Les concerts vocaux de Johann Hermann Schein par l'ensemble Sagittarius

Le dernier disque de l'ensemble Sagittarius, sous la direction de Michel Laplénie, est consacré à deux concerts vocaux écrits par l'un des maîtres de la musique luthérienne allemande du XVIIème siècle, Johann Hermann Schein.

Les deux pièces sacrées interprétées sont respectivement : Opella nova et Fontana d'Israël (Israels brünnlein).

L'influence italienne, notamment avec son écriture madrigale, est particulièrement marquante chez Schein, plus encore que pour les autres grands compositeurs luthériens allemands de son époque. Contrairement à Heinrich Schütz, Schein ne s'est jamais rendu en Italie et, pourtant, il a admirablement intégré le style concertant italien et, surtout, les chromatismes des madrigaux tardifs. Ses pièces sacrées ont donc une facture toute particulière où le style et la forme les plus profanes des grands maîtres italiens de la seconde pratique se déploient avec une certaine majesté.

Surtout, ce qui est déjà notable chez Schütz, mais plus marquant encore chez Schein, c'est cette aptitude restituer dans le phrasé allemand les articulations dignes de la langue italienne, si bien que les textes vernaculaires "sonnent" littéralement comme de l'italien. C'est assez troublant.

Dans ces deux pièces, Schein fait preuve d'une inventivité indéniable et démontre de façon magistrale comment il a intégré la forme madrigale avec une finesse et une élégance certaines. Des frottements harmoniques, certaines dissonances dignes d'un Carlo Gesualdo ou d'un Michelangelo Rossi y sont même tout à fait perceptibles (ex : les montées des toutes premières mesures de "Die mit Tränen säen d'Israelbrünnlein, notamment les 59 premières secondes dont les mélismes constituent à chaque fois les paliers de montée sur la gamme). On y retrouve également les traits de la musique polychorale italienne lorsque, au minutage 2':36", les voix de soprano attaquent leur registre tout comme le feraient des cornets à bouquin. La similitude des voix des sopranos avec ces instruments est troublante sur ce passage. Ce rendu certainement voulu par Michel Laplénie car les compositeurs de cette époque travaillaient beaucoup sur les similitudes de timbre et de couleurs entre les voix et certains instruments à vents.

A ce titre, le pièces choisies sur Israels brünnlein sont les plus représentatives de cette forme madrigale.

L'interprétation de l'ensemble Sagittarius est d'une élégance subtile et d'un très bel équilibre. L'ensemble chanteurs - instruments est parfaitement étalonné, le phrasé très net, articulé. L'enregistrement est d'excellente qualité. Ce disque très réussi constitue une contribution de plus à la découverte la beauté de ce corpus de compositions allemandes, à la jonction de la Renaissance et du Baroque.

Johann Hermann Schein - Opella Nova - Fontana d'Isarel - Ensemble Sagittarius - direction Michel Laplénie - label Hortus.

Extrait : Wende dich, Herr, und sei mir gnädig (Israels brünnlein).