Michel Le Bris, écrivain, philosophe, fondateur du célèbre festival Etonnants Voyageurs, ce colosse était seul capable de s’atteler à cette tâche phénoménale, écrire un dictionnaire et qui plus est, un dictionnaire où serait recensés les principaux explorateurs de tous les temps et de tous les horizons. Le bouquin est énorme, dans tous les sens du terme, tant par son contenu que par son poids qui doit avoisiner le kilo pour un millier de pages. Celui qui tomberait à l’eau, absorbé par sa lecture, est sûr de périr noyé emporté vers le fond, aussi inutile de vous dire que vous ne pourrez pas le lire dans le métro ou le RER, à moins que vous n’ayez prévu une valise à roulettes pour le trimballer !
De A comme acéphales, jusqu’à Z comme Zimbabwe, Michel Le Bris nous raconte la découverte du monde à travers ces explorateurs qui pour certains laissèrent leurs vies, pour d’autres endurèrent des souffrances sans nom. Explorateurs réels, hommes et femmes (car certaines, à une époque où elles n’étaient même pas reconnues comme des égales des hommes, se lancèrent dans des expéditions qui laissent pantois, aujourd’hui encore), personnages de légendes sortis de l’imagination débridée d’écrivains, pays de cocagne ou villes mythiques, tous les aspects de l’exploration sont abordés. Car les explorateurs sont des faiseurs de rêves, le petit Michel quand il était enfant est tombé dedans pour ne jamais sans remettre et il nous fait partager sa passion avec enthousiasme et culture. On devine et il nous le laisse entendre qu’il a énormément lu, sachant qu’il a aussi voyagé « en vrai » on se demande comment il trouve le temps de tout faire ?
Pour être certain de ne pas en rater une miette, j’ai débuté ma lecture à la page une pour la terminer à la page mille treize, mais comme il s’agit d’un dictionnaire on peut très bien piocher selon son humeur ou son intérêt. Les vingt-six lettres de l’alphabet sont utilisées pour les entrées, alors laissez vous guider par votre intuition pour découvrir ou redécouvrir, Jacques Arago (1790-1855) – par ailleurs frère du mathématicien - explorateur aveugle ! Ou bien encore lady Stanhope (1780-1839) devenue « Reine du désert », j’arrête les exemples car on n’en finirait plus de citer tel ou tel. De toute façon ils sont tous là ou presque – j’imagine que chacun a un petit chouchou qui manquera à l’appel, c’est obligatoire dans ce genre d’ouvrage qui ne peut pas être exhaustif, moi-même j’ai déploré l’absence de Alexandra David-Néel qui m’a tant régalé de ses voyages au Tibet et en Asie…
Si vous aimez les voyages, ou la géographie, ou les rêves, ou les histoires extraordinaires arrivant à des êtres exceptionnels, ou tout à la fois, vous ne pouvez pas manquer ce pavé monstrueux. L’inconvénient avec une telle mine, c’est que même en me restreignant, j’ai noté dans mon petit carnet au moins une dizaine d’ouvrages qu’il va absolument falloir que je lise un jour ou l’autre.
« Qu’est-ce donc qui se joue dans l’aventure de Melville, de Loti, de Gauguin, de Warren Stoddard, de Stevenson, puis de Segalen et de London, dans les mers du Sud ? Au contact des œuvres d’art polynésiennes , rien de moins qu’un renouvellement de la création, un souffle nouveau – qu’accompagne une interrogation lancinante qui va hanter l’Occident pendant des décennies, faire naître l’art moderne : si ces « sauvages » sont capables d’une pareille beauté, où l’artiste puise-t-il sa force de création ? Non pas comme on pouvait le croire d’un « toujours plus » de culture, de maîtrise de codes et de techniques, mais d’une part inconnue, ou peut être assoupie, oubliée de l’âme humaine- d’un en deçà de la culture, d’une part « sauvage » qu’il s’agit de retrouver au plus près de ces cultures « premières ». Le mystère de la naissance des formes : voilà ce que tous vont tenter d’approcher, chacun à sa manière, dans les mers du Sud… »
Michel Le Bris Dictionnaire amoureux des explorateurs Plon