Hier, Nicolas Sarkozy recevait ses ministres pour un conseil de rentrée. Il pouvait être agacé. Son premier ministre le
snobe, les sondages sont mauvais, les polémiques reprennent comme si l'été n'avait servi à rien.
Eric Besson a beau confirmé de nouveaux charters de Roms,
François Baroin faire le rigoureux chez son collègue allemand des Finances. Le Figaro pouvait claironner que le chômage avait baissé de 14 400
sans-emplois en juillet (alors que le nombre de chômeurs à temps partiel augmente) Rien n'y fait.
Sarko, seul en ligne
On en sait un peu plus des coulisses de Brégançon de vendredi dernier. D'abord, Nicolas Sarkozy a décommandé Eric Woerth à la
dernière minute. On s'interrogeait sur l'absence de ce dernier, alors qu'il est en charge de l'un des dossiers les plus chauds de la rentrée - la réforme des retraites - et que ce même dossier
participe pleinement au plan de rigueur gouvernemental.
En fait, à en croire le Canard Enchaîné, Sarkozy ne voulait pas être pris en photo avec son fidèle ministre
qu'il a fini par trouver un peu trop imprudent: l'affaire Sérigny, du nom de ce conseiller « bénévole », inquiète beaucoup l'Elysée, en attendant d'éventuelles révélations sur Sébastien
Proto, le (très) jeune dircab du ministre très (trop) actif dans la libéralisation des marchés en ligne.
Ensuite, Nicolas Sarkozy n'aurait pas apprécié la distance prise par son premier ministre. Depuis qu'on le dit sortant, François
Fillon se sent zen. Il a franchi allègrement le cap des 3 ans, sans être grillé comme un fusible. Relégué au rang de simple « collaborateur » depuis mai 2007, il jouit de la relative
popularité sondagière qui sied si bien à ceux qui ne responsables de rien. Depuis le discours de Grenoble, Fillon s'est soigneusement abstenu de participer à l'inefficace surenchère sécuritaire.
Vendredi, il s'est pointé sans cravate, en pantalon blanc et veste bleu à col Mao, tandis que Nicolas Sarkozy s'était contraint à un austère costume/cravate qui le changeait de ses photos mal
rasé et transpirant en bras de chemises prises durant l'été près du Cap Nègre. Il fallut attendre mercredi pour attendre le démenti : François Fillon portait une « forestière », « élégante veste
de ville qui oublie le costume » d'après son fabricant français.
Suprême affront, Fillon a organisé mardi une réunion impromptue et imprévue à l'agenda officiel sur le thème des Roms, avec
Brice Hortefeux (Intérieur), Éric Besson (Immigration), et Pierre Lellouche (Affaires européennes), à l'issue de laquelle il a déclaré par communiqué interposé: « la lutte contre l'immigration irrégulière ne doit pas être
instrumentalisée de part et d'autre. La tradition humaniste de la France va de pair avec le respect de ses lois par tous ceux qui se trouvent sur son territoire ». Et paf
!
Mercredi, Eric Besson s'est incrusté dans la réunion avec deux ministres roumains que Brice Hortefeux avait invités. La «
guéguerre » de position entre Besson et Hortefeux se poursuit plus que jamais. « Il n'y a pas de reproche fait par les Roumains » a expliqué le ministre de l'identité nationale. C'est faux, vu les
déclarations roumaines de l'été. Glissement sémantique, les Roms sont devenus les Roumains. Près de 14 000 ont été expulsés depuis janvier, 8 000 de façon contrainte, 6 000 volontairement. On
croyait que la France ne comptait que 15 000 gens du voyage. Les chiffres sont allègrement manipulés sans que cela ne gêne personne...
Nicolas Sarkozy avait pris de la distance depuis l'échec des élections régionales. Mais le voici plus que jamais seul devant
tous. Mercredi, sans rire, l'homme responsable de la
grande salade sécuritaire mêlant braquage, émeutes, immigration, polygamie, excision, insécurité et nationalité a demandé à ses ministres de ne pas céder à la « polémique systématique »
et à la « confrontation stérile ». Il faut « redoubler de courage ».
Effectivement, il lui faudra du courage.
Bettencourt : le Sarkogate se confirme
L'affaire Bettencourt a enfin repris son cours. Mardi 24
août, l'ex-comptable de Liliane Bettencourt a de nouveau été entendue par la brigade financière à la demande du procureur de Nanterre Philippe Courroye, dans le cadre de l'enquête
préliminaire pour « atteinte à la vie privée ». Le procureur cherche à savoir si Françoise Meyers-Bettencourt, fille de Liliane, a payé des anciens collaborateurs de sa mère pour l'aider
dans son procès contre François-Marie Banier.
Mais les véritables rebondissements sont ailleurs. Selon Hervé Gattegno sur lePoint.fr, le procureur de Nanterre souhaite désormais interroger
personnellement Eric Woerth. Au programme, ses relations avec Patrice de Maistre, les conditions de l'embauche de son épouse par ce dernier et l'accusation de trafic
d'influence.
Cet été, deux révélations sont venues ajouter au trouble : primo, le jeune directeur de cabinet d'Eric Woerth est en fait un
proche ami du beau-fils de Patrice de Maistre, Antoine Arnault. Selon nos informations, il aurait même passé ses vacances de l'été 2009 dans une villa louée par la famille Arnault en Corse. Autre
fait, le rôle d'Eric de Sérigny, conseiller « bénévole » et occulte d'Eric Woerth, est
également un « ami de 40 ans » de Patrice de Maistre. Hervé Gattegno révèle également qu'Eric de Sérigny a été entendu par la police, « en toute discrétion » la semaine
dernière.
Voici donc deux relations proches du ministre également proche du principal protagoniste de l'affaire
Woerth/Bettencourt.
Si Eric Woerth a toujours minoré ses relations avec Patrice de Maistre, il avait sans doute raison sur un point : il a nié
avoir été l'initiateur de l'attribution de la Légion d'Honneur à Patrice de Maistre. Et, effectivement, le Canard Enchaîné a livré mercredi une petite bombe : les enquêteurs sont allés chercher
le dossier de Légion d'Honneur de Maistre à la Grande Chancellerie. Et qu'ont-ils trouvé ? Que la demande initiale
émanait ... du cabinet du ministre de l'intérieur Nicolas Sarkozy en mars 2007 (en l'occurence Laurent Solly, également directeur de campagne). Pour celles et ceux qui suivent de près
l'affaire Bettencourt/Woerth/Sarkozy depuis le début, cette date est adorable. Le 26 mars 2007 fut la première date mentionnée par l'ex-comptable
de Liliane Bettencourt comme celle d'un dépôt d'espèces à l'équipe de campagne Sarkozy pour la campagne du candidat. Cette première demande de Légion d'honneur pour Patrice de Maistre sur le
quota du ministère de l'intérieur est « incongrue »: un homme d'affaires, banquier ou entrepreneur n'a rien à faire dans le périmètre du ministère de la sécurité publique... A moins... à
moins qu'il y ait d'autres contre-parties.
En mai, après l'élection présidentielle, la demande est rapatriée de l'Intérieur au ministère du Budget pour être traitée par
Eric Woerth. Patrice de Maistre obtient sa décoration le 14 juillet 2007. La cérémonie de décoration de la Légion d'honneur par Eric Woerth était initialement prévue le 19 novembre 2007,
... deux jours après l'entrée en fonction de Florence Woerth chez Clymène. Une cérémonie finalement reportée le 23 janvier 2008 à cause du décès d'André Bettencourt.
Roland Branquart, l'autre conseiller
Mercredi 25 août, Mediapart reprend aussi l'affaire, et dévoile le rôle de Roland
Branquart, conseiller d'Eric Woerth (mais combien de conseillers a donc Eric Woerth ??) à travers une société de communication et de lobbying, Euro 2C. L'homme a même ouvert un blog, peu actif depuis avril 2010.
Roland Branquart a travaillé pour Eric Woerth, il y a longtemps, quand ce dernier dirigeait l'ADO (Agence de
développement de l'Oise), « poste pour lequel il
s'octroyait de généreuses augmentations de salaires » rappelle Mediapart, mais aussi pour d'autres personnalités politiques de droite comme André Santini, Renaud Donnedieu de Vabres,
Raymond Barre (en 1988), Edouard Balladur (en 1995), et Jacques Chirac (en 2002). En 2007, il a été condamné pour «complicité de prise illégale d'intérêts» dans une affaire d'obtention
de marchés publics dans l'Oise alors « dirigée » par le RPR Jean-François Mancel, ancien mentor local d'Eric Woerth. Cette condamnation fut recalée par la Cour européenne de Justice pour
vice de forme en juin 2010.
En juin 2007, Roland Branquart a à nouveau loué ses services à Eric Woerth pour sa campagne législative. L'année suivante, il
retrouve Eric Woerth, mais de l'autre côté de la barrière: il conseillait une société britannique de pari en ligne, Betfair. Cette société avait comme actionnaire minoritaire
Bernard Arnault. Le fils de ce dernier, Antoine Arnault , est un proche de Sébastien Proto, directeur de cabinet... d'Eric Woerth. Roland Branquart vient plaider la cause de
Betfair et son « exchange betting », une forme particulière de paris où la cote est fixée par les parieurs et non le site. Betfair, malgré l'insistance du gouvernement, sera retoquée
dans la loi sur la libéralisation des paris en ligne finalement adopté en avril dernier.
Le deal Sarko-Chirac
Il y a quatre semaines, nous révélions les troubles tractations à l'oeuvre entre Chirac et Sarkozy. Le premier souhaitait que
l'UMP assume le paiement des conséquences financières d'une éventuelle condamnation à l'issue de son procès pour les emplois fictifs de la Marie de Paris. Le second hésitait. Puis le Canard
Enchaîné mentionna que le deal était conclu : Sarkozy lui-même l'avait imposé à ses proches. Il craint trop une nouvelle guerre des droites. Dans son édition du 25 août, le Canard Enchaîné
détaille. Les affaires de Jacques Chirac la Mairie de Paris sont en passe d'être réglées: à son prochain Conseil municipal fin septembre ou mi-octobre, la mairie
de Paris soumettra le protocole transactionnel.
L'UMP sera le dindon de la farce: elle perdra 1,65 millions d'euros au passage, et un peu plus de crédibilité morale. La
Mairie de Paris récupère son du, contre l'abandon des poursuites. Et le grand Jacques, contre un versement « personnel » de 550 000 euros, évite un procès humiliant.
Mercredi 25 août, lors de son point presse à l'issue du conseil des ministres de rentrée, Luc Chatel n'a pas voulu confirmer
l'existence de cet accord. « Il faut s'adresser à l'Ump, au parti majoritaire. »
Ben voyons...
Sarkofrance