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Poésie des pylônes

Par Borokoff

A propos de Lost Persons Area de Caroline Strubbe 3 out of 5 stars

Poésie des pylônes

En Belgique, dans le pays flamand, Marcus, technicien sur un chantier de pylônes électriques, vit avec sa fille Tess et sa femme Bettina dont il est follement amoureux. Un jour, Marcus se blesse gravement à la jambe en tombant d’un pylône. Bettina demande alors à Szabolcs, un ingénieur hongrois que Marcus vient d’embaucher, de venir l’aider. Mais Szabolcs tombe amoureux de Bettina…

Premier long métrage de la Belge Caroline Strubbe (dont elle a aussi écrit le scénario), Lost Persons Area, filmé entièrement caméra à l’épaule, est à la fois très ancré dans la réalité et le quotidien d’ouvriers vivant sur un chantier industriel, et un film planant, aérien. Un poème solaire en forme de monologue buté que se récite Tess, 9 ans, adepte d’école buissonnière et collectionneuse d’objets de toute sorte. Tess répète en boucle : « Frappe, tords-lui le cou et dis-lui au revoir »

Lost persons area est filmé tantôt du point de vue de la fillette tantôt de Szabolcs. Mais c’est bien du portrait d’un couple qui s’aime et qui rêverait d’un ailleurs dont il s’agit. Une vie loin des chantiers. Bettina travaille comme cantinière pour les ouvriers du chantier mais clame tout haut son espoir de vivre un jour dans une « maison en dur comme tout le monde » et d’avoir une « vie normale ».

Le drame qui arrive à Marcus l’oblige à s’arrêter de travailler en même temps qu’il condamne le couple à une vie d’errance et de misère. Le personnage de Tess, dans son côté errant et un brin sauvage,  annonce la tragédie à venir. Tess en sera la première victime. Szabolcs, le témoin impuissant.

Le film de Caroline Strubbe a incontestablement des qualités, dans la beauté plastique de ses couleurs et de sa photographie. Strubbe emprunte autant à William Eggleston (portrait de Bettina devant la baraque qui lui sert de cantine et de logement) qu’à une esthétique photographique du paysage américain des années 70.

Il faut saluer les nuances avec lesquelles la réalisatrice parvient à suggérer les sentiments amoureux qui naissent chez Szabolcs, qui cache tant bien que mal ce qu’il éprouve pour Bettina (mais Marcus a bien compris) en même temps qu’il est lucide sur l’impossibilité de vivre cet amour. La scène où il fait du cheval sur un chantier fait étrangement penser, dans la proximité du personnage avec la nature, au soldat amoureux de Leonara dans Reflets dans un œil d’or de Carson Mc Cullers, adapté au cinéma par John Huston en 1967 (avec Brando et Taylor). La parenthèse s’arrête là.

Mais Lost persons area n’est pas sans longueur, sans une certaine manière de s’appesantir, de s’auto-regarder. De répéter les mêmes motifs. Parfois, la même idée ou la même scène sont redites un peu inutilement. C’est particulièrement notable dans les scènes où Tess ramasse des objets. Comme si la caméra de Strubbe aimait se regarder (s’admirer ?) dans un miroir (scène de la fourmi qui court sur le doigt de Tess).

Du coup, le film est un peu long malgré des qualités plastiques indéniables. Gageons que la réalisatrice fera davantage d’économie de moyens la prochaine fois. Ses films auraient tout à y gagner…

www.youtube.com/watch?v=Tyjk-seSonA


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