La manœuvre est cousue de fil blanc : s’assurer que l’ancien chef de l’État se retrouvera sans adversaire, ni accusation devant les juges. Et ce n’est pas du ministère public censé pourtant défendre l’ordre public et les intérêts de la société que risque de venir la menace. Dès la fin de l’instruction, le parquet a fait savoir qu’il requérerait la relaxe sans que cela suscite beaucoup d’émotion chez ceux qui jettent aujourd’hui la pierre à Bertrand Delanoë.
Ce faisant la chancellerie et donc le sommet de l’exécutif a politiquement très bien joué puisqu’il a déplacé le problème sur les épaules du maire socialiste à qui il est finalement reproché de ne pas créer les conditions pour que son prédécesseur soit inquiété. C’est certes vrai mais, la responsabilité première de Bertrand Delannoë est avant tout de veiller à la réparation du préjudice subi par la collectivité dont il a la charge. Pas de faire condamner pour le compte de beaucoup d’autres un insaisissable vieux fauve de la politique.
Mué dans le rôle de Robespierre, Yves Contassot reproche à l’édile socialiste d’avoir “négocié dans son coin” alors que les écologistes étaient à l’origine des poursuites mais surtout de ne pas avoir assorti le remboursement d’une indemnisation complémentaire au titre du préjudice moral.
Sans répondre sur cet aspect précis, le groupe socialiste fait remarquer que le remboursement partiel par Jacques Chirac équivaut à une reconnaissance de culpabilité. “Le président Jacques Chirac a toujours contesté avoir commis quelque infraction pénale que ce soit et maintient que les emplois litigieux étaient légitimes et utiles à la ville de Paris et aux Parisiens“, s’est d’ailleurs dépêché de déclarer jeudi son avocat, Me Jean Veil.
L’essentiel du problème est pourtant lié au régime très particulier d’irresponsabilité des présidents de la république française et aux “protections” dont jouit encore la classe politique. Une situation renforcée par la reprise en main du parquet, la volonté de suppression des juges d’instruction sans oublier la dépénalisation de la vie des affaires.
Était-il crédible et acceptable d’attendre la fin du second mandat présidentiel de Jacques Chirac en mai 2007 et douze années d’immunité pénale pour que, celui-ci redevenu justiciable ordinaire, soit trainé devant une barre de tribunal à 77 ans ? Au psschitt d’anthologie prononcé par le locataire de l’Elysée risque de répondre une autre onomatopée émise cette fois, et c’est plus grave, au nom du peuple français.
Une modification de la constitution s’impose pour lever sur une anomalie qui engendre une impunité de fait, acquise au bénéfice de la rouerie et de l’âge.
Quid en outre du sort des bénéficiaires des présumés emplois fictifs ? L’inacceptable n’est pas tant, comme on peut le lire içi ou là, que ce soit le contribuable national (financeur de l’UMP à travers la subvention allouée par l’État ) qui vienne au secours du contribuable parisien mais, que les sommes perçues par les employés fictifs ne soient pas remboursées par des personnes qui avaient pleinement conscience de la nature “complaisante” de leur rémunération.
Une explication à cette cécité partielle vient peut être du nom et des fonctions occupées aujourd’hui par ces anciens pensionnés du roi. Le site Bakchich se charge de livrer quelques noms . La radinerie légendaire des Chirac, malgré la confortable retraite du grand Jacques, les amènera peut être à sortir les répertoires du grenier pour passer quelques coups de téléphone afin de rentrer dans leurs frais.