Née avec l'avènement du parlant - condition sine qua non de son existence - la comédie musicale va prendre un essor inespéré aux Etats-Unis sous l'influence des spectacles de Broadway. C'est ainsi qu'elle va mettre à contribution les talents les plus éblouissants de l'époque et devenir comme une ode à la danse et au chant.
Son berceau sera Hollywood et la première tentative reviendra à Alan Crosland qui, dès 1927, met en scène Le chanteur de jazz, suivi en 1929 par The Broadway Melody de Harry Beaumont. Deux courants essentiels se créent alors : l'un avec la Warner et ses parades chorégraphiées par Bush Berkeley, l'autre avec Radio-Keith-Orpheum et les élégants numéros de Fred Astaire et Ginger Rogers.
C'est néanmoins la MGM qui renouvelle le genre de la manière la plus audacieuse sous l'influence de son producteur Arthur Freed, si bien que le merveilleux devient source d'inspiration et produit en 1939 un film accompli Le magicien d'Oz de Victor Fleming. Freed fait appel aux talents les plus en vue : ceux de Gene Kelly et de Stanley Donen et donne à la MGM ses plus grands chefs-d'oeuvre : Un jour à New-York ( 1949 ), Chantons sou la pluie ( 1952 ) Tous en scène ( 1953 ), ce dernier de Vincente Minelli qui traite le genre avec plus de profondeur et de cohérence artistique. Tous en scène sera l'un des plus grands succès de la MGM avec ses numéros de danse d'une virtuosité étourdissante et une chorégraphie qui se double d'une réflexion sur le monde du spectacle.
La comédie musicale évolue au fur et à mesure des films et des audaces des uns et des autres, sans cesse réinventée par des scénaristes tels que A.J Lerner, Adolph Green ou Betty Comden. A côté des énormes productions se multiplient les oeuvres plus modestes et moins coûteuses des sociétés indépendantes.
Avec Une étoile est née ( 1954 ) de George Cukor et Beau fixe sur New-York ( 1955 ) de Stanley Donen et Gene Kelly, l'atmosphère féerique cède progressivement le pas à un ton nettement plus dramatique et puise un nouvel élan avec l'arrivée du rock n'roll, s'appuyant sur ces rythmes neufs pour construire des histoires qui sont traitées au premier plan.
En 1961, en abordant une intrigue amoureuse sous un jour mélodramatique, Robert Wise dépoussière le genre et ne remporte pas moins de 10 Oscars. Ce sera la fabuleuse réussite de West Side Story, libre adaptation de Roméo et Juliette tournée dans le Manhattan des années 60, sur une brillante partition de Léonard Berstein.
La France n'est pas en reste et se laisse séduire par un genre qui offre, sous le mode du spectacle, un panel large et ne se cantonne nullement dans un seul univers onirique mais reflète une réalité aussi dure soit-elle. En 1964, Jacque Demy, à travers une imagerie colorée portée par la musique de Michel Legrand, raconte une histoire d'amour brisée par la guerre d'Algérie Les parapluies de Cherbourg qui voit les débuts d'une ravissante actrice Catherine Deneuve. Avant d'évoquer en 1967 la quête sentimentale de deux soeurs dans Les demoiselles de Rochefort.
La comédie musicale permet d'aborder une palette de sujets telle que, progressivement, des cinéastes, apparemment éloignés de la scène, se lancent à leur tour le défi. Avec New-York,New-York ( 1977 ), chorégraphié par Ron Field, Scorsese jette un regard critique sur l'Amérique des années 50, tandis que Sydney Lumet dans The Wiz ( 1978 ) nous propose une version sombre et urbaine du Magicien d'Oz. La jeunesse, composant désormais un public spécifique auquel l'offre se doit de s'adapter, Milos Forman saisit l'occasion pour adapter à l'écran le spectacle Hair en 1979. C'est ainsi que le départ de son héros pour le Vietnam prend une dimension sociale et politique déterminante. Alors que certains films de texture plus légère comme La fièvre du samedi soir ( 1977 ), avec un John Travolta en icône de la musique disco, cherche davantage à faire danser les foules qu'à délivrer un quelconque message.
En 2001 et 2002, Moulin Rouge de Baz Luhrman et Chicago de Rob Marshall exploitent le genre brillamment mais sans y apporter d'innovation. Il faudra attendre Lars von Trier et son Dancer in the Dark qui, en réunissant tous les éléments clés, aborde la comédie musicale selon des critères encore inédits et crée un style totalement nouveau. Le succès qu'il remporte prouve - si besoin est - combien la comédie musicale est apte à nous entretenir des réalités les plus complexes et les plus modernes.
Pour prendre connaissance des comédies musicales analysées sur ce blog, cliquer sur leurs titres :
Chantons sous la pluie Entrons dans la danse Un américain à Paris My fait lady
Les demoiselles de Rochefort Un violon sur le toit West Side Story Orfeu Negro
Dancer in the dark