Il est de ces musiques dont l'écoute vous touche intimement. Des mélodies dont le charme vous envoûte littéralement. Quand elles sont associées à des textes imagés et poétiques, il n'est pas rare de ressentir une petite vibration interne qui signe l'addiction au titre en question.
Mardi 1er juin, j'assistais au concert de Syd Matters à la Maroquinerie où le groupe a joué des titres de ses précédents albums mais au cours duquel le public a aussi pu découvrir de nouveaux morceaux, ceux de l'EP "Hi-life" annoncé comme un teaser de l'album à venir, BrotherOcean. Et je me trouvais bien embêtée le lendemain, au moment de mettre des mots sur l'émotion que suscite chez moi la musique de cette formation, bien obligée de constater mon incapacité à restituer à l'écrit le délicieux trouble que génère en moi la musique de ces 5 musiciens. Je m'en tirais comme je pouvais par une pirouette du genre "puisqu'il me parait impossible de restituer la magie du moment, je vous laisse l'imaginer grâce aux photos blabla..." et j'inventais un mot pour l'occasion : "mugicien" - copyright NotSoBlonde. C'était un peu facile, je peux bien le reconnaitre maintenant...
Quand j'ai reçu Brotherocean, le dernier album de Syd Matters, à paraitre le 30 août, je me suis pris une grande claque émotionnelle et je me suis dit : "Ma grande, magie ou pas, il va falloir que tu mettes des mots là-dessus parce que la parution de cet album, c'est le genre d'évènement que tu ne peux pas ne pas relayer sur le blog alors difficulté ou pas, va falloir t'y mettre, non mais..."
Et me voilà donc ici, à tenter de cristalliser un moment de magie pure : Mission a priori impossible mais il en faut plus pour décourager une blonde motivée, donc je me lance!
Le dernier album de Syd Matters permet de retrouver un peu des ambiances distillées par le groupe dans ses précédents opus. Donc le fan fidèle n'est pas tout à fait perdu même si la première écoute surprend un peu celui qui était habitué aux ballades folk plus classiques mais Attractive et organized life sur " A Whisper and a sight" et Louise ou encore l'intro d' I was asleep sur " Ghost Days" annoncaient déjà la teinte générale de Brotherocean : un fond souvent plus électro avec reverbe profonde, une belle place réservée aux backing vocals, l'ensemble évoquant des sonorités parfois très 70's. (Si je ne parle pas de choeurs c'est parce que je trouve que ça sonne trop "ensemble-choral-façon-petits-chanteurs-à-la-croix-de-bois" et que là ce sont juste des arrières plans vocaux majestueux et aériens qui habillent de nombreux titres de l'album; ça n'a donc rien d'une fantaisie lexicale).
Clavier vintage très présent, arrières plans des morceaux léchés...On retrouve le souci du détail de Jonathan Morali et de sa troupe qui nous avaient jusque là habitués aux mélodies aériennes et nous invitent cette fois à une balade aquatique enchanteresse qui lorgne parfois du côté du post-rock .
Et la balade est intéressante : Là, le mélange des voix et des mélodies révèle un effet hypnotique d'une beauté à couper le souffle (qui évoque l'irrésistible chant des sirènes), ici, ce sont les textes oniriques qui nous invitent au voyage. Avec cet album, Syd Matters signe une oeuvre lyrique bouleversante qui confirme que le chemin artistique qu'il a décidé de suivre est sinueux et qu'il ne craint pas de s'aventurer dans des contrées inconnues.
Avec ses passages fluides mêlant réel et visions oniriques c'est un peu comme si Syd Matters avait ici su mettre en musique certains de nos rêves, ouvrant une fenêtre sur notre inconscient. Les évocations poétiques de scènes et/ou de personnages imaginaires n'y sont pas étrangères bien sûr, ni les images de l'enfance, récurrentes. Et selon les moments on navigue entre rêve et cauchemar.
L'album ose le mélange de textes parfois sombres et désabusés et de mélodies d'une légèreté spectrale malgré les rythmes souvent très marqués, textes toujours servis par la voix de Jonathan Morali qui devient envoutante quand il entonne certains passages incantatoires.
Morceau choisi : River Sister
"There's many ways to travel /There's only one for me (...) I hear a rolling thunder /I put on my diving belt /Could swim to this island / I can't see very clear /And the echo in the water /Is playing with my ear /There's something in the water /Tells me to come in /There's something changin' colours / turning into green /This place is not a harbour /I can't find it on a map /This man is not a sailor /He's playing with my heart /He told me not to do this /There's a gard aboard the ship"
Si les titres de Brotherocean m'évoquent des parrains de renom comme Simon and Garfunkel, (One), ou encore Brian Wilson ils sont inconstestablement marqués de l'empreinte de leur époque qui les distingue des artistes dont on croit perçevoir l'influence à l'écoute de l'album. Et Syd matters s'aventure ici loin des groupes contemporains auxquels on a pu jusque là le comparer parfois ( Girls in Hawaï, Radiohead, Blonde Redhead, Grandaddy...) en prenant une direction plus créative qui va au bout de ces lignes musicales planantes et obsédantes dont le groupe a le secret.
Brotherocean est un de ces albums qui permettent d'approcher le ciel juste en fermant les yeux mais c'est un ciel nébuleux qu'on atteint, aux teintes sans cesse changeantes. Car si l'ensemble des morceaux s'inscrit dans une ambiance homogène, chaque titre présente sa spécificité propre qui évite toute lassitude tout en restant dans le registre de la poésie chantée.
Certains se plaignaient du côté sombre de "Ghost Days", qu'ils se rassurent : Brotherocean est plus lumineux que l'album qui l'a précédé.
A n'en pas douter, Jonathan Morali, Clément Carle, Olivier Marguerit, Rémi Alexandre, et Jean-Yves Lozac'h signent ici un album qui fera date dans la carrière de Syd Matters.
Bien sûr leur musique si habitée prend toute sa dimension sur scène et je ne peux que vous recommander d'aller assister à une des dates de leur tournée à venir (dates à consulter sur leur myspace). Ils seront notamment le 8 novembre au bataclan : A ne pas manquer!
Un petit regret : alors que le groupe avait lancé un concours via myspace visant à recruter parmi ses fans un candidat qui aurait le droit de participer à l'enregistrement de l'album j'ai appris à l'occasion du concert parisien que l'initiative avait été abandonnée...Dommage car au moins un des fans du groupe aurait pu toucher du doigt ce qui fait la magie de ces musiciens là.
En même temps, les plus grands magiciens n'ont jamais livré leurs secrets...
Titres présents sur l'album Brotherocean : 1. wolfmother / 2. Hi Life/ 3. Hallalcsillag/4. A robbery/5.We are invisible/6. River Sister/7. Lost/8. Rest/9. I might Float/10. Hadrian's Wall