Désormais, la SF — ou, du moins, une certaine imagerie composite dont elle constitue l'un des éléments principaux — fait partie des clichés du rock'n'roll, et l'arrivée des clips vidéo va accélérer le mouvement. Parallèlement, les fims d'horreur — qui, appelole, peuvent aussi bien employer des thématiques fantastiques que science-fictives — on de plus en plus souvent recours pour leur bande son à des groupes de rock, et plus particulièrement de heavy metal.
Pendant les années 90, les aspects de cette imagerie composite les plus proches de la SF se trouvent plutôt dans la techno, tandis que les thèmes se rapprochant plus du fantastique ou de la fantasy demeurent globalement l'apanage du rock. Comme toute généralisation, celle-ci est bien entendu abusive, et certains courants — comme le rock progressif ou le metal — continuent à recourir régulièrement à la SF. Il est encore trop tôt pour tirer un véritable bilan des années 2000, mais il ne semble pas y avoir de changement dans ces tendances : l'électro reste notamment très friande d'une imagerie « futuriste »
Curieusement, l'intérêt de la SF pour le rock s'est accru durant la même période, sous la plume d'auteurs comme Lewis Shiner (En des cités désertes, 1988 ; Fugues, 1993), Dradley Denton (Buddy Holly is Alive and Well on Ganymede, 1991), Jack Womack (L'Elvissée, 1993), Andrew Weiner (« Le groupe venu de la planète Zoom », 1986 ; « De nouvelles fréquences », 1998), Howard waldrop (« Flying Saucers Rock''roll », 1985 ; « Do you Wanna Dance ? », 1988) ou F. Paul Wilson (« Bob Dylan, Troy Johnson et la Reine du Speed », 1992).
Pendant ce temps, en France, le rock continue à inspirer plusieurs générations d'écrivains de SF : Joêl Houssin rend hommage à Led Zeppelin avec Le Temps du twist (1991), Jean-Marc Ligny à Dead Can Dance dans La Mort peut danser (1994) et Francis Valéry à Buddy Holly (« The Night Budy's Planbe Went Down », années 90), alors que Jean-Claude Dunyach met en scène un personnage de chanteur de variétés plutôt que que rock-star dans Roll Over Amundsen (1995).
Enfin, last but not least, Stephen King, grand fan de rock devant Elvis non content d'avoir fait de larges allusions à son style préféré dans plusieurs textes (Christine, 1983 ; Le Fléau, 1978 ; « Un groipe d'enfer », 1992), a effectué une tournée en 1993 et quelques concerts isolés par la suite avec les Rock Bottom Reminders, un groupe rprenant des succès des années 50 et 60 qui réunit des écrivains parfois aidés de musiciens professionnels. Ils ont également sorti un CD, Stranger Than Fiction (1998) sous le nom de the Wrocker.
Après avoir été longtemps ignorés par le genre, le rock'n'roll, sa mythologie, son imagerie ont donc fini par s'intégrer à la palette thématique de la science-fiction littéraire, que ce soit par le biais de l'hommage, de la parodie ou d'un désir de réalisme social. Au-delà des larmes d'émotion que l'évocation de telle ou telle période de l'histoire du rock peut faire monter aux yeux de tel ou tel auteur, au-delà de l'anecdote mythique, du clin d'œil pour connaisseurs et du cliché médiatique bien pratiques lorsqu'il s'agit d'écrire un texte de fiction, il paraît clair que la mythologie du rock constitue désormais non seulement une source d'inspiration crédible pour un écrivain de SF, mais aussi une mine de situations que l'on pourrait qualifier d'exemplaires et/ou de paroxystiques sur le plan romanesque.
Il me semble qu'un texte comme « Elvis le rouge » de Walter Jon Wiliams, qui décrit un Presley bien plus rebelle et engagé que celui dont nous conservons le souvenir, en est un parfait exemple. Philip K. Dick aurait sans doute apprécié.
Roland C. Wagner