Évidemment Avatar est un film magnifique. Évidemment les images sont d'une beauté à couper le souffle. Et bien que le scénario soit assez mince, il reste suffisamment riche pour être captivant. Mais pour moi le meilleur du film réside dans la philosophie qu'il sous-tend. Car si l'on veut bien démêler les ficelles, cette philosophie s'avère étonnamment profonde. Alors allons-y, tirons-les, ces ficelles !
Certains ont dit qu'Avatar ne s'inspirait pas d'un livre, d'un jeu ou d'un film, on peut pourtant faire beaucoup de parallèles avec d'autres films (Aliens, Matrix, Danse avec les loups, Zak et Crysta), plusieurs bouquins de SF, et des BD (Sillage, Aquablue). Mais bon, les créateurs du film ont tout de même crée un univers qui se tient.
Tout d'abord une évidence : Le véritable héros du film, c'est la planète Pandora. Il ne s'agit d'ailleurs pas à proprement parler d'une planète mais d'un satellite d'une planète géante, Polyphème, qui ressemble beaucoup à Jupiter (avec une couleur plus violette). Pourquoi pas ? Déjà dans notre système solaire Titan, satellite de Saturne, est plus grande que la planète Mercure.
Pandora possède elle-même plusieurs lunes (des lunes d'une Lune !) Évidemment Cameron à imaginé cet environnement cosmique un peu particulier pour pouvoir en tirer les plus belles images possibles. Et vu de Pandora, le ciel est somptueux.Vue de l'espace, Pandora ressemble assez à la terre. Les couleurs dominantes sont le blanc des nuages, le bleu du ciel et de la mer, et le vert de la végétation.
Car Pandora possède une végétation, et quelle végétation ! La planète jouit d'un climat tropical à tempéré, avec une flore et une faune variée qui font penser à la terre du carbonifère, avec des fougères géantes, et aussi des arbres géants.Cela semble difficile à soutenir : sur Terre, l'ère des fougères s'est terminée quand a commencée celle des arbres.
D'une manière générale, bien que le réalisme de l'écologie de Pandora soit assez poussé dans le film, il s'agit avant tout d'un réalisme "visuel" et non écologique : par exemple il n'y a presque pas d'insectes, et ils ne piquent pas ! Et si la planète possède des carnivores (et quels carnivores), on n'y voir qu'un seul herbivore, les yerik, qui possèdent six pattes comme les Nantang carnivores. Il est possible que les pa'li, sorte de chevaux à six pattes que montent les Na'vis soient également herbivores.
Une autre ressemblance avec les westerns réside dans l'environnement géologique. Les roches de Pandora font penser à certains paysages de l'ouest.
Par contre les roches flottantes sont une première au cinéma. Dans son roman aux tréfonds du ciel, (que je vous recommande, il est excellent) Vernor Vinge avait inventé la cavorite, minéral possédant des propriétés antigravitationnelles. Cameron augmente la dose et imagine des montagnes flottant dans l'air, grâce aux pouvoirs d'une substance appelée Unobtanium. Évidemment c'est un prétexte pour nous montrer des images fabuleuses, et scientifiquement cela semble difficile à croire. La Cavorite de Vinge était une substance artificielle, crée voici des dizaines millions d'années par des êtres évolués disposant de la nanotechnologie, et disparus depuis. Ce pourrait être l'origine de l'Unobtainium, dont le nom signifie "impossible à obtenir" ! Mais naturellement ce sont les Na'vis qui sont les créatures les plus remarquables de Pandora. D'une intelligence semble-t-il égale à celle des humains (ni plus intelligent, ni moins intelligents, ce qui est remarquable et dur à avaler), ils ont une culture qui semble calquée sur celle des indiens d'Amérique : ils vivent en clans, chassent à l'arc, ont des chefs et sorciers, font de longs conseils et palabres avant toute décision impliquant l'avenir du clan, sont parfois violents, ont le culte du courage, vénèrent la déesse mère, etc.Par certains côtés, ces créatures aux oreilles pointues et aux dents impeccablement blanches rappellent aussi les elfes de Tolkien.
Évidemment les Na'vis sont très attachants mais comme si ça ne suffisait pas Cameron rajoute une touche d'exotisme en leur donnant une apparence "presque humanoïde, mais pas trop". Ils sont parfaitement adaptés à Pandora. En particulier comme tous les animaux ils respirent son air toxique pour les humains, ce qui est intéressant : pour la première fois au cinéma on voit qu'une planète peut être invivable pour les humains et pourtant posséder une écologie parfaitement viable.Les Na'vis ont une religion qui s'apparente à l'animisme, mais Cameron donne un socle tangible à leurs croyances : Pandora dispose en effet d'une "conscience planétaire" du fait que tous les végétaux à sa surface sont comme les neurones d'un système nerveux complexe. On reconnaîtra là l'hypothèse Gaïa, thème récurrent de Final Fantasy. Cette conscience végétale semble capable de parler aux animaux.
Les Na'vis peuvent même communiquer directement avec elle en branchant la "prise USB" qu'ils possèdent au bout de leur crinière sur "l'arbre des âmes" !
Les humains aussi sont intéressants dans Avatar : A priori, on peut les diviser en quatre groupes :
- Les scientifiques (les gentils)
- Les militaires (les méchants)
- Jake (le méchant qui devient gentil)
- Le businessman (Parker selfridge, joué par Giovanni Ribisi)
On retrouve d'ailleurs un autre parallèle entre Avatar et Aliens, l'utilisation des Mechas, ces exosquelettes robotisés qui amplifient les mouvements et décuplent les forces (on les voit aussi dans matrix revolutions)
à gauche : Avatar
à droite : Aliens
Autre parallèle, et thème cher à Cameron, la femme super musclée qui joue la gentille mais finit par être tuée.
A gauche, Michelle Rodriguez dans Avatar. A droite Jenette Goldstein dans Aliens.
Par contre, tous ces humains sont américains ! Mine de rien, Avatar pose la question de la propriété des planètes. Avec le redémarrage probable de la conquète de la Lune et de Mars dans quelques années, cette question va devenir importante. Une planète appartient-elle à celui qui la découvre (ou qui l'explore en premier), où à toute l'humanité ? Les américains posent leurs jalons... Notons que juridiquement parlant, les Na'vis n'ont, semble-t-il, aucun droit ! Je trouve ça très choquant.
Scientifiquement, beaucoup de choses ne vont pas dans Avatar : Le vaisseau interstellaire, par exemple, ne semble pas capable de franchir l'hyper-espace et pourtant il est censé rallier la Terre à Pandora (distance : 4,3 années-lumière) en cinq ans et demi seulement, c'est à dire à 80% de la vitesse de la lumière ! Ca ne tient pas debout, car il est beaucoup trop fragile pour supporter l'accélération énorme que cela impliquerait.
Le climat de Pandora est aussi impossible : il semble être le même sur toute la planète, et constant dans le temps ! Pandora tourne sur elle-même en environ 24 heures, mais on ne sait pas en combien de temps elle tourne autour de Polyphème (à vue de nez, en quelques mois) : si l'axe de Pandora est un tant soit peu incliné par rapport à son orbite, il devrait y avoir des saisons tous les mois. Il devrait aussi y avoir des éclipses périodiques d'alpha centauri par Polyphème, causant un refroidissement brutal et des vents violents... qu'on ne voit pas dans le film. Enfin les avatars sont censés être télécommandés par les humains, probablement par radio : on peut donc imaginer qu'ils ont un récepteur radio implanté dans le crâne, directement branché sur leur cerveau. Par conséquent il suffit de brouiller les fréquences concernées pour casser cette liaison. Pas besoin de se battre avec un avatar récalcitrant ! Mais le film passe sous silence ce "détail" essentiel. Et si ce n'est pas de la radio, qu'est-ce que c'est ? Un reroutage du lien entre le corps et l'âme ?
Enfin, l'histoire humaine montre que des peuplades armés d'arcs et de flèches, même aidées par une "déesse mère", n'ont aucune chance face à une armée mécanisée. Le film prétend le contraire, mais ça ne tient pas debout. Les Na'vis peuvent gagner une bataille parce qu'ils connaissent mieux le "terrain", mais pas la guerre. Sur le long terme, ils sont morts.
Alors oui, Avatar oppose belle nature et méchantes machines, gentils E.T. et méchants humains. Cela semble très primaire, mais pourtant le résultat, 500 millions de dollars plus tard, est une véritable oeuvre d'art. Et c'est sans doute comme ça qu'il faut voir ce film !
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