Shaft est le second film de la blaxploitation, si l’on considère que le courant démarre avec le film de Melvin Van Peebles.
Alors que Sweet sweetback Badass song était un film politique, le film de Gordon Parks se situe plutôt dans le divertissement. Certes l’un des premiers plans du film montre un John Shaft, interprété par Richard Roundtree, qui sort du métro, pris en contre-plongée comme pour montrer qu’il est un noir puissant, certes John Shaft ne se plie pas aux injonctions de la police, il fait même mieux puisqu’il arrive à soutirer des informations au lieutenant sans ne lui en donner aucune mais on ne peut pas dire que Shaft soit militant. Que cela soit bien ou non est une question qui n’a rien à voir avec ce simple fait, Shaft donne un modèle de film où la politique n’a pas sa place, en dehors de l’idée que se fait Hollywood de ce qu’est la politique.
Le film est tiré du roman d’Ernest Tidyman paru quelques temps auparavant. L’histoire est simple, dans le film je ne sais pas pour le roman, la fille de Bumpy, un caïd de Harlem, a disparue, enlevée par des maffieux italiens qui veulent extorquer de l’argent à son père. Il faut quelqu’un qui ne s’en laisse pas compter pour la retrouver, un dur à cuire, Shaft est l’homme de la situation.
Le personnage de Bumpy dans le film est à mon avis directement inspiré par, Ellsworth « Bumpy » Johnson célèbre gangster, accessoirement poète, des années 30-40 qui a mené une guerre contre les maffieux italiens, en fait un de leurs alliés Arthur Fleggenheimer alias Dutch Schultz, pour protéger le business des « numbers » de Mme St-Clair, une martiniquaise arrivée quelques années plus tôt aux Etats-Unis et qui avait fait fortune grâce à cette loterie clandestine. Un autre film d’ailleurs raconte cette histoire, Hoodlum avec Laurence Fishburne et Andy Garcia traduit en français par Les seigneurs de Harlem.
Bumpy Johnson est un modèle de caïd pour plusieurs personnages de la blaxploitation, on l’a aussi retrouvé récemment dans le film de Brian de Palma centré sur la vie de Franck Lucas, Mr Untouchable, un autre caïd de Harlem qui lui sévissait dans les années 70, dans le business de la drogue.
Bref, les hommes de Bumpy viennent donc quérir Shaft sans s’annoncer auparavant, l’un d’eux sera défénestré, c’est dire si l’homme est dangereux.
Finalement Shaft va accepter de travailler pour Bumpy. Il se lance alors sur la trace des Lumumba’s un groupe de noirs révolutionnaires, Bumpy n’ayant pas expliqué d’emblée que des maffieux italiens voulaient se servir de sa fille à des fins pécuniaires.
Ensuite le chef des révolutionnaires qui était un ami de Shaft, Shaft lui-même et Bumpy finissent par s’entendre pour coordonner leurs efforts, c'est-à-dire s’entendre sur la somme que Bumpy versera à chacun afin que le premier fournisse des troupes qui aideront le second à terminer son enquête. Cette scène rappelle d’autres scènes qu’on retrouvera dans d’autre films comme the Mack où révolutionnaires et voyous s’entendent comme pour donner raison au sociologue Kenneth Bancroft Clark selon lequel le ghetto et ses conditions de vie donnent deux types de révolté contre l’injustice, le révolutionnaire et le délinquant.
Shaft n’est pas un révolté, ce qui l’intéresse c’est l’action, les femmes, à noter que la poétesse et chanteuse Nikki Giovanni à laquelle on doit Take Yo Praise repris par Fatboy Slim et sa troupe de danseurs déjantés dans les années 2000, joue le rôle de la compagne de Shaft ; et bien sûr l’argent.
Shaft est un peu le modèle de durs-à-cuire que l’on retrouvera plus tard interprétés par Fred Williamson ou Jim Brown.
On ne peut pas parler du film de Gordon Parks, qui rappelons le avait commencé comme photographe pour le magazine Life et qui était également, écrivain et compositeurs, il a écrit quelques ballets et quelques romans, sans parler de la bande son composée par Isaac Hayes.
Elle a fait en grande partie le renom du film ainsi que la réputation d’un Isaac Hayes qui se lançait en solo après avoir longtemps composé pour Stax avec Dave Porter.
C’est la bande son qui a permis à beaucoup de monde de connaître le film et qui a fait d’Isaac Hayes une des icônes de la musique afro-américaine.
On ne peut que passer très rapidement, malgré la présence de Samuel. L Jackson, sur le remake de John Singleton qui est, à mon avis, en dessous de la version originale, alors que celle-ci est simplement du niveau du bon divertissement.