"Ces dernières semaines, des déclarations politiques de responsables de haut rang ainsi que des actions menées par le gouvernement ont stigmatisé les Roms migrants. Ceux-ci sont présentés collectivement comme auteurs d’infractions pénales et sont en particulier caractérisés comme seuls responsables d’abus de la réglementation européenne en matière de liberté de circulation. Une politique fondée sur des expulsions forcées et des mesures ’incitant’ à quitter la France ne peut fournir une réponse durable. L’antitsiganisme, qui constitue une forme particulière du racisme, devrait être combattu de manière efficace dans tous les pays européens" : voilà le cinglant communiqué publié par la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (Ecri), un organe du Conseil de l’Europe. "Cette déclaration publique, une démarche exceptionnelle de la part de ce collège d’experts des 47 Etats membres, fait suite au démantèlement de campements illégaux demandé fin juillet par le président Nicolas Sarkozy dans un discours où il faisait un lien entre délinquance et immigration", explique l’agence Reuters. On comprend que nos experts parlent fort : "L’Ecri rappelle avoir demandé en juin aux autorités françaises de combattre les attitudes racistes vis-à-vis des Roms et de "respecter les droits sociaux" de cette population", précise Reuters. On sait ce qu’il est advenu depuis juin... Aussi la Commission exprime-t-elle "sa déception face à cette évolution particulièrement négative". Cette remontrance vient pour mémoire, excusez du peu, après celles de la presse internationale, de l’ONU, du pape et de l’église catholique de France, ainsi que des anciens Premiers ministres de droite, Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin. Mais Besson-le-traître, toujours droit dans ses bottes, prétend que "la France n’a pas de leçons à recevoir" et annonce ce matin son intention d’ "accélérer" les expulsions.
Saluons enfin l’exemplaire réaction d’un médecin anesthésiste du nom d’Anne-Marie Gouvet, élevée au rang de Chevalier de la Légion d’honneur pour récompenser l’action humanitaire qu’elle mène depuis trente ans, au Rwanda, au Liban, en Iran lors du tremblement de terre, en Inde, et plusieurs fois en Afghanistan. "Elle vient de décider de refuser cette décoration de prestige qu’elle devait recevoir en janvier", annonce La République des Pyrennées, qui publie des extraits de la lettre qu’elle a adressée à l’Elysée pour expliquer son geste : "Je ne peux, ni ne veux être associée, de près ou de loin, à la politique mise en oeuvre par votre gouvernement vis-à-vis des gens du voyage, stigmatisés comme seuls, ou presque, responsables de l’insécurité dans notre pays que j’aime profondément. J’ai travaillé dans trop de camps de déplacés pour tolérer la manière dont sont traités par la France les réfugiés et autres « sans-papiers ». (....) Comment pourrais-je partir prochainement en Afghanistan, en Mongolie, ou ailleurs avec cette décoration, tandis que les Roms, citoyens européens, vivent dans la boue et assistent, impuissants, à la destruction au bulldozer de leurs rudimentaires campements, avant d’être mis dans un avion vers un avenir aussi pitoyable qu’incertain ?" Le quotidien régional ajoute : "le médecin humanitaire ne veut pas avoir le sentiment de cautionner une politique qui lui apparaît « absolument intolérable". L’article mentionne enfin deux autres récents cas similaires : "Dimanche, on a appris que le père Arthur Hervet, un prêtre assomptionniste lillois très engagé dans la défense des Roms, avait décidé de rendre au ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, sa médaille de l’ordre national du Mérite. Il entendait ainsi protester contre la politique menée par le gouvernement à l’encontre des Roms en situation irrégulière. [C’est lui qui avait avoué "prier pour que Nicolas Sarkozy ait une crise cardiaque", avant de se rétracter, NdA.] À noter par ailleurs, qu’un professeur au collège de France, Jacques Bouveresse a annoncé récemment qu’il refusait lui aussi la Légion d’honneur qui lui a été octroyée lors de la promotion du 14 Juillet. Il entendait pour sa part dénoncer, non pas précisément les expulsions de sans-papiers, mais « la politique adoptée à l’égard de l’Éducation nationale et de la question des services publics en général." Marianne publie sa lettre de refus où il ne mâche pas ses mots : "Il ne peut, dans ces conditions, être question en aucun cas pour moi d’accepter la distinction qui m’est proposée et – vous me pardonnerez, je l’espère, de vous le dire avec franchise – certainement encore moins d’un gouvernement comme celui auquel vous appartenez, dont tout me sépare radicalement et dont la politique adoptée à l’égard de l’Éducation nationale et de la question des services publics en général me semble particulièrement inacceptable." Bravo ! Laissons donc la Légion d’honneur, pour le moins dévoyée par le pouvoir actuel, aux fraudeurs du fisc ainsi récompensés de soutenir l’UMP.
Plume de presse