L’autre ‘nouveau’ musée romain d’art contemporain, c’est MACRO, éclaté entre deux sites, une ancienne brasserie et MACRO Future dans d’anciens abattoirs à Testaccio. Du premier, je ne dirai pas grand-chose : bâtiment rénové et onze petites expositions, d’un intérêt moyen. La seule qui m’ait vraiment plu est celle de Luigi Carboni, adepte de toiles monochromes très structurées et chargées de signes (jusqu’au 17 octobre). Il juxtapose ici une toile de 1989, Prima Prova, aux tonalités gris argent, couverte de lettres, de formes alphabétiques, de hiéroglyphes indéchiffrables (à gauche). À côté, Nero Ombrato, peint 15 ans plus tard, plus noir, s’orne de broderies de visages, de vases, de phylactères vides; s’y ajoute une petite étagère et un dé noir, relent de hasard et de primitivisme. Un des piments de cette installation est qu’un jeune critique, Andrea Bruciatti, a rédigé un texte sur l’oeuvre la plus ancienne, alors qu’un critique plus âgé, Roberto Daolio, a écrit sur l’oeuvre la plus récente. Regards croisés dont je ne suis pas sûr d’avoir tout compris (MACRO semblant réticent à traduire quoi que ce soit en langues étrangères).
L’autre site, MACRO Future montrait deux expositions beaucoup plus intéressantes dans une architecture d’abattoirs, plus brute, moins léchée. D’un côté, le photographe américain Joel Sternfeld présentait (jusqu’au 22 août) deux séries sur le paysage, sur l’urbanisation et ses méfaits : sa série sur la voie désaffectée de métro à New York, High Line, qui contribua à la réhabilitation de cette friche urbaine devenue un parc, et, plus pertinente ici, sa série déjà ancienne sur la Campagna Romana, les aqueducs et les ruines au sud-est de Rome. On y voit la familiarité des habitants avec leur passé, avec les ruines, la manière dont ils se l’approprient, dont ils en font un élément de leur quotidien, intégré à leur vie : ainsi ces commères qui bavardent et tricotent à l’abri d’un vestige de muraille dans le parc des Giordani, ainsi ces couples clandestins dans leurs petites voitures à l’ombre d’une énorme tombe pyramidale via Appia Antica. Pour eux, l’Antiquité n’est pas antique, leur regard conjugue l’histoire et le présent, la Rome d’hier et celle d’aujourd’hui, SPQR éternel. Et j’ai aimé ces ruines déchiquetées via Clodia à San Stefano, comme une dentelle de pierre devant le ciel romain, un vrai tableau romantique.
Dans l’autre pavillon, où subsistent la machinerie de l’abattoir et les crochets de boucher (on voit, en bas, le Gâteau des chaussettes saupoudrées de talc ou de sucre de Pascale Marthine Tayou), l’exposition Trasparenze (également terminée le 22 août) avait pour sujet les énergies renouvelables, ou, plutôt, la manière dont des artistes s’en inspirent, parfois de manière didactique et ennuyeuse (toute une mezzanine est dédiée au pesant Georges Adéagbo), mais le plus souvent avec beaucoup de talent et un peu de magie. On est accueilli par un grand crucifix fait de panneaux solaires, Kerigma (le prêche, en grec ancien) de Jota Castro : nouvelle religion, nouveau dogme indiscutable ? Un beau manteau d’El Anatsui, fait de collerettes en aluminium, un manteau d’herbe d’Ackroyd & Harvey ou une bataille rangée entre policiers et manifestants de Tony Cragg ne semblent avoir qu’un rapport lointain avec l’écologie.
Alberto Garutti présente des vidéos de systèmes d’irrigation épurées sur fond vert, aussi fascinantes qu’un tambour de machine à laver ou qu’un feu d’artifice éjaculatoire (Irrigatori). Wolfgang Laib, très inspiré par la culture indienne, a réalisé une grande installation pleine de magie, nommée ‘The Cobra Snakes are Coming out of the Well at Night - or- From me alone all has risen, in me all exists, in me all dissolves (Kaivalya Upanisad)’ : au mur, neuf morceaux de métal avec un crochet au bout, comme des skis d’autrefois, sont sans doute les cobras; devant eux, de longues tables, deux avec une centaine lampes à huile en argile dans lesquelles brûle une flammèche, et trois avec 233 pots d’argile remplis de cendre. Le feu et la mort, l’inanité de toutes choses, sont peut-être les pistes mystiques, ou en tout cas méditatives, vers lesquelles cette installation nous emmène.
Enfin, pour conclure cette intéressante exposition, Sidival Fila, un moine franciscain italo-brésilien, présente une toile blanche froissée, tordue, déformée, rendue transparente, recousue avec du fil de nylon sur lequel la lumière joue merveilleusement : on discerne la forme d’une éolienne, mais Eolica est surtout une très belle composition de lumière et de transparence.
Voici pour MACRO. Je vous aurais volontiers parlé de l’exposition de Nedko Solakov à l‘oisellerie de la Villa Borghese, mais il y avait plus de six heures d’attente quand j’ai voulu aller voir cette exposition dans le musée le plus cher de Rome (10€50), et mes prières n’ont pas fait fléchir la cerbère à l’entrée.
Photos MACRO Future (Trasparenze) par l’auteur.