L’élection présidentielle et les élections législatives qui auront lieu en 2012 apparaissent d’ores et déjà comme un moment capital pour le PS : retour au pouvoir et possibilité de proposer au pays une nouvelle orientation pour sortir de la crise et bâtir un nouveau modèle de développement et de croissance. Les deux ans qui viennent seront pleinement consacrés à cet objectif mais ce court laps de temps ne saurait se résumer à la préparation d’une victoire électorale attendue depuis tant d’années par les socialistes. Ces deux ans devront aussi être le temps d’une réforme en profondeur du parti, de son projet et de son fonctionnement afin de garantir, après une éventuelle victoire, la durabilité du pouvoir et l’inscription de l’action politique des socialistes, et avec eux de la gauche française, dans le temps long.
Pour ce faire, les socialistes devront répondre à plusieurs questions sur l’étroitesse de leur base sociologique, sur leur rapport aux institutions de la Ve République (notamment sur la présidentialisation du régime), sur le contenu de leur projet politique pour le pays ou encore sur la stratégie d’alliances qu’ils veulent adopter. Ils devront également s’interroger en profondeur sur les raisons du malaise qui les touche et les condamne électoralement depuis si longtemps à l’opposition au niveau national. Ils devront notamment repenser leur rapport à la construction européenne qui a été jusqu’ici largement appuyé sur un malentendu entre les exigences de déconstruction de la souveraineté nationale nécessaires à l’avènement du projet européen, et l’attachement à des principes, tels que la solidarité par exemple, qui renvoient à une dimension nationale souvent négligée aujourd’hui.
Après un avoir dressé un état des lieux du parti tel qu’il apparaît aujourd’hui (I), nous tenterons d’expliquer pourquoi il a perdu le pouvoir et n’a pu le reconquérir en dix ans (II) avant de tracer quelques perspectives pour le rendez-vous de 2012 (III).
I. Etat des lieux : le PS au milieu du gué
Une situation électorale paradoxale
La situation électorale du Parti socialiste depuis une dizaine d’années (2002-2010) est paradoxale. Alors qu’il réussit très bien au niveau local – le PS a remporté toutes les élections locales depuis 2004 (municipales, cantonales, régionales) et il est devenu le premier parti de France en nombre d’élus et de collectivités gérées –, il a en revanche régulièrement échoué au niveau national (élections législatives et surtout présidentielles). Ce paradoxe est particulièrement apparent au lendemain de chaque élection. Lorsqu’il s’agit d’une élection nationale (donc d’une défaite), les commentateurs annoncent rien moins que la mort du parti alors que les mêmes lorsqu’il s’agit d’élections locales (et donc de victoires) annoncent que le PS est devenu incontournable ! En fait, le PS n’est ni moribond – il possède un solide réseau d’élus et de collectivités qui en constituent aujourd’hui la réalité vivante – ni au mieux de sa forme : un parti qui ne gagne pas les élections nationales et ne conquiert pas le pouvoir d’Etat à plusieurs reprises devrait être conduit à se poser des questions sur son fonctionnement, son efficacité et la qualité de son projet. C’est précisément entre cette solidité locale et ce doute national que se situe aujourd’hui le Parti socialiste français.
Tableau des résultats du PS aux élections depuis 2002
Résultat en % des suffrages exprimés
Situation politique
Présidentielle 2002 (L. Jospin) 16,18 Défaite/éliminé au 1er tour
Législatives 2002 35,26 Défaite/1er parti d’opposition
Cantonales 2004 38,56 Victoire (+8 pts/2001)
Régionales 2004 (PS + gauche alliée) 49,92 Victoire (+13 pts/droite)
Européennes 2004 28,9 Victoire (+7 pts/1999)
Référendum européen 2005 Oui 45,33 / Non 54,67 Défaite/ Division du PS
Présidentielle 2007 (S. Royal) 46,94 Défaite au 2nd tour
Législatives 2007 42,25 Défaite (+46 sièges/2002)
Municipales 2008 (PS + gauche alliée) 33,35 Victoire (conquête de villes)
Cantonales 2008 35,11 Victoire (+172 sièges)
Européennes 2009 16,48 Défaite (- 17 sièges)
Régionales 2010 (PS + gauche alliée) 49,51 Victoire (+18 pts/droite)
Le triple problème sociologique du PS
Le paradoxe électoral que l’on vient d’évoquer renvoie fondamentalement le PS à ce que l’on pourrait nommer son « problème sociologique ». Celui-ci est triple.
Premier problème, le PS est désormais un parti d’élus au sens propre du terme : près de la moitié de ses adhérents réels (150 000 membres environ), soit 60 000 personnes, sont des élus (municipaux, intercommunaux, cantonaux, régionaux, nationaux, européens), et l’autre moitié « aspire à l’être » selon la formule souvent employée au PS.[1] Ce qui entraîne des conséquences importantes à la fois sur toutes les décisions prises par la direction du parti (positionnement politique, réformes, modalités d’ouverture des procédures de désignation des candidatures aux élections…) et sur la composition sociologique du parti lui-même puisque les élus sont moins enclins que les autres adhérents à tolérer une contestation de leur position et privilégient le recrutement d’affidés plutôt que des personnalités risquant de les menacer électoralement au sein du parti local par exemple.
Deuxième problème majeur pour le PS : la composition sociologique de ses adhérents est très largement biaisée. La dernière enquête exhaustive en la matière date de 1998[2] mais rien ne laisse supposer dans les évolutions récentes (adhésion des militants dits « à 20 euros » en 2006 à l’occasion de la désignation des candidats à la présidentielle par exemple) qu’il y ait eu un changement radical de la sociologie intrapartisane.[3] Les principaux traits de la sociologie socialiste restent ceux mis en lumière en 1998 : prédominance masculine malgré, sans doute, un rééquilibrage dû à la parité (72% des adhérents étaient à cette date des hommes) ; moyenne d’âge élevée (67% de plus de 50 ans) ; déséquilibre important en faveur des CSP moyennes et supérieures (16% d’ouvriers et employés contre 35% de cadres supérieurs et professions libérales), ainsi que des adhérents travaillant dans le secteur public (58%).[4]
Troisième problème sociologique, celui de la composition de l’électorat socialiste tel qu’il apparaît lors des différentes élections sur la base des enquêtes de « sortie des urnes » – approximation que l’on peut compléter par les résultats des différentes enquêtes d’opinion auprès des sympathisants socialistes. Outre la faiblesse des résultats d’ensemble enregistrés par le PS (si l’on tient compte en particulier de la faiblesse croissante de la participation aux élections hors le cas de la présidentielle) qui réunit entre 20 et 30% des suffrages exprimés lors des premiers tours électoraux sur son seul nom, on constate que ce « socle » électoral est sociologiquement étroit. Il réunit principalement des électeurs issus des couches moyennes et supérieures et peu des couches populaires (notamment des CSP « employés » et « ouvriers » qui représentent pourtant toujours plus de 50% de la population active française). De plus, la proportion d’électeurs issus du secteur public est particulièrement importante par rapport au poids de celui-ci dans la population active. La répartition géographique du vote socialiste laisse aussi deviner une forte représentation des zones urbaines (centre villes notamment) et péri-urbaines denses au détriment des autres zones d’habitat.[5]
Cette triple question sociologique adressée au PS est un triple handicap dans la mesure où le parti n’est plus en phase avec la société française comme il l’était dans les années 1970 par exemple à raison d’un réseau de relais et de liens dans l’ensemble du pays et des couches sociales – même si le PS n’a jamais été à proprement parler un parti populaire ou ouvrier compte tenu de la présence à sa gauche du parti communiste et de la coupure avec le monde syndical. Le triple problème d’une surreprésentation des élus en son sein, d’une sociologie militante en décalage avec la population et d’une base électorale étroite et biaisée rend difficile non pas tant la perspective d’une victoire électorale qui dépend de nombreux autres facteurs mais, plus profondément, de la durabilité au pouvoir, de la cohérence de l’action sur le long terme et de la diffusion des valeurs du parti au sein de la société. C’est en cela que la sociologie joue un rôle essentiel en politique comme l’ont montré aussi bien Max Weber qu’Antonio Gramsci notamment.
Une image partiellement restaurée aux yeux de l’opinion publique
Les difficultés de la présidence de Nicolas Sarkozy – économiques et politiques – ont rendu au Parti socialiste, ces dernières années, le premier rôle parmi les opposants. Le PS est considéré par les Français comme le parti de gauche le mieux à même de fournir le candidat de ce camp au second tour de l’élection présidentielle. Toutefois, l’opposition à Nicolas Sarkozy ne constitue ni un programme ni un projet politique. Or c’est sur son projet pour le pays que le PS est désormais attendu.
L’élection de Nicolas Sarkozy comme président de la République en mai 2007 et l’échec, face à lui, de la candidate du PS et de la gauche, Ségolène Royal, a conduit à une phase d’abattement et de cacophonie au PS. La campagne présidentielle de Royal a en effet été menée sans le parti voire contre lui. Et, symétriquement, le PS n’a pas suivi comme il l’aurait dû la candidate dont la légitimité, malgré sa désignation lors de primaires internes en novembre 2006, n’a jamais été pleinement reconnue par l’ensemble du parti, de la base au sommet.[6] Les déchirures au sein du parti ont duré jusqu’à l’épisode paroxystique du congrès de Reims en novembre 2008 : Martine Aubry a été élue premier secrétaire contre Ségolène Royal à quelques voix d’écart et en étant accusée d’avoir triché. Les forces centripètes nombreuses au PS : grands barons locaux, « jeunes » responsables appelés les « quadras »… ont exprimé leurs doutes et leurs désaccords publiquement pendant des mois alors même que le nouveau président de la République pratiquait « l’ouverture », c’est-à-dire le débauchage de personnalités socialistes pour les nommer dans son gouvernement ou leur donner des missions sur tel ou tel sujet.[7] Le résultat calamiteux des élections européennes de juin 2009 – même si ce fût le cas pour de nombreux partis sociaux-démocrates en Europe – ayant achevé de convaincre les observateurs que le PS était sinon mort du moins hors d’état de contester à Nicolas Sarkozy la perspective d’un deuxième mandat.
Depuis l’été 2009 pourtant, le PS est redevenu peu à peu non seulement le premier parti d’opposition mais son leader Martine Aubry fait figure de candidate de plus en plus naturelle à l’élection présidentielle, et ce bien avant les primaires qui doivent pourtant en décider. Un tel retournement de perception est surtout dû aux erreurs du président de la République qui n’a pas su éviter un certain nombre de scandales concernant ses ministres ou lui-même, par exemple quand il a voulu imposer son fils à la tête d’un établissement public important, celui qui gère le grand quartier d’affaires de la Défense à côté de Paris. Il est certainement dû aussi à la crise économique qui a coupé net l’élan réformateur du président de la République en l’obligeant à mettre en place des mesures d’économies de plus en plus sévères alors même qu’il se refuse à revenir sur les mesures favorables aux plus riches qu’il a prises dès son arrivée au pouvoir en 2007. Il faut enfin noter la capacité de Martine Aubry qui bien que mal élue à la tête du parti a su le remettre en ordre de marche, faire taire les divisions et s’imposer comme son chef naturel – la « victoire » des élections régionales de 2010 a ainsi été mise à son crédit alors qu’elle n’était pas directement candidate à la direction d’une région contrairement à Ségolène Royal par exemple.
La mauvaise image dans l’opinion de Martine Aubry (celle notamment de « la dame des 35 heures »[8]) s’est finalement inversée. Et si elle apparaît toujours comme moins « présidentiable » que Dominique Strauss-Kahn notamment (mais davantage désormais que Ségolène Royal), elle est en revanche celle qui incarne le mieux la gauche et ses valeurs dans l’esprit des Français.[9] Face à un Sarkozy bling-bling, elle fait figure de dirigeante austère et modeste, à la manière d’une Angela Merkel à la française. En temps de crise et de difficultés économiques et sociales pour les Français, cette dimension personnelle joue incontestablement un rôle. Cela ne suffit sans doute pas encore pour gagner l’élection présidentielle mais chacun ne peut que constater qu’une partie du chemin a été parcouru, alors que nul ne donnait cher du PS en 2008-2009. Les étapes restantes (le projet, la candidature à l’élection présidentielle, les alliances…) ne sont pas moins importantes pour autant, et le PS ne doit pas les négliger pour espérer battre Nicolas Sarkozy qui sera vraisemblablement candidat à sa succession en 2012.
Un projet encore incertain
Pour gagner l’élection présidentielle de 2012 et revenir durablement au pouvoir, le PS doit être en mesure dans les deux ans qui viennent de proposer au pays, à la société française, un projet politique auquel les Français puissent adhérer, positivement. Et non simplement leur offrir de mettre un terme au sarkozysme. Le travail sur le projet a incontestablement été réamorcé au PS depuis l’arrivée de Martine Aubry à sa tête en novembre 2008 alors qu’il avait été quasiment abandonné pendant les années du leadership sur le parti de François Hollande (1997-2008). Il reste toutefois à un stade encore embryonnaire et surtout confronté à trois problèmes structurels qui risquent d’en limiter très nettement la portée.
Le premier problème renvoie au lien entre le projet du parti et le projet du candidat à l’élection présidentielle. Dans le système présidentiel français, la candidature à l’élection-reine place une personnalité directement face aux Français, dans une sorte de dialogue même si l’infrastructure d’un parti, ses moyens et ses réseaux sont indispensables. Ce candidat doit proposer au pays un projet politique qui soit le sien, auquel on puisse l’identifier pleinement. Dit autrement, les trois dimensions essentielles de l’élection présidentielle : représentation, incarnation et narration, doivent parfaitement s’emboîter. Si le décalage est trop fort entre ces dimensions, un candidat a peu de chance de convaincre ses concitoyens. D’où l’importance du projet et son aspect fortement personnalisé. Or comment articuler cette personnalisation et l’élaboration collective au sein du parti de la plateforme électorale de celui-ci – d’autant que les élections législatives qui suivent la présidentielle sont en général la déclinaison de cette plateforme ? Compte tenu de l’importance de l’élection présidentielle dans la détermination des équilibres politiques y compris au sein du parti, c’est bien évidemment le projet du candidat qui est premier. Le rôle du parti dans ce contexte est d’en préparer, au mieux, le déploiement lorsque le candidat sera désigné. C’est précisément ce qui s’est passé à la fin des années 1970 lorsque le PS a élaboré son « projet socialiste » sur lequel le candidat Mitterrand s’est appuyé pour ses « 110 propositions pour la France » de 1981. L’élément-clef de la période étant que François Mitterrand était à la fois le premier secrétaire du parti et le candidat, qu’il a donc pu assurer la cohérence de l’ensemble et l’organisation du travail du parti dans la perspective de sa propre candidature à la présidentielle.
Le deuxième écueil auquel fait face le parti lorsqu’il doit élaborer son projet est de ne pas réduire celui-ci à un simple programme. La différence entre les deux est tout à fait essentielle. En effet, depuis les années 1980, lors de chaque élection nationale, le PS et ses candidats ne proposent plus que des programmes composés de mesures économiques et sociales, auxquelles sont parfois ajoutées quelques mesures dites « sociétales ». Ce ne sont pas de véritables projets compréhensifs et permettant de donner à l’analyse de l’époque et de la société un sens général qui se retrouve ensuite, pour lui donner sa cohérence, dans l’ensemble des mesures qui sont proposées aux Français. Les raisons de cette dérive sont multiples et ne concernent pas uniquement le Parti socialiste. On mentionnera simplement ici la domination de la fonction programmatique depuis une vingtaine d’années par les experts et notamment, au PS, par ceux que l’on nomme les « technocrates », c’est-à-dire des experts économiques et juridiques issus de l’administration publique dont le nombre et la puissance se sont accrus dans l’organisation à mesure que le PS devenait un parti d’Etat dans les années 1980-90. C’est donc bien l’Etat qui a investi le parti plutôt que l’inverse. La perspective pour 2012 ressemble malheureusement à ce qui s’est produit sur ce plan par le passé tant le casting des responsables du « projet » du parti reste profondément entaché par cette évolution technocratique des vingt-cinq dernières années (pratiquement tous sont des technocrates blanchis sous le harnais des cabinets ministériels socialistes). Pour le moment, à deux ans à peine de l’échéance présidentielle, le PS n’a encore engagé aucune réflexion de fond sur la société française hormis pour constater qu’elle est en crise ! Ainsi les premiers éléments disponibles depuis la « convention sur le modèle de développement »[10] – il s’agit du premier des grands rendez-vous sur le projet qui a eu lieu au printemps 2010 – renvoient-ils essentiellement à une réforme fiscale censée permettre un rééquilibrage de l’impôt en faveur des couches moyennes et populaires. Martine Aubry a par ailleurs lancé quelques pistes de son côté, à titre personnel, sur les questions de société. Notamment en tentant d’introduire dans le débat politique français, sans grand succès jusqu’ici, la notion de « care » venue des sciences sociales anglo-saxonnes et peu usitée en France.[11]
Le troisième problème structurel de l’élaboration du projet politique au PS tient au fait que les socialistes n’ont toujours pas choisi avec clarté et précision le positionnement qu’ils entendent adopter à gauche. D’abord parce que c’est finalement la personnalité du candidat à la présidentielle qui oriente dans telle ou telle direction le parti au moment crucial de l’élection et pour les années qui suivent. Ce fût le cas avec François Mitterrand et Lionel Jospin, et ce le sera encore pour 2012 si l’on considère les deux candidatures possibles de Martine Aubry et de Dominique Strauss-Kahn. La première incarnant une conception de gauche plus classique et plus sociale, alors que le second incarne depuis des années au PS l’aile droite et le recentrage du parti sur le modèle de la 3e voie par exemple. Ensuite parce que pour conquérir le pouvoir au sein du parti et sans doute aussi la candidature à la présidentielle, mieux vaut être capable de rassembler les différentes sensibilités de celui-ci et donc de faire la synthèse entre la gauche et la droite du parti, qu’il s’agisse des adhérents ou des sympathisants. La tradition selon laquelle le parti « se gagne à gauche » semble perdurer si l’on en croît la rhétorique déployée lors des congrès, conventions et autres rassemblements récents. Même si nul n’est dupe au sein même du parti sur le fait de se présenter comme un parti de gouvernement qui ne peut avoir pour politique, une fois arrivé au pouvoir, la surenchère à gauche. Dernier exemple en date de cette tradition socialiste du « parler à gauche/agir à droite » : la réforme de la retraite. Le PS proclame officiellement qu’un gouvernement de gauche reviendra à l’âge officiel de la retraite à 60 ans – ce que modifie la réforme actuelle proposée par la majorité de droite – alors que chacun reconnaît volontiers, en privé, au sein du parti, qu’il n’en sera rien. Cette distance entre la rhétorique dans l’opposition et la politique menée une fois au gouvernement étant l’un des principaux reproches adressés au PS lors de chacun de ses passages au gouvernement.[12] Cette forme d’hésitation se retrouve d’ailleurs dans tous les textes officiels du PS qu’il s’agisse de la dernière déclaration de principes adoptée en juin 2008[13] ou encore du texte de la convention déjà cité sur le modèle de développement où les passages réalistes (la réforme fiscale notamment) alternent avec les envolées plus ou moins lyriques sur le « changement de civilisation » à opérer ! C’est autant le signe de l’absence d’une réflexion politique menée en continu et sur le long terme que d’un parti profondément divisé sur le plan doctrinal parce qu’il rassemble des points de vue très différents et parfois opposés sur des choix de société essentiels – l’épisode du déchirement des socialistes sur le Traité constitutionnel européen en 2005 étant le plus saillant de ces dernières années.
Un parti en cours de modernisation
La réforme du fonctionnement du parti est un élément central de la période actuelle. Le PS est en effet, malgré quelques réformes importantes de son fonctionnement interne par le passé (on peut citer notamment l’élection de son premier secrétaire au suffrage universel direct des militants), un parti lesté de nombreux handicaps en la matière. Le déséquilibre en son sein en faveur des élus est très important, son faible nombre d’adhérents le prive d’une masse critique de représentation et de relais dans la société, son leadership reste faible tant que la personnalité qui en est titulaire (premier secrétariat) n’est pas en même temps reconnue comme le candidat « naturel » ou désigné comme tel à l’élection présidentielle, son financement dépend essentiellement de la dotation publique (fonction des résultats aux élections législatives) et des cotisations de ses élus, ce qui rend le PS encore plus dépendant de ses élus, etc.
Face à cela, la direction actuelle a engagé une entreprise dite de « rénovation » – en parallèle de l’élaboration du « projet » à laquelle on a fait référence ci-dessus – qui vise à résoudre quelques questions encore en suspens : l’interdiction du cumul des mandats (même si l’application de cette réforme attendra encore quelques années) ou encore une meilleure application de la parité et de l’ouverture à la « diversité » (i.e. aux minorités ethno-raciales). Mais la grande affaire de la « rénovation », ce sont les primaires, c’est-à-dire la sélection du candidat à l’élection présidentielle par une procédure ouverte à tous les sympathisants de gauche, donc bien au-delà des adhérents du parti. Cette importante réforme est attendue par nombre de socialistes comme devant résoudre plusieurs des problèmes structurels du parti : la crise du leadership (la personne désignée sera « légitime »), l’articulation du leadership au projet et celui des alliances. On peut toutefois douter que ces primaires, telles qu’elles ont été envisagées[14], puissent résoudre les problèmes d’organisation que l’on vient d’évoquer. Si l’on voulait atteindre un tel objectif, elles devraient avoir lieu beaucoup plus tôt avant la présidentielle pour permettre au candidat (qui serait aussi le chef du parti) de s’imposer et de préparer « son » projet en mettant le parti en ordre de marche et à son service – et de la même manière de construire les alliances autour de sa candidature et son projet sur plusieurs années avec d’autres forces politiques.
La faiblesse du processus actuel de rénovation se lit dans le caractère peu tranché des propositions et l’atonie du parti sur les questions de fond. La procédure adoptée de plusieurs « conventions et rendez-vous thématiques » pour préparer le projet du parti avant la désignation du candidat (à l’automne 2011) témoigne ainsi d’une conversion inachevée du parti à la présidentialisation du régime de la Ve République – on a vu que c’était le candidat à la présidentielle qui seul pouvait vraiment orienter la confection du projet du parti puisque c’est lui seul qui pourra en faire usage lors de l’élection. Or, aujourd’hui, chacun au PS fait comme si le candidat qui sera désigné par les primaires se contentera de reprendre le projet du PS en se « l’appropriant », en le personnalisant, en y apposant sa touche personnelle… Or, un projet présidentiel implique des choix tranchés et assumés qui ont peu à voir avec le mode consensuel qui régit les travaux d’élaboration du projet du parti. Chaque courant, groupe ou sensibilité devant retrouver une part au moins de son « ADN » politique pour voter en faveur de ce projet et ne pas risquer d’exposer les divisions du parti sur la place publique. Le résultat tient évidemment davantage du robinet d’eau tiède que de la proposition engageante et stimulante pour les électeurs ou même pour les sympathisants du PS.
Enfin, on le sent bien, le non-dit de la « rénovation » telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui, c’est celui de l’avenir du parti politique en tant que tel, en tant que forme d’organisation politique de référence de la démocratie contemporaine.[15] Le débat sur les primaires et l’ouverture du parti pour le moment-clef de la désignation du candidat à la présidentielle n’est que l’amorce d’une réflexion beaucoup plus vaste sur ce que l’on nomme la « forme-parti ». Qui le compose ? Quels sont les liens entre l’intérieur du parti et l’extérieur ? La frontière entre adhérent et non-adhérent doit-elle restée hermétique ? Doit-on aller vers une forme fédérative de mouvements et de groupes divers dont les buts ne seraient plus tous strictement tournés vers la conquête électorale du pouvoir ou bien continuer de faire vivre des organisations spécifiques dans ce but ? Etc. Le PS n’est bien évidemment pas le seul parti concerné par ces questions. On constate notamment aujourd’hui que la création d’Europe Ecologie pose très directement la question de la forme partisane. Le PS a encore bien du chemin à faire vers cette « démocratie postmoderne »[16], compte tenu à la fois de son rôle essentiel à gauche et de sa configuration actuelle, celle d’un club très fermé d’élus locaux plutôt que d’une large organisation en phase avec l’ensemble de la société.
Du parti d’opposition au parti de proposition
Le plus grand défi du PS dans les années qui viennent sera de passer du stade de parti d’opposition à celui de parti de proposition et de gouvernement. Comme on l’a vu, le PS a réussi à redevenir incontournable comme principal parti d’opposition à la majorité de droite – en reléguant au second plan aussi bien centristes qu’écologistes qui ont cru un moment pouvoir remplacer les socialistes comme principale force d’alternance au sarkozysme. Chacun se situe désormais, à nouveau, dans la perspective habituelle de la politique française, c’est-à-dire d’une candidature issue du PS au second tour de l’élection présidentielle.
Pourtant aujourd’hui, malgré les efforts accomplis et les réformes internes engagées, le PS est loin d’être un parti en faveur duquel les électeurs votent positivement et non seulement pour faire barrage à l’UMP ou dans la seule perspective d’un « vote utile » à gauche pour contrer la droite. Cette détermination positive ou négative du vote joue un rôle essentiel quant au degré de légitimité du pouvoir qui s’installe après la victoire éventuelle. En cas de faible légitimité d’adhésion, les marges de manœuvre politiques d’un gouvernement sont en effet bien plus réduites que s’il est élu pour mettre en œuvre un projet qui a été explicitement approuvé par une majorité de votants – le taux de participation et la dispersion des votes étant bien évidemment les deux autres éléments à observer en la matière.
Le PS est certes redevenu le réceptacle institutionnel principal de la très forte opposition au sarkozysme en France mais le taux de confiance à son égard reste faible. A la fois parce que les quelques propositions qu’il a faites pour l’instant restent très générales ou contestées en interne (par exemple le débat sur l’opportunité du maintien de la mesure éminemment symbolique que représente la retraite à 60 ans traverse le parti), et parce qu’il n’y a pas de principe (de candidat en fait) unificateur qui permette de placer le PS en position de force cohérente de proposition à laquelle pourraient adhérer les Français.
Outre le risque d’une faible légitimité à gouverner en cas de victoire en 2012, le principal problème d’une telle position est qu’elle reste fragile puisque des forces politiques concurrentes peuvent venir braconner sur les terres étendues de l’anti-sarkozysme qui fait souvent figure de seul facteur d’unité au sein même du PS. C’est le cas bien évidemment à gauche avec Europe Ecologie et au centre avec le Modem de François Bayrou qui ont fait du combat contre le sarkozysme et son absence de morale publique leur principal argument. C’est aussi le cas à droite où le président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, Jean-François Copé ou encore l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin s’opposent à Nicolas Sarkozy dans des styles certes différents mais tous les deux efficaces en termes d’opinion publique.
La nécessaire mais insuffisante alliance à gauche
Quels que soient son candidat, son projet et sa capacité de convaincre les électeurs qu’il est le seul parti susceptible de gouverner le pays en dehors de la droite, le PS devra, pour gagner l’élection de 2012 (présidentielle et législatives), s’allier à d’autres forces politiques. Le PS ne peut en effet gagner seul une élection nationale, c’est-à-dire obtenir suffisamment de voix lors des élections législatives, par exemple, pour constituer une majorité absolue à l’Assemblée nationale – cela n’est arrivé qu’une fois, en 1981. En effet, son score moyen aux élections ces dernières années tourne autour de 30 à 35% des voix. Il lui faut donc conquérir de 15 à 20% des suffrages pour pouvoir atteindre la majorité ; à la fois au second tour de l’élection présidentielle (sur le nom de son candidat donc) et lors des élections législatives qui suivent. Le PS a donc besoin de passer des alliances – appel à voter pour le candidat socialiste au second tour de la présidentielle, accord électoral de désistement aux élections législatives… – avec d’autres partis politiques pour pouvoir réunir une majorité.
Traditionnellement, le PS fait alliance avec les autres forces de gauche, en particulier avec le PCF et avec les écologistes. Mais depuis l’autonomisation du centre dans une force politique distincte de la droite – le Modem de François Bayrou – à l’élection présidentielle de 2007, la question de la priorité donnée à l’alliance traditionnelle à gauche ou à une ouverture au centre s’est posée. En 2007, la candidate socialiste a proposé cette alliance entre les deux tours de l’élection présidentielle au candidat centriste qui avait obtenu 17% des voix mais celui-ci l’a refusée. Depuis, l’échec du Modem aux différentes élections et le retour d’une grande partie des élus centristes dans le giron traditionnel de la droite a, en quelque sorte, réglé la question par le vide, et c’est donc à nouveau l’alliance prioritaire à gauche qui est privilégiée par le PS. Simplement, dans ce cadre, ce sont les écologistes qui jouent maintenant le rôle d’allié principal et non plus le PCF – qui s’est lui-même allié ces dernières années au sein du « Front de gauche » avec le Parti de gauche (PG) créé par Jean-Luc Mélenchon sur le modèle de Die Linke.[17]
L’alliance à gauche (avec les communistes, le PG et les écologistes) a plusieurs avantages et tout autant d’inconvénients pour le PS. Le premier avantage d’une telle alliance est la lisibilité pour les électeurs puisqu’on reste dans un schéma droite-gauche traditionnel. Le second avantage est de mobiliser des électeurs de gauche qui refusent a priori de voter pour le PS. Soit qu’ils le trouvent trop libéral ou à droite, soit qu’ils le trouvent trop dogmatique ou pas assez sensible aux questions écologiques par exemple. Or cette alliance rose-rouge-vert a permis à la gauche de devenir majoritaire lors des dernières élections locales. Pourtant, ce type d’alliance entraîne également quelques inconvénients. D’abord parce que le PS doit pour pouvoir ne serait-ce qu’envisager ses alliances qui lui sont indispensables, infléchir son discours et son projet, les « gauchir » ou les repeindre en vert afin de montrer de la bonne volonté à ses alliés potentiels. Le PS doit procéder ainsi – et donc prendre des engagements qu’il ne pourra pas tous tenir une fois au pouvoir… – pour ne pas apparaître comme trop hégémonique et donc moduler son poids dans le rapport de force qu’il domine. Deuxième inconvénient, les électeurs que le PS convoite dans cette alliance à gauche sont souvent les mêmes… que les siens du point de vue sociologique. Si bien que la perspective d’un apport de 15 à 20% de voix, indispensable pour gagner le second tour, doit être revu à la baisse tant l’électorat d’Europe Ecologie ressemble à celui du PS.
En bref, les électeurs que le PS doit attirer lors du second tour (présidentielle et législatif) ne sont pas uniquement ceux des partis de gauche, ce sont aussi des abstentionnistes (particulièrement ceux issus des catégories populaires) et des électeurs centristes. Ces électeurs se laissent difficilement convaincre par des accords électoraux entre partis. S’ils votent, ils le font pour un parti et un candidat qui leur propose un projet dans lequel ils peuvent croire. Ces électeurs ne sont pas les mêmes sociologiquement et pour une part politiquement que les électeurs socialistes ou de gauche classiques, ils sont pourtant indispensables pour gagner les élections nationales. C’est la grande différence avec les élections locales où une bonne mobilisation de son camp suffit en général compte tenu du faible taux de participation. Et pour ce faire, il faut bien évidemment proposer autre chose que des alliances formelles entre partis.
Au-delà des alliances partisanes, le PS et la gauche française souffrent également de la coupure institutionnelle qui existe entre les partis et les syndicats depuis la Charte d’Amiens de 1906. De plus les liens entre les partis et ce que l’on nommera par facilité la « société civile » (associations, mouvements sociaux, intellectuels, milieux économiques…) sont eux aussi distendus en raison à la fois de la manière dont sont organisés les partis en France (financement public par l’Etat, importance des élus, structure pyramidale de commandement, étanchéité entre le statut d’adhérent et de non-adhérent, primauté de l’élection présidentielle…) qui n’ont pas besoin de la société civile pour leur activité et, symétriquement, de l’indifférence voire de la suspicion de la part de la société civile vis-à-vis des partis qui sont considérés comme des lieux purement institutionnels et où le pouvoir est confisqué par des groupes fermés uniquement tournés vers sa conquête et les avantages qu’il procure.
Une « question européenne » toujours en suspens
Au PS aujourd’hui, chacun fait comme si la division profonde du parti concernant la question européenne apparue à l’occasion du référendum sur la ratification du Traité constitutionnel européen (TCE) de 2005 avait été surmontée. Comme si, finalement, les socialistes français, après s’être déchirés, étaient enfin unis sur l’Europe.
Il n’en est rien. Et même si partisans du oui et du non au TCE se sont retrouvés depuis, ensemble, à la direction du PS, la division reste profonde. La conjoncture actuelle très défavorable à la construction européenne (crise économique et financière, affaiblissement institutionnel suite au Traité de Lisbonne…) a bien évidemment contribué à reléguer la question européenne au second rang des préoccupations des socialistes. Et leur crédibilité en la matière a souffert auprès des Français si l’on en juge par le mauvais résultat obtenu par le PS aux élections européennes de 2009 alors qu’en 2004, les socialistes avaient obtenu un score élevé et de nombreux députés européens.
La division sur la question européenne est plus grave encore parce qu’elle révèle la grande coupure idéologique qui règne au sein du PS entre deux camps qui cohabitent mais ne peuvent se réconcilier sur l’essentiel. Ce qui entraîne d’ailleurs une difficulté quasi-insurmontable pour bâtir un projet cohérent et attractif comme on l’a vu plus haut. Cette coupure oppose les partisans de la construction institutionnelle de l’Europe telle qu’elle est pratiquée depuis le Traité de Maastricht notamment, de la mondialisation et du compromis avec le capitalisme et l’économie de marché (notamment dans l’ouverture au marché des services publics par exemple) aux tenants d’une vision antilibérale (économiquement) et hostile au capitalisme qui prône un rôle accru de la puissance publique et du service public voire le protectionnisme (au niveau européen) ou encore la fin de l’euro. Bref, il s’agit d’un clivage entre réformistes sociaux-libéraux et socialistes archaïques… si l’on s’en tient aux appellations en forme d’anathème lancées des uns aux autres.[18]
Cette division sur la question européenne et au-delà sur la vision du monde peut ressurgir à tout moment, en particulier en cas de nouvelle défaite en 2012. Elle peut aussi s’avérer cruciale dans la perspective des primaires pour désigner le candidat à l’élection présidentielle si l’on songe par exemple aux différences sensibles entre les approches de Dominique Strauss-Kahn (sociale-libérale), Martine Aubry (gauche traditionnelle) ou Ségolène Royal (qui tend vers une forme de populisme de gauche).
II. Les raisons d’un malaise : le PS face à la crise de la social-démocratie
Le PS français, à l’instar de l’ensemble des partis socialistes, sociaux-démocrates et travaillistes européens, subit de plein fouet la crise de la social-démocratie.[19] Toutefois, comme pour chaque pays, des éléments plus spécifiquement nationaux peuvent permettre d’affiner les raisons qui expliquent la difficulté du PS de passer de victoires électorales au niveau local à des victoires au niveau national depuis dix ans.
On peut tout d’abord constater que comme dans la plupart des pays européens, l’avènement de la société post-industrielle depuis les années 1970 a entraîné sur le long terme une nette diminution de l’électorat traditionnel de la gauche et du PS – essentiellement sensible en France dans l’effondrement du PCF et le refuge dans l’abstention ou le vote pour l’extrême-droite d’une partie du vote populaire. Le PS qui n’a pas récupéré l’électorat communiste après 1981-83 a compensé en partie cette diminution par la conquête des catégories intermédiaires voire supérieures dans les centres urbains notamment. Mais la promesse du « régime social-démocrate » (que l’on peut traduire, par exemple, comme l’assurance donnée aux classes moyennes de voir s’élever leur niveau de vie et que leurs enfants bénéficieront d’un statut et de conditions de vie meilleurs que ceux de leurs parents) dont le PS était le principal porteur en France s’est évaporée.[20]
Face à cette évolution structurelle de l’électorat de la gauche, la droite française n’a pas su pendant longtemps comment en profiter, handicapée qu’elle était sur sa droite par un Front national puissant et qui su attirer un électorat à la fois populaire et nationaliste (petits artisans et commerçants notamment), inquiet pour sa sécurité tant économique que physique. Cette difficulté à récupérer une partie de l’électorat populaire qui a abandonné la gauche a été surmontée par Nicolas Sarkozy lors de la présidentielle de 2007. Il a en effet su « trianguler » une partie des thèmes privilégiés de la gauche (sur la valeur « travail » notamment ou en faisant l’apologie de la « France qui se lève tôt ») tout en insistant, plus classiquement, sur la sécurité – et ce malgré la présence à gauche d’une candidate, Ségolène Royal, qui a elle aussi tenté de s’inscrire dans cette même double logique. La conversion de la droite a même commencé ces dernières années sur les questions du libéralisme culturel (sur l’acceptation des droits pour les homosexuels par exemple), ce qui rend la frontière entre droite et gauche moins nette qu’il y a dix ans. Depuis 2007, la politique menée par le président Sarkozy a largement démenti les promesses de campagne du candidat Sarkozy. Ce sont les Français les plus privilégiés qui ont bénéficié quasi exclusivement des réformes entreprises par la majorité de droite. Mais le tournant de la campagne de 2007 reste inscrit dans les mémoires et les prochains candidats de droite, Sarkozy compris, savent que s’ils veulent gagner à nouveau, c’est dans cette même direction, celle de la triangulation d’une partie des valeurs de la gauche, qu’ils devront aller.
Au-delà de cette évolution récente, il est également important de rappeler que le PS n’a jamais eu le monopole du discours social (« de gauche » dans un sens traditionnel) en France. La présence d’un parti communiste puissant et dépositaire d’une véritable « culture politique » devenue « passion »[21], le caractère très particulier du gaullisme dont un des traits était la préoccupation sociale (une part significative de l’électorat populaire a voté gaulliste depuis la Libération) et la présence dans la droite dite modérée (centriste) d’une composante sociale (de type chrétienne) ont en effet rendu difficile pour le PS toute hégémonie sur le discours de la réforme sociale. Ce d’autant plus qu’un large consensus républicain existe sur l’Etat providence (appelé « Sécurité sociale » en France) depuis la Seconde guerre mondiale.[22] L’arrivée au pouvoir de la gauche en 1981 a soulevé un espoir de nouvelle vague sociale, comme en 1936, 1945 ou 1968. Vague d’autant plus forte que pour la première fois depuis 1936 la gauche (incluant les communistes) était seule en charge du gouvernement et des avancées sociales (semaine de 39 heures, retraite à 60 ans, 5e semaine de congés payés…). Mais le « tournant libéral » de 1983 (dérégulation, désindustrialisation puis privatisations…) a mis fin à cet espoir et entraîné une fracture nette entre classes populaires et gauche de gouvernement (essentiellement PS donc) sur le thème, classique, de la trahison. Ce qui a conduit à une distanciation plus grande encore avec le PS dont la stratégie électorale n’a jamais été de reconquérir cet électorat perdu, malgré les discours tenus, mais plutôt de lui substituer un autre socle autour de la classe moyenne du secteur public notamment (voir ci-dessus). Une grande partie de la perte de crédibilité du PS vient ainsi non seulement du tournant idéologique fondamental du milieu des années 1980 mais également de la distance entre le discours tenu par ses dirigeants et la réalité de la politique que poursuit le parti une fois au pouvoir. « Parler à gauche » et « agir à droite » étant ainsi souvent reproché au PS qui n’a toujours pas su rétablir la confiance sur le sujet avec les Français malgré la tentative de Lionel Jospin en 1997-2002 de, selon sa formule, « dire ce que je fais et faire ce que je dis ».
Ce manque de crédibilité tient en grande partie à l’absence de relais du PS dans la société civile – suivant les contraintes et les spécificités française que l’on a exposées précédemment. Dans les années 1970, le PS était pourtant le parti par excellence des « couches nouvelles » de la société française, le parti de la nouvelle classe moyenne active, celle des jeunes travailleurs issus du baby boom qui s’installaient alors dans la vie professionnelle et familiale en devenant propriétaires de leur logement notamment. Le PS était aussi le parti qui représentait le mieux, par ses propositions, les mouvements sociaux identitaires (féministes, écologistes, immigrés, gays…) qui sont montés en puissance dans ces années-là. Il était le parti qui revendiquait de nouveaux droits tout en continuant d’incarner l’espoir pour le « monde du travail » et pour le mouvement ouvrier dans le cadre institutionnel de son alliance avec le PCF (« programme commun »). Depuis les années 1980-90, pour les différentes raisons exposées ci-dessus, le PS ne s’inscrit plus dans une telle dynamique sociale. Il s’est coupé de ces relais d’opinion indispensables à l’enracinement d’idées selon le modèle gramscien de l’hégémonie notamment. Dès lors qu’il s’agit de relayer son discours ou de faire connaître son programme, le PS souffre d’une telle coupure avec la société civile. Il n’est plus en mesure d’influencer l’opinion ni de mettre à l’agenda tel ou tel sujet comme il a pu le faire par le passé. Or cette capacité est tout à fait essentielle si l’on veut gouverner durablement et réussir les réformes que l’on entreprend, en particulier en temps de crise lorsque les marges de manœuvre de la puissance publique sont restreintes. La conséquence symétrique, du côté de l’opinion, c’est que les Français ne semblent rien attendre de particulier du PS, ils ne lui adressent finalement aucune demande politique spécifique.
Il semble d’ailleurs que la primauté de plus en plus grande accordée par le PS aux questions dites de société (ou relatives aux « valeurs » des sociétés post-industrielles) à mesure qu’il a opéré sa mue libérale n’ait pas été suffisante pour lui garantir un nouveau socle électoral assez large et solide qui lui assure régulièrement la victoire aux élections nationales. Les dirigeants du PS continuent ainsi en « parlant à gauche » de tenter de faire croire (et ils en sont souvent eux-mêmes convaincus d’ailleurs) que ce qui importe avant tout c’est le programme économique et social : l’emploi, le pouvoir d’achat, les services publics, etc. Alors qu’ils agissent au gouvernement, comme dans l’opposition, à rebours de ce discours, en privilégiant ce sur quoi ils ont réellement prise, c’est-à-dire les transformations dites sociétales, concernant, par exemple, l’extension des droits individuels en particulier pour les minorités, au nom de la lutte contre la discrimination. Ce qui accroît encore le sentiment de conversion au libéralisme des socialistes français puisque non seulement ils semblent se résigner aux règles du marché et du capitalisme économiquement mais promeuvent avec constance un libéralisme culturel et moral décomplexé – i.e. favoriser l’émancipation individuelle tous azimuts : hédonisme, consumérisme assumé même s’il est de plus en plus teinté de « vert » et de « bio », individualisme moral, multiculturalisme… Or cette double conversion libérale ne convainc finalement qu’un électorat étroit (celui que l’on a déjà décrit plus haut et dont le terme « bobo » représente une caricature assez juste) qui n’est pas susceptible de permettre une victoire nationale et surtout une base démocratique suffisamment large pour légitimer durablement un gouvernement à direction socialiste. D’autant plus que le quasi-monopole longtemps détenu par le PS sur ce que l’on pourrait appeler la modernité en matière de valeurs et de mœurs a éclaté ces dernières années puisque la droite conservatrice est devenue à son tour plus libérale. L’électorat populaire est nettement moins sensible à cette évolution des valeurs même s’il en valide involontairement souvent les effets à travers les modes de consommation de masse en matière de loisirs notamment.
Au-delà, la nouvelle « crise de la conscience européenne »[23] touche aujourd’hui l’ensemble des pays européens et des forces politiques du continent, à l’exception sans doute des quelques partis authentiquement anti-européens qui existent ici et là. Mais les sociaux-démocrates apparaissent comme bien plus profondément atteints par cette crise européenne que les autres. La concomitance du désarroi européen et des déboires des partis sociaux-démocrates européens est frappante, comme l’ont amplement montré les résultats des élections européennes de juin 2009. Comme si la construction européenne telle qu’elle a été faite depuis 50 ans et la réalisation du projet historique de la social-démocratie en Europe dans le même temps étaient allées de pair, et que désormais elles étaient toutes les deux entrées dans une crise profonde. Cette situation critique révèle le paradoxe constitutif de la social-démocratie européenne contemporaine que l’on pourrait formuler ainsi : alors que la social-démocratie s’est construite dans le cadre national et a tiré tous les bénéfices de son « modèle » dans celui-ci, les partis sociaux-démocrates ont toujours été parmi les plus déterminés des partisans de la construction européenne dans sa version fédérale, c’est-à-dire qui remet en cause la souveraineté nationale des Etats.
En effet, alors que le régime puis le modèle social-démocrate s’est construit nationalement (« question sociale », mise en place de la démocratie et construction nationale sont des processus largement concomitants même si souvent antagonistes dans la modernité politique), les sociaux-démocrates ont été dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale au premier rang des partisans de la construction européenne. Au nom de valeurs internationalistes ancrées au plus profond de l’histoire du mouvement ouvrier et d’une vision à la fois plus complexe et plus subtile de l’affrontement Est-Ouest entre communisme et capitalisme libéral. Seulement, cette manière de mettre l’Europe en avant les a conduits à défaire le cadre protecteur et légitime, parce que démocratique, de la nation dans lequel s’est forgé la solidarité, principe fondamental du modèle social-démocrate. Les sociaux-démocrates ont fait alliance, au niveau européen, avec les chrétiens-démocrates du centre et de la droite, pour réaliser leur ambition européenne. Ils ont été pris à ce moment-là dans une sorte de schizophrénie qui a laissé toute la place à une vision certes pragmatique mais fondamentalement libérale de la construction européenne. Celle qui a assumé la construction d’un marché sans Etat, au nom de l’impossibilité de réaliser immédiatement une Europe politique au niveau européen. En se faisant les alliés, parfois objectifs, parfois malgré eux, de ce libéralisme-là, les sociaux-démocrates ont contribué à détruire leur base sociale et leur légitimité doctrinale sans pour autant gagner la bataille de la construction d’une Europe réellement politique et sociale.
Ce premier paradoxe de la social-démocratie européenne se double d’un deuxième : le niveau européen est désormais le seul auquel on peut encore envisager de construire ce qui ressemble le plus à un modèle social-démocrate pour l’avenir qu’il s’agisse de faire face aux défis de la mondialisation ou à l’impuissance des Etats nationaux. Une régulation efficace du marché, une répartition plus égalitaire des richesses, une démocratie approfondie et la promesse renouvelée de l’émancipation pour tous passent obligatoirement, désormais, par la construction d’un espace politique, économique et social à la fois efficace, cohérent et dans lequel puissent s’incarner les valeurs sociales-démocrates ; cet espace, c’est évidemment l’Europe.
La situation actuelle de l’Union européenne, « homme malade » de la mondialisation, appelle en quelque sorte une réinvention de l’Europe, c’est-à-dire un nouveau processus politique qui aille bien au-delà de l’Europe des traités et des « petits pas », de la méthode fonctionnaliste qui a eu cours jusqu’ici. Ce « bond en avant »[24] ne pourra se faire que vers une Europe fédérative mais forte politiquement – qui sera nécessairement plus étroite et plus intégrée que celle des 27 actuelle et encore plus que celle qui s’annonce avec les futurs élargissements (Serbie, Turquie…). En clair, vers une Europe qui permettra de reconstituer à un autre niveau (post-national) les conditions de réalisation des éléments-clefs du régime et du modèles social-démocrate : l’extension de la pratique démocratique en même temps que de l’élévation du niveau d’éducation et de vie, la justice sociale pour tous grâce à une solidarité légitime et acceptée entre les parties prenantes de l’ensemble politique (hier la nation, demain l’Europe)[25], avec à la tête de cet ensemble, un pouvoir politique démocratique, légitimé et efficace, qui assure la régulation du marché, la redistribution active des richesses et la protection effective de ses citoyens.
Les forces politiques sociales-démocrates de toute l’Europe sont désormais face à ce défi. Les efforts réalisés ces dernières années au sein du PSE à travers la publication de programmes électoraux communs lors des élections européennes notamment, sont un premier pas. Mais il demeure largement insuffisant. Le PS, pour les raisons de division profonde sur la question européenne que l’on a indiquées, ne semble pas prêt à aller plus loin dans la réflexion, il doit d’abord trancher entre les deux visions qui cohabitent en son sein sur cette question. La candidature à l’élection présidentielle, en raison de l’autorité et de la légitimité qu’elle confère à celui ou celle qui est désigné, pourrait être l’occasion de refermer le chapitre ouvert avec le traumatisme du débat sur le TCE en 2005 au sein du parti, et d’amener celui-ci à choisir pour les années qui viennent sa politique européenne – à la manière, par exemple, dont François Mitterrand et Jacques Delors avaient su imposer aux socialistes leur vision claire et déterminée de l’Europe dans les années 1980.
III. Objectif 2012
Les deux années qui viennent vont être cruciales pour le PS. Les élections de 2012 (présidentielle et législatives) sont en effet un enjeu d’importance. Face à un président de la République sortant et affaibli, chacun a bien conscience au PS que cette élection est gagnable. Cela fera 24 ans que le PS n’a pas remporté l’élection présidentielle (1988) et 15 ans les élections législatives. Une nouvelle défaite entraînerait sans doute la fin du PS tel qu’on le connaît aujourd’hui. Une victoire donnerait à nouveau aux socialistes, et à la gauche française, l’occasion de montrer qu’il peut mener une politique différente de la droite, à la fois plus efficace économiquement et plus juste socialement. La responsabilité historique en cette période de crise est considérable, à la hauteur de ce que serait une nouvelle défaite. C’est pourquoi le PS doit profondément changer dans les années qui viennent, avant tout en se donnant les moyens de reconquérir une partie de l’électorat populaire. Ce qui implique que toutes les dimensions évoquées ici (projet, candidat, alliances, organisation partisane…) doivent être abordées simultanément et mises en cohérence les unes avec les autres.
Retrouver le « sens »[26] du peuple est donc une nécessité absolue pour le PS comme pour nombre de partis sociaux-démocrates qui partagent les mêmes problèmes aujourd’hui, en particulier celui de devoir faire face au défi populiste.[27] En France, la victoire électorale et sa « profondeur » (taux de participation, taux d’adhésion aux propositions du PS plutôt que simple rejet du sarkozysme…), se jouera à coup sûr autour de la conquête de l’électorat populaire, plus encore qu’en 2007. Pour relever ce défi, le PS devra répondre à au moins trois exigences. La première est la qualité de son projet. Il ne pourra s’agir, on l’a vu, comme lors des dernières élections et comme cela semble d’ores et déjà se profiler, d’un simple programme technique coiffé d’une déclaration de principes généraux en forme de lieux communs. Il devra s’agir d’un projet de société ambitieux qui outre une analyse originale et poussée de la société française contemporaine (en particulier de la coupure entre les élites et le peuple selon la terminologie même du populisme), devra proposer des solutions nouvelles mais de bon sens aux principaux problèmes économiques et sociaux bien sûr mais encore de société ou identitaires.
La deuxième exigence est le double mouvement, toujours difficile à réaliser, d’unité de la gauche (y compris les écologistes) et d’élargissement vers le centre. Les conditions actuelles de rejet du sarkozysme devraient aider à la réalisation d’un tel dessein mais il reste encore au PS à inventer à la fois le discours et la forme d’organisation qui vont avec cette nouvelle stratégie. Là encore, ce qui est dit aujourd’hui par la rue de Solferino ne va pas dans ce sens puisque l’on y retrouve les vieux réflexes et les vieux schémas d’alliance à gauche en imaginant une simple addition des différentes familles qui la composent (extrême-gauche, communistes et front de gauche, socialistes, radicaux, républicains, écologistes…) contre une droite elle aussi rassemblée. La dynamique politique d’une élection présidentielle à deux tours, même quand elle met en présence deux candidats seulement au second, reste bien évidemment plus complexe – notamment en raison du vote de premier tour pour l’extrême-droite qui ne se reporte pas automatiquement et totalement à droite au second tour, surtout si la candidate est Marine Le Pen, la fille du leader historique de l’extrême-droite française, qui devrait prendre sa succession, car elle joue beaucoup plus du populisme social que son père.
Tout cela souligne l’importance, s’il était besoin, de la troisième exigence à laquelle devra répondre le PS pour gagner en 2012 : celle du choix d’une personnalité qui puisse à la fois relever le défi populaire et incarner un rassemblement politique le plus large et le plus lisible possible. C’est une gageure compte tenu du contexte de durcissement actuel des positions des uns et des autres qui visent à les faire apparaître, au sein du PS, comme étant « plus à gauche » l’un par rapport à l’autre. Toutefois, à mesure que l’on va se rapprocher de la présidentielle, la nécessité pour les différents candidats à la candidature de se « présidentialiser », c’est-à-dire de montrer qu’ils sont capables de se projeter dans le second tour et la fonction elle-même devrait réduire progressivement l’écart. La seule question qui reste posée en la matière est l’effet qu’auront les primaires sur ce processus traditionnel de recentrage puisque l’on a aucun précédent de cette ampleur – ce sont des primaires ouvertes à l’extérieur du parti et donc non totalement liées par la logique interne de la conquête du pouvoir dans le parti qui passe par une rhétorique très balisée sur ce qu’est la « vraie » gauche, ce que sont les signes d’appartenance à celle-ci, etc. Mais il n’est pas exclu non plus que ces primaires provoquent, à la manière américaine, une radicalisation des profils des candidats selon des exigences tactiques de la campagne ou de plus grande lisibilité de leurs différences.
Conclusion
L’élection de 2012 n’est pas encore jouée mais le PS a bien plus que depuis longtemps la voie dégagée : pas de concurrent sérieux à gauche et une droite profondément affaiblie par la présidence Sarkozy et ses espoirs déçus. Mais pour gagner, les socialistes, et avec eux la gauche, devront proposer aux Français un projet pour le pays et non une simple alternance politique. Ce projet qu’ils doivent encore écrire devra être porté par une personnalité (ce sera son projet autant que celui du parti) qui aura réussi à s’imposer d’ici à l’automne 2011, date des primaires qui désigneront le candidat du PS et donc, a priori, le candidat de la gauche pour le second tour de l’élection. Un bon projet et un bon candidat, voilà les deux tâches du PS d’ici à l’élection. Restera alors à faire une bonne campagne. Ce projet, ce candidat et cette campagne devront montrer aux Français que les socialistes, bien au-delà de la rhétorique gauchisante qu’ils adoptent bien volontiers dans l’opposition pour souvent mieux oublier leurs valeurs de gauche lorsqu’ils gouvernent, ont su apprendre de leurs erreurs passées et qu’ils sont prêts à accéder à nouveau au pouvoir national dans la clarté de leurs convictions et de leurs propositions. Ils pourront alors gouverner dans la durée et répondre aux graves difficultés que traversent aujourd’hui la France et l’Europe. Pour ce faire, deux pistes devront être privilégiées : la prise en considération des demandes des couches populaires dans tous les domaines (les socialistes doivent retrouver le « sens du peuple ») et la projection dans la dimension européenne. Réussir à combiner ces deux exigences qui ont pu souvent paraître antagonistes représente une voie politique étroite mais c’est désormais la seule qui soit encore praticable pour la social-démocratie en France et en Europe.
NOTES
[1] Voir notamment sur ce point essentiel, le chapitre 2 « Les élites socialistes, une société ‘d’élus’ » in R. Lefebvre & F. Sawicki, La Société des socialistes. Le PS aujourd’hui, Bellecombe-en-Bauge, Editions du Croquant, 2006, p. 67 et suiv.
[2] H. Rey, F. Subileau et C. Ysmal, Les Adhérents socialistes en 1998, Paris, Cahiers du CEVIPOF (Sciences Po), mai 1999. Cette enquête faisait suite à celle que les auteurs avaient menée une dizaine d’années plus tôt : H. Rey & F. Subileau, Les Militants socialistes à l’épreuve du pouvoir, Paris, Presses de la FNSP, 1991.
[3] Voir notamment T. Barboni, « Le Parti socialiste, parti de militants, des militants… ou de supporters ? », Recherche Socialiste, n°46-47, Juin 2009, p. 12-27.
[4] Chiffres extraits de Rey-Subileau-Ysmal (1998), op. cit.
[5] Voir en particulier G. Brustier & J.-P. Huelin, Recherche le Peuple désespérément, Paris, Bourin Editeur, 2009.
[6] On trouvera un récit bien informé de la campagne socialiste et de la relation complexe de Ségolène Royal avec le parti de 2006-2007 dans R. Bacqué & A. Chemin, La Femme fatale, Paris, Albin Michel, 2007.
[7] Voir notre analyse « La triple ingouvernabilité du parti socialiste », disponible à l’adresse suivante : http://laurentbouvet.wordpress.com/2008/12/01/la-triple-ingouvernabilite-du-parti-socialiste/
[8] Titre d’un livre très critique paru il y a quelques années sur Martine Aubry : P. Alexandre & B. de L’Aulnoit, La Dame des 35 heures, Paris, Robert Laffont, 2002.
[9] Voir notamment le BVA-Orange-L’Express-France Inter du mois de juillet 2010 : http://www.bva.fr/fr/sondages/barometre_politique/observatoire_de_la_politique_nationale_-_juillet_2010.html
[10] Le texte de cette convention est disponible sur le site du PS à l’adresse suivante : http://www.parti-socialiste.fr/articles/en-direct-le-conseil-national-de-la-convention-nouveau-modele-de-developpement
[11] Voir la présentation de cette notion reprise par le PS : http://www.parti-socialiste.fr/articles/le-care-acte-i
[12] Voir sur cette question récurrente au PS, l’analyse désormais classique de A. Bergounioux & G. Grunberg, L’Ambition et le remords. Les socialistes français et le pouvoir (1905-2005), Paris, Fayard, 2005.
[13] Le texte de cette déclaration est disponible sur le site du PS à l’adresse suivante : http://www.parti-socialiste.fr/le-ps/la-declaration-de-principes
[14] Le texte du PS sur la rénovation est disponible à l’adresse suivante : http://www.parti-socialiste.fr/renovation
[15] Au sens où l’ont défini de manière canonique Robert Michels (Les Partis politiques. Essai sur les tendances oligarchiques des démocraties, tr. fr., Paris, Flammarion, 1971 [1911]) ou Moisei Ostrogorski (La Démocratie et les partis politiques, Paris, Calmann-Lévy, 1903) notamment.
[16] Voir, en particulier, sur ce thème, les ouvrages de C. Crouch, Post-Democracy, Cambridge, Polity Press, 2004 et P. Rosanvallon, La Contre-démocratie. La politique à l’âge de la défiance, Paris, Le Seuil, 2006.
[17] Jean-Luc Mélenchon qui vient du PS se voit en Oskar Lafontaine de la gauche française – il se réfère beaucoup à son homologue allemand et à Die Linke – et entend infléchir l’orientation idéologique du PS de l’extérieur après avoir échoué, selon lui, à le faire de l’intérieur.
[18] Pour une idée plus précise et une proposition de typologie des divisions « idéologiques » au sein de la gauche française (et du PS) auxquelles il est fait allusion ici, voir notamment F. Miquet-Marty, La Guerre des gauches n’aura pas lieu, Paris, Fondation Jean-Jaurès, juin 2010, p. 23 et suivantes.
[19] On renverra sur ce point à deux de nos propres textes : ‘Tackling populism to regain the people’ (présenté lors d’un séminaire de la FEPS à Bruxelles le 16 mars 2010) et disponible à l’adresse suivante : http://laurentbouvet.wordpress.com/2010/03/19/tackling-populism-to-regain-the-people/ et « Les contradictions de l’antilibéralisme », Le Débat, n°159, mars-avril 2010, p.155-158.
[20] Voir sur la forme particulière prise en France par la fin de la « promesse » sociale-démocrate, L. Chauvel, Les Classes moyennes à la dérive, Paris, Le Seuil, 2006.
[21] Voir notamment M. Lazar, Le Communisme, une passion française, Paris, Perrin, 2002 et du même, « Forte et fragile, immuable et changeante… La culture politique communiste » in S. Bernstein (dir.), Les Cultures politiques en France, Paris, Le Seuil, 1999, chapitre 6, p. 215-242.
[22] Les bases de l’Etat social français contemporain ont été dessinées par le Conseil national de la Résistance (CNR) qui regroupait toutes les familles politiques françaises opposées au régime de Vichy et au nazisme : des communistes aux gaullistes en passant par les socialistes, les républicains radicaux et les chrétiens,.
[23] Il s’agit d’un clin d’œil au titre célèbre de P. Hazard, La Crise de la conscience européenne (1680-1715), Paris, Fayard, 1961, par analogie avec le moment (re)fondateur de cette époque. On renverra pour l’analyse de cette crise à notre contribution « La nouvelle crise de la conscience européenne : l’Europe politique entre nation et fédération. Regards français » in J. Delors & K. Lamers (dir.), France-Allemagne : le bond en avant, Paris, Odile Jacob-Notre Europe, 1998, p. 113-180.
[24] Ibid.
[25] On a développé ce point précis dans notre article : « L’avenir du principe de solidarité au sein de l’UE: solidarité nationale ou européenne ? » in M. Koopmann & S. Martens (dir.), L’Europe prochaine. Regards franco-allemands sur l’avenir de l’Union européenne, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 167-176. Disponible également en traduction allemande : « Die Zukunft des Solidaritätsprinzips in der EU: Nationale oder europäische Solidarität? », M. Koopmann & St. Martens (Hrsg.), Das kommende Europa, Deutsche und französische Betrachtungen zur Zukunft der Europäische Union, Nomos, DGAP-Schriften zur Internationalen Politik, 2008, S. 165-174.
[26] Le « sens » ici étant entendu dans ses trois acceptions en français : signification, direction, raison.
[27] Voir L. Bouvet, ‘Tackling populism…’, loc. cit.
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Ce texte a été écrit en réponse à une commande de la Friedrich-Ebert Stiftung dans le cadre du programme « International Dialog : Current State and Prospects of Social Democratic Parties in Europe » qui regroupe des analyses sur chaque parti social-démocrate des pays européens. Le caractère formel de la commande explique en grande partie la structure du texte. Il sera prochainement publié en allemand et en anglais par la FES.
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