Le feu d’artifice raciste et sécuritaire tiré par Nicolas Sarkozy devait détourner
Le premier objectif n’est pas atteint. Dès hier, tous les syndicats français – cette unanimité mérite d’être soulignée – étaient réunis pour préparer la journée d’action du 7 septembre et envisager ses suites. Tous les indicateurs dessinent la perspective d’une mobilisation plus forte que celle du 24 juin, qui avait vu 2 millions de manifestants dans les rues. Durant l’été, les militants CGT n’ont pas cédé à la torpeur estivale. Vendredi dernier, ils étaient ainsi des dizaines au nord de Lyon à s’adresser aux automobilistes qui entraient sur l’A6. À gauche, les militants communistes ont recueilli des dizaines de milliers de signatures sur une pétition qui réclame une autre réforme que celle ourdie par le chancelant Éric Woerth. L’opinion ne s’est pas laissé leurrer par les prétextes démographiques et les mirages comptables brandis par les illusionnistes de l’UMP et du Medef.
Le chef de l’État est résolu à faire prendre tous les risques à la société française pour imposer cette casse du droit à la retraite, qui amorcerait la fin des dispositifs de solidarité conquis par les travailleurs dans ce pays. Derrière lui se profilent les ombres des grands oligarques du CAC 40 qui préparent l’irruption des fonds de pension. « Des hommes de proie bien civilisés, écrivait René Char, s’employaient à mettre le masque de l’attente fortunée sur le visage hébété du malheur. Ô les termes de leur invitation, Ô le galbe porcin de leur prospérité. » Parler de malheur n’a rien d’excessif quand on lit le texte des responsables des deux principales associations d’accidentés du travail qui déclaraient, hier dans les Échos, que partir à la retraite à soixante ans pour les travailleurs usés par des métiers pénibles est un horizon « inatteignable pour des centaines de milliers de personnes ». Ayons le mauvais goût de rappeler que l’espérance de vie de Mme Bettencourt est incomparablement supérieure à celle des ouvriers de L’Oréal et de toutes les usines de France.
Le chef de l’État se proclame d’autant plus inflexible qu’il se sait affaibli. Sa cote de popularité est au plus bas ; les résultats de sa politique économique et sociale sont désastreux pour la population ; la France va mal et l’injustice du système est patente. Dans les rangs d’une partie de ses électeurs, la java entamée avec les gros bras de l’extrême droite dérange. Les consciences chrétiennes s’indignent de la désignation des Roms et Tziganes comme de nouveaux boucs émissaires. Et qui, au-delà du noyau de la droite dure, peut croire que les Gitans sont à l’origine de la crise ? Une majorité de nos concitoyens mesure le non-sens que constitue le report de l’âge légal de la retraite, qui confisque l’allongement de l’espérance de vie des salariés, quand le taux de chômage des seniors et des jeunes est très important.
Si tout le monde s’y met, le pouvoir peut être contraint à céder. La participation aux mobilisations syndicales pèsera évidemment très lourd. La réussite de la Fête de l’Humanité aussi, forum géant contre le projet injuste d’Éric Woerth, recherche d’alternatives à hautes voix, carrefour où convergent les solidarités contre les injustices.
Par Patrick Apel-Muller, l'Humanité, 24 Août 2010