou encore « il ne faut pas péter plus haut qu’on l’a ». C’est transmettre aussi, par ce récit singulier, l’incapacité universelle pour la génération suivante de se faire comprendre de ses parents, de les voir évoluer, et réciproquement, pour eux de voir leurs enfants prendre du recul vis-à-vis d’eux, parfois même d’en avoir honte.
Prix Renaudot 1984
A lire aussi d’elle Les années ** à ***
ERNAUX, Annie. – La place. – Gallimard, 2009 . – 113 p.. - (Folio ; 1722). – ISBN 978-2-037722-0 : 4 euros.
Acheté le dimanche soir 8 août 2010 au café Plum, rue de Lengouzy 81440 Lautrec.