"Ouah dis-donc..." me dit elle, "t'as vu un peu, regarde?"
Alors j'ouvre une nécessaire parenthèse, afin d'éclairer le lecteur qui ne serait jamais venu en République Tchèque. La communauté vietnamienne est extrêmement implantée dans notre République pour des raisons historiques (grande coopération entre les 2 pays sous la tyrannie des con-munistes).
Le second type, nettement moins opportun et dont j'ai parlé en mal précédemment, est éparpillé sur la République Tchèque en dehors des villes, extrêmement présent aux abords des frontières du territoire, et propose aux débiles souffreteux de l'encéphale des couillonneries remarquablement inutiles voire dangereuses.
Alors parenthèse (ben ouais, encore, faut bien que j'explique non?): ma chérie d'amour et moi-même sommes fous furieux des petites crevettes grises vietnamiennes séchées-salées décortiquées, que l'on déguste comme ça sans rien, crues et séchées-salées, comme des cacahuètes ou des olives, alors que normalement elles sont prévues pour être réhydratées puis rajoutées aux riz, soupes, et autres plats asiatiques dont elles sont un indispensable ingrédient.
Elle: "Des crevettes séchées? Ouais, très super, vraiment beaucoup archi trop top..." Elle est Tchèque ma chérie, et malgré qu'elle parle extrêmement bien notre langue, certaines subtilités liées à l'emploi des adjectifs superlatifs dans un contexte syntaxiquement adverbial et non complétif lui posent encore quelques difficultés liées à ses études de la grammaire traditionnelle du serbo-croate. Mais ça va viendre, comme elle dit...
Moi: "Bon, ben allons-y donc voir, ça serait surméga overcool qu'ils en aient. On pourrait s'en goretter gravement l'soir devant la téloche, d'la crevette." C'est là que je me rends compte que je ne l'aide pas beaucoup à progresser non plus.
Elle: "Ah ben oui, très Français dis-donc..."
Moi: "Et là, corderie de Montpellier, puis encore là, Voilerie, et encore là, restauration de pianos anciens, attends, c'est profondément loufdingue."
Et plus l'on se promenait, plus l'on découvrait, et plus l'on commençait à trouver que quelque chose ne collait franchement pas, mais du tout pas. D'abord autant d'inscriptions en Français en plein centre de Prague? J'en aurais entendu parler s'il y avait eu un ghetto francophone... pis le marché... mais d'ailleurs tiens, attends voir, il n'est même pas vietnamien, c'est écrit en sinogrammes chinois, et pas en "quốc ngữ"
Moi: "Ben flûte alors, mais où c'est-il donc qu'on est bien tombé dis-donc, pis pareil, regarde-voir, il n'y a personne, mais vraiment personne, pas l'ombre d'un zèbre, pas une miette de zindividu!? Alors pour un marché, ça se posait gravement là quand même. J'veux dire avec toute la marchandise, les étales pleines de fruits et de légumes, l'accès ouvert et personne pour vendre, personne pour protéger de l'éventuel malveillant. Stupéfiant.
Ah pour sûr qu'on y était dedans la quatrième dimension, le sentiment zarbi nous zenvahissait, nous nous sentions pénétrés par le côté obscure de la "trop pétoche"... Pis soudain un gars, petit, chinois, sortit du fourbi du marché, pis un autre, blanc, avec un short et une casquette (sur la tête) sortit aussi, pis un troisième, avec des câbles plein les mains... et soudain le déclic, le retour dans le vrai monde bien réel. Nous étions au milieu d'un décor de tournage, sur un plateau cinématographique à ciel ouvert... Ben forcément, tout s'expliquait soudainement, mais bien entendu....
Alors évidemment, les crevettes grises vietnamiennes séchées-salées décortiquées, que l'on déguste comme ça sans rien, crues et séchées-salées, ben ils n'en avaient pas, et du coup on cherche toujours à Prague où n'en trouver.