Le caractère sacré de noël

Publié le 23 décembre 2007 par Hugues-André Serres

LE CARACTÈRE SACRÉ DE NOËL

« Puisque c’est bientôt Noël, j’aimerais parler un peu de l’aspect ésotérique (c’est-à-dire sacré) de cette fête car elle a perdu une grande partie de sa signification première.

Il est en effet dommage de constater que Noël évoque pour la plupart des gens une histoire religieuse, culturelle ou commerciale, alors que cette fête correspond surtout et avant tout à un moment privilégié de l’année : le solstice d’hiver.

Déjà, bien avant les débuts du christianisme, les peuples antiques célébraient d’importantes fêtes religieuses aux approches du solstice d’hiver. Or, il est intéressant de constater que ces fêtes religieuses préchrétiennes avaient toutes essentiellement pour but de préparer les aspirants aux mystères à la naissance d’une nouvelle conscience.

Par exemple, dans les mystères d’Eleusis de la Grèce antique : à l’époque du solstice d’hiver, et plus particulièrement lors d’une fête célébrée à minuit, les aspirants aux mystères entraient solennellement en procession dans le temple, en portant un enfant dans les bras qu’ils présentaient en s’écriant : “Voici celui qui vient de naître de la Vierge.” Par la suite, des hymnes de louange et de gloire étaient chantés pour saluer l’enfant nouveau-né, porteur d’une lumière devant à nouveau éclairer le monde. Un sauveur était né.

Aux approches du solstice d’hiver, on célébrait également des rites analogues en Egypte. De même les Romains, qui avaient emprunté aux peuples assujettis à leur autorité de nombreux rites et pratiques, célébraient la fête du Sol Invictus, du Soleil Invaincu. Cette fête, intimement liée aux mystères du solstice d’hiver, consistait à saluer la renaissance et la réapparition du Soleil après une phase de déclin et d’extinction progressive déjà amorcée au solstice d’été.

Or, cette coutume de célébrer le solstice d’hiver, notamment dans l’ensemble des cultures occidentales de toutes les époques, est bien évidemment directement liée aux mystères de la fête de Noël et nous en révèle bien des aspects. Ainsi, il apparaît déjà que Noël est d’abord une fête associée au cycle solaire. Sa signification première s’explique du reste assez facilement. En effet, les Anciens avaient su remarquer, par une simple observation naturelle, que la décroissance du rayonnement solaire, amorcée au solstice d’été, prenait fin en ce jour particulier du solstice d’hiver, où la nuit est la plus longue de l’année. Or, cette mystérieuse décroissance du rayonnement solaire était tout naturellement interprétée par les Anciens comme un signe de la décrépitude et de la mort.

Imaginons, en effet, qu’on observe ce phénomène en adoptant une perspective naïve et mythique et non d’un point de vue scientifique plus moderne. En constatant ainsi, non sans appréhension, que la lumière solaire décline de jour en jour pour laisser une place toujours croissante aux ténèbres, il est assez facile d’associer ce phénomène à la croissance des forces du mal et à l’incarnation du plus grand ennemi de l’homme : la mort. La réduction progressive de la période diurne, la froideur et la noirceur étaient alors la confirmation tangible d’un tel raisonnement.

Toutefois, à partir du solstice d’hiver et bien que la nature demeure encore profondément figée dans une lourde léthargie, c’est le début de la lente régression des ténèbres et le retour triomphant de la lumière. À partir de ce jour en effet, les nuits se font plus courtes et les jours plus longs. Alors qu’antérieurement tout semblait perdu, l’espoir renaît : la lumière a remporté l’ultime combat contre les ténèbres et s’affirme désormais toujours plus chaque jour. En ce sens, le solstice d’hiver correspond bien à la renaissance d’un Soleil Invaincu.

A ces observations toutes naturelles, il est maintenant intéressant d’associer en outre une importante réflexion philosophique portant sur cette dynamique de la lumière et des ténèbres à l’intérieur du cycle solaire annuel. Conformément à des croyances ancestrales, la tradition de l’hermétisme chrétien enseigne également que la décroissance du rayonnement solaire (correspondant à l’apparition d’une certaine désolation extérieure), s’accompagne toujours d’un accroissement de la lumière intérieure nécessaire au développement de la vie spirituelle. Ainsi, tout au cours de la période des ténèbres extérieures, la vie intérieure croît en intensité comme par une mystérieuse loi de compensation. Elle atteint enfin son intensité maximale au moment du solstice d’hiver.

Et c’est également à cette période particulière de l’année de la lumière intérieure qu’est associé le symbolisme de la crèche de Noël. On dit que c’est saint François qui a créé la première crèche, mais ce qu’on omet de préciser, c’est qu’il a fait cela pour transmettre les enseignements profonds véhiculés par ce symbolisme sacré. Il faut bien comprendre que chaque personnage de la crèche porte en lui-même un enseignement symbolique exceptionnel qui demeure trop souvent muet aujourd’hui. En effet, même si bien des gens persistent encore à reconstituer fidèlement chaque année la traditionnelle crèche de Noël, ce n’est plus guère qu’en fonction d’un vague souvenir religieux ou comme un simple élément de décoration. Le sens ésotérique et initiatique qu’elle véhiculait autrefois est désormais complètement oublié.

Pour lui redonner vie, il importe d’abord de réaffirmer une fois de plus que la crèche n’est pas une simple reconstitution historique ayant une fonction commémorative. Du reste, ce n’est pas à la dimension historique de ces événements vécus il y a 2000 ans qu’il faut s’intéresser. La crèche est plus précisément une dramatisation et une mise en scène extérieure de tout un processus de développement intérieur. Chaque personnage devient alors le lieu d’une explicitation théâtrale.

Je n’entrerais pas dans les détails ici en ce qui concerne tous les personnages car ce serait trop long, mais sachez déjà que Marie et Joseph symbolisent bien évidemment les pôles féminin et masculin de l’homme alors que la naissance du Christ est considérée comme la représentation de la naissance intérieure de l’homme nouveau, de la conscience nouvelle.

Or, la naissance du Christ est, nous le savons, l’élément central du symbolisme de la crèche. Et la nativité correspond ici à l’éveil et au développement d’une conscience nouvelle, nous avons malheureusement tendance à chercher une révélation extraordinaire nous conduisant ipso facto à l’initiation. Et on oublie trop facilement que la clé primordiale est bien souvent placée sous nos propres yeux. À ce titre, la crèche de Noël représente précisément cette ultime clé de réalisation où chaque disposition intérieure à l’apparition de l’homme nouveau sont précisées.

En fait, tout ce que symbolise la crèche nous arrive ou doit nous arriver intérieurement, même les événements juste avant la Nativité. Prenons l’événement de l’Annonciation. Tachons de bien comprendre la portée hautement initiatique de cet événement, Marie, on l’a vu, symbolise cette dimension féminine présente en chaque être humain. Or, cette dimension féminine correspond principalement aux forces sublimées du sentiment ou de l’émotion. Marie évoque donc les dimensions féminines de l’être associées à l’intériorisation et aux qualités principales de réceptivité, de sensibilité et d’ouverture intérieure.

C‘est pourquoi Marie est très intimement liée à l’expérience de l’intuition. Or, par l’exercice de cette sensibilité intuitive, l’homme accède ainsi à d’autres réalités et perçoit peu à peu l’existence d’une dimension intérieure, spirituelle. C’est le maître intérieur dont on parle tant… Et ce maître s’exprime plus particulièrement à travers la voix du coeur. Les écritures saintes affirment que Marie “méditait tout dans son coeur”. Cette allusion biblique est donc particulièrement significative. Par cette écoute et cette ouverture à la voix du coeur, l’homme peut alors soumettre progressivement sa dimension corporelle (plus extérieure) à la puissance de l’Esprit pour devenir ainsi la matrice permettant la naissance de l’homme nouveau : “Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre volonté” déclare Marie à l’Ange Gabriel.

Or, à l’exemple de Marie, nous aurons toutes et tous à vivre un jour cette grande expérience de l’Annonciation. Ainsi, nous devrons apprendre à nous mettre à la disposition de l’Esprit. Nous prendrons alors pleinement conscience que nous sommes porteurs d’une semence divine, d’un esprit sans frontière et immortel qui doit un jour être éveillé de manière à donner naissance à l’homme nouveau. Certes, nous n’aurons pas à enfanter dans le sens où Marie le fit, mais nous devrons accepter d’être fécondés par Dieu.

Vécue aujourd’hui, cette expérience est sans doute tout aussi surprenante et tout aussi bouleversante qu’elle le fut pour Marie. À l’image de Marie, l’homme éprouve en effet beaucoup de difficultés à réaliser qu’il peut devenir le lieu d’incarnation d’un homme nouveau. Certes, plusieurs traditions religieuses affirment que l’homme est d’essence spirituelle et qu’il est l’objet d’un destin glorieux. Toutefois, réalisons-nous vraiment ce que cela signifie ?

Selon diverses Traditions, nous sommes tous appelés à devenir fils de Dieu. En ce sens, notre destin ne saurait être plus noble car nous sommes vraiment héritiers du Père.

Cette première prise de conscience est essentielle à la bonne compréhension du sens profond de la fête de Noël. Ainsi, l’Annonciation correspond au moment où nous entreprenons la tâche de donner naissance à ce que nous sommes véritablement, un homme nouveau. Or, ceci ne peut s’accomplir que dans la mesure où, hommes de chair, nous donnons naissance à un homme d’esprit. Notons à ce propos que l’Annonciation est faite à Marie, symbolisant ici les éléments féminins en l’homme et leur pouvoir de rédemption. Ainsi, cela signifie que, fécondé en vertu de nos qualités féminines, nous pourront alors concevoir et donner naissance à une conscience nouvelle.

Nous avons vu que Marie représente la féminité, qu’elle était davantage sensible à la gratuité, au pardon et à l’amour, tandis que Joseph, lui, est plus particulièrement associé à la juste rétribution et à l’application de la loi. Vous vous souvenez que, symboliquement (et non historiquement), Joseph voulait au départ répudier Marie car elle était enceinte. Cet épisode est très significatif dans le processus évolutif permettant à la conscience nouvelle de naître.

Pour bien en comprendre la portée initiatique, il importe de se rappeler que Joseph représente, quant à lui, la dimension masculine présente en chaque être humain. Or, cette dimension masculine est davantage associée à l’extériorisation et aux qualités mentales du raisonnement et de la logique.

Joseph et Marie illustrent donc les rapports existant entre le féminin et le masculin dans la naissance de l’homme nouveau. En fait, l’intention de Joseph lorsqu’il veut répudier Marie correspond à un moment précis dans l’évolution de la conscience. En effet, on découvre d’abord que la conscience nouvelle à laquelle nous consacrons notre quête, ne pourra naître en nous que dans la mesure où nous développons notre nature féminine. Plus encore, celle-ci sera seule à recevoir la fécondation divine. Cela signifie que la nouvelle conscience ne sera pas constituée d’éléments masculins.

J‘imagine que certains parmi vous sont choqués par cette révélation, mais voyez justement comment cette intuition est alors immédiatement suivie d’une révolte. Ayant cru devoir insister sur le développement de notre raison et de nos qualités masculines, nous découvrons que seules nos dispositions féminines nous permettront d’atteindre la réalisation spirituelle. On se sent alors profondément trahi et on se rebelle face aux comportements que nous dicte notre coeur. Profondément troublé devant ce constat, à l’image de Joseph, nous hésitons et chancelons.

Mais l’ange du Seigneur vient vite rassurer Joseph en lui expliquant que ce qui a été engendré en Marie vient de l’Esprit Saint, et Joseph accepta donc Marie. Ceci signifie que, une fois plongée dans une détresse profonde, la nature humaine s’apaise mystérieusement sous l’influence de l’esprit. Bien que seule la dimension féminine contribuera à la naissance de l’homme nouveau, les principes masculins auront également un rôle à jouer. En effet, le mental ne doit pas être rejeté et la conception virginale de Marie n’est pas un rejet de Joseph. Dans sa fonction de paternité, Joseph permettra à l’homme nouveau, dont la conscience est devenue celle de l’amour, de s’incarner en ce monde.

Ainsi donc, Joseph et Marie, de par leur symbolisme propre, représentent également les fonctions intuitive et mentale en chaque être humain. Toujours en état de tension, ces deux dispositions sont alors destinées à se réconcilier et à s’unir dans le processus de développement de la conscience nouvelle. Toutefois, un nouveau rapport est alors établi au sein duquel une place prépondérante est accordée à la dimension intuitive et sensible. La dimension mentale, ainsi éclairée par l’esprit, cesse de répudier celle du coeur pour se mettre à son service. La gestation d’une conscience nouvelle peut désormais être menée à terme. Cette réconciliation correspond aux noces alchimiques auxquelles la tradition de l’hermétisme chrétien fait abondamment allusion. Ces noces scellent alors l’union entre le coeur et l’intellect.

Suite à l’Annonciation qui conduit donc à une redéfinition du rapport entre le plan féminin et le plan masculin, une nouvelle épreuve attend encore Joseph et Marie : celle du voyage à Bethléem et le recensement voulu par César Auguste de tout le monde habité.
Ce recensement qui obligea Joseph et Marie, alors enceinte, à quitter Nazareth (bien que ce village n’est jamais existé mais là, on est dans le symbole) pour se diriger vers Bethléem s’avère fort intéressant. Sur un plan purement physique d’abord, un tel recensement était forcément à l’origine de profonds bouleversements sociaux. Pour bien comprendre les enjeux qu’un tel recensement impliquait, il importe de se resituer dans le contexte historique. Des milliers de personnes durent alors se déplacer vers leur lieu de naissance afin de s’y faire enregistrer. Or, ceci n’est guère évident à une époque où se déplacer exige de parcourir à pied ou à dos d’âne de longues étendues désertiques impropres à la vie. Lieux de prédiction des vipères et des scorpions, les déserts étaient aussi le repère de redoutables voleurs et de pilleurs qui n’hésitaient pas à s’attaquer aux plus faibles. Voyager dans ces conditions s’avérait donc fort périlleux. En outre, ayant laissé derrière lui l’ensemble de ses biens, le voyageur intrépide n’était jamais assuré de les retrouver au retour. Les recensements engendraient donc un affolement général qui entraînait une très grande incertitude face à l’avenir.

Toutefois, nous savons bien qu’à tout changement extérieur correspond également une transformation de la conscience. Aussi, n’est-il guère étonnant de constater dans le discours de la tradition que l’aspirant aux mystères est toujours contraint d’entreprendre un voyage pour se préparer à l’initiation. Il doit alors changer de milieu, abandonner le terrain où il évoluait jusqu’ici pour entreprendre une nouvelle expérience. Autrement dit, il doit abandonner ses acquis antérieurs pour se diriger résolument vers quelque chose de nouveau.

Toutefois, ce voyage devra également conduire l’aspirant à redécouvrir ses racines, c’est-à-dire à découvrir ce qui lui a donné naissance. À ce titre, il n’existe pas de symbole plus éloquent que le voyage de Marie et de Joseph. En effet, ces derniers abandonnent leur monde (symbolisé par Nazareth) pour se diriger vers un monde nouveau (symbolisé par Bethléem). Ajoutons également que le retour de Joseph à sa ville natale est bien représentatif d’une démarche qui consiste d’abord à retourner aux sources, à ses origines, avant de pouvoir dépasser son état actuel.

De nombreuses méthodes de développement et plusieurs techniques thérapeutiques modernes prévoient un tel retour aux origines. Il est évident que pour aller plus loin, il importe d’abord de bien se connaître et de savoir avec précision ce qui a donné naissance à ce que nous sommes aujourd’hui. À partir de là, il est alors possible d’entreprendre un travail de dépassement de soi.

Cependant, arrivés à Bethléem, une nouvelle difficulté attend Joseph et Marie. En effet, les hôteliers refusent systématiquement de les recevoir sous prétexte que leurs auberges sont complètes. A priori, ceci peut paraître évident en raison des déplacements nombreux liés au recensement. Sur un plan symbolique, on ne peut toutefois demeurer insensible au message associé à ce refus. En effet, le rejet des hôteliers n’est pas purement circonstanciel. En réalité, il illustre admirablement le fait que Marie représente une source possible d’ennuis puisqu’elle est sur le point d’accoucher.

De même, à la manière de Marie, celui qui a su éveiller en lui la conscience nouvelle représente pour les siens un danger dans la mesure où il implique une remise en question de leurs propres valeurs et de leurs références. Aussi, celui ou celle qui se prépare à enfanter l’homme nouveau est-il bien souvent marginalisé et mis de côté. Rejeté de tous ceux qui sont encore dominés par le vieil homme, il sera de plus en plus isolé dans un monde qui deviendra désormais pour lui complètement étranger. Les aubergistes ne représentent-ils pas ici de manière admirable ceux qui appartiennent encore à ce monde et qui possèdent en conséquence les biens de cette terre ? Ils sont alors en opposition parfaite avec ceux qui, à l’image de Jésus, n’ont pas de quoi poser leur tête.

Mais ce refus ne doit pas cependant être considéré comme un événement purement négatif. En réalité, l’homme nouveau doit aussi réaliser qu’il est seulement de passage en ce monde. Il n’est pas citoyen ou propriétaire. Il est un passant. Ce détachement de tout sentiment de possession est caractéristique de la démarche initiatique qui implique de concevoir la vie sur Terre comme un voyage ayant un début et une fin correspondant au retour vers les plans supérieurs.

L‘expérience de la solitude est sans doute également très déterminante. L’enfant Jésus (qui s’appelait alors Joseph, comme son père) naîtra (selon le symbolisme de la crèche) dans la plus grande solitude. Or, tout ceci est particulièrement important pour l’aspirant qui aura le plus souvent tendance à se positionner du côté de la majorité sachant pourtant depuis Emerson que “Partout l’erreur jouit d’avoir la majorité de son côté”. C’est pourquoi tout au cours de son ministère, le Christ évitera d’aller chez les justes, mais visitera volontiers les rejetés et les marginalisés, c’est-à-dire ceux qui participent déjà à la conscience du monde nouveau.

Le Christ lui-même réalisa mieux que quiconque la portée de cette expérience : “Le Fils de l’homme, déclare-t-Il, doit beaucoup souffrir, être rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes…” (Marc VIII, 31).

Il déclara encore dans ses Béatitudes : “Heureux êtes-vous, quand les hommes vous haïront, quand ils vous frapperont d’exclusion et qu’ils insulteront et proscriront votre nom comme infâme, à cause du Fils de l’homme. Réjouissez-vous ce jour-là et tressaillez d’allégresse, car voici que votre récompense sera grande dans le ciel.” (Luc VI, 22-23).

Ainsi, confrontés à l’impossibilité de se loger dans Bethléem, Joseph et Marie s’éloignent donc de la ville pour trouver abri dans l’un des nombreux Bethsaid des collines environnantes. Les Bethsaïd étaient des sortes de petits hôpitaux, des dispensaires, qui étaient mis en place par la Fraternité essénienne un peu partout en Palestine.)

Alors, rapporte l’évangéliste Luc : “Marie enfanta son fils premier-né, l’enveloppa de langes et le coucha dans une crèche, parce qu’ils manquaient de place dans la salle.” C’est donc loin de la ville et des réalités mondaines que naquit Jésus.

Traditionnellement, Joseph est représenté agenouillé à la droite de l’enfant alors que Marie est placée à la gauche de celui-ci. Une fois de plus, ceci nous indique bien que la conscience nouvelle (symbolisée par Jésus) naît indubitablement de l’union des deux polarités primordiales associées à la nature humaine : la polarité masculine (le côté droit) et la polarité féminine (le côté gauche). Ainsi placé entre Joseph et Marie, l’enfant Jésus est couché, déclare la tradition, dans une mangeoire remplie de paille fraîche.

Le symbolisme de cette mangeoire est une fois de plus extrêmement profond. Tout d’abord, on sait que Saint François d’Assise (inventeur de la crèche) fit célébrer une messe sur la mangeoire même de la crèche. Après la messe, précisent les traditions ancestrales, on recueillait le foin placé dans la mangeoire servant d’autel et on le distribuait aux femmes enceintes pour faciliter leur accouchement. On prétend que ce foin possédait alors des propriétés merveilleuses.

Mais que symbolise donc la mangeoire ? Sur un plan purement physique, elle représente bien évidemment l’endroit où les animaux vont se nourrir. Or, pour la tradition de l’hermétisme chrétien, l’animal a toujours symbolisé les aspects non encore maîtrisés de la nature humaine. Ainsi, chaque fois qu’il est question d’un animal dans les textes bibliques et traditionnels, le lecteur est inévitablement mis en face d’une disposition psychologique précise que l’homme porte en lui, sans être en mesure de la contrôler. Aristote mit d’ailleurs parfaitement bien en relief le fait que l’élément distinctif entre l’homme et l’animal, est d’abord et avant tout la raison. Ceci explique pourquoi l’animal qui ne peut guère contrôler sa nature émotionnelle et différer la satisfaction d’un plaisir, fut choisi comme symbole de toutes les tendances humaines non encore contrôlées. Ainsi donc, la mangeoire est ce qui nourrit ces dispositions intérieures encore animales et non apprivoisées.

Toutefois, la fonction naturelle de la mangeoire semble mystérieusement inversée dans la dynamique de la crèche. En effet, elle ne sert plus ici à nourrir les animaux. L’âne et le boeuf dont nous reparlerons plus tard ne viennent pas à la mangeoire pour se nourrir mais au contraire pour nourrir de leur souffle l’enfant Jésus. Nous sommes donc en présence d’une véritable inversion du rôle de la mangeoire. En d’autres termes, avec la naissance de Jésus, la mangeoire change de vocation : elle ne sert plus à nourrir les animaux, c’est-à-dire les dispositions psychologiques non maîtrisées en l’homme, mais elle devient un outil de soutien, de croissance et d’épanouissement de la conscience nouvelle.

En fait, la mangeoire représente symboliquement le coeur. Or, le coeur est défini comme un véritable sanctuaire de l’amour. Ceci dit, bien que le coeur soit tenu en haute estime devant le fait qu’il représente en quelque sorte le lieu où siège l’amour, il devient également parfois un centre où sont rassemblées des forces négatives issues des expériences passées (Karma). Plus précisément, le coeur renferme tous les registres karmiques archivés au niveau de l’atome-germe. Certains scientifiques d’avant-garde se plaisent aujourd’hui à parler de cette réalité en utilisant un terme plus moderne, celui d’éon-électron.

Ainsi donc, il existe une structure mémorielle qui, dans la région du coeur, enregistre tous les actes, bons ou mauvais. Ceci explique du reste le sens de l’affirmation de Saint Matthieu : “Ne comprenez-vous pas que tout ce qui pénètre dans la bouche passe dans le ventre, puis s’évacue aux lieux d’aisance, tandis que ce qui sort de la bouche procède du coeur, et c’est cela qui souille l’homme ? Du coeur en effet procèdent mauvais desseins, meurtres, adultères, débauches, vols, faux témoignages, diffamations.” (Matthieu XV, 17-19).

C‘est pourquoi ce qu’on appelle “le sacrement de la pénitence” ou la “contrition du coeur” n’est pas une simple figure de style : quand l’homme contrit, regrette vraiment ses fautes du passé, il allume en son coeur un feu qui consume son karma et efface donc en quelque sorte les mémoires de ses actes passés. Et ce feu qui consume son karma provient du rayonnement intérieur de la conscience nouvelle qui fait du coeur humain un véritable sanctuaire de l’amour altruiste.

Puissiez-vous très bientôt accoucher de l’homme nouveau qui est en vous.

Un grand merci à capucine - Texte de Régis - (A faire suivre sans modération…)