Immigration, insécurité, communauté, le gouvernement français a décidé cet été de se lancer dans une stratégie risquée.
Au plus bas dans les sondages, conscient de la possibilité d'un deuxième tour sans l'UMP en 2012, désireux de séduire à nouveau sa base populaire, Nicolas Sarkozy, aidé de Brice Hortefeux, a entraîné la France dans le débat complexe qui la divise depuis la nuit des temps : quelle place pour l'étranger?
Les gitans et bohémiens d'autrefois, les noirs, arabes ou roms d'aujourd'hui posent la même question : quelle place pour l'étranger?
Dans ce blog, nous avons déjà évoqué l'Islam et le devoir d'affirmation de la France. Mais la question d'aujourd'hui est différente : quelle place pour l'étranger?
Le pape Benoît XVI, dans un aparté à la fin de l'Angélus du 22 août dernier, a eu cette phrase qui a fait tellement de bruit qu'elle a été légèrement amplifiée : "les textes liturgiques de ce jour nous redisent que tous les hommes
sont appelés au salut. C'est aussi une invitation à savoir accueillir
les légitimes diversités humaines, à la suite de Jésus venu rassembler
les hommes de toute nation et de toute langue. Chers parents,
puissiez-vous éduquer vos enfants à la fraternité universelle."
Tous les anticléricaux, à la suite de Jean-Luc Mélanchon, se sont soudain ralliés à la légitimité du pape à parler politique. Ceux qui ont envie de passer 10mn de fou rire n'ont qu'à relire les attaques de ces mêmes promoteurs de la liberté vaticanes contre les interventions du pape sur d'autres sujets plus polémiques... Comme quoi, il est toujours facile d'aimer ses amis et bien plus difficile d'aimer ses ennemis.
"Aimer ses ennemis", bien que le vocable "ennemi" soit en l'occurrence très mal choisi, est tout l'enjeu de l'accueil des légitimes diversités. Et c'est particulièrement difficile.
Il était difficile pour nos ancêtres d'accueillir et d'aimer les bohémiens; il est difficile pour certains d'entre nous d'accueillir et d'aimer les femmes voilées ou les roms un peu étranges.
Dans la polémique actuelle, plusieurs questions se posent. La légitimité d'une expulsion, la méthode employée, les conséquences. Se pose aussi la question des valeurs que nous portons.
La valeur d'accueil est une valeur chrétienne fondamentale. Quel que soit l'invité, nous sommes appelés à l'accueillir. Les évangiles regorgent d'invitation à l'accueil de l'étranger mais plus encore, ils nous poussent également à ne pas juger les pécheurs. Nous devrions donc en tirer comme conclusion idyllique que nous sommes faits pour accueillir ceux qui viennent à nous et pour les aimer quand-bien même leur comportement serait parfois mauvais.
Reste que la vocation d'un pays est d'offrir un cadre favorisant le cheminement de ses habitants. De toutes origines, de toutes conditions, de toutes sagesses, la France est pleine d'hommes et de femmes qui cheminent et s'efforcent d'agir correctement, d'utiliser leurs talents, de s'ouvrir aux autres, de participer à la construction et au développement de leur pays. Si certains commettent des délits et viennent les perturber, ils perturbent la vocation majeure de l'Homme qui est d'avancer librement sur le chemin du bien et de construire le monde qui lui a été confié. Tout ça est très philosophique mais c'est la raison pour laquelle, bien que seul Dieu puisse juger les hommes, la justice terrestre met certains à l'écart en foyer, en prison ou parfois les renvoie dans leur pays d'origine.
Le renvoi dans le pays d'origine est un aveu d'échec. Mais un double aveu d'échec. Échec du pays d'accueil qui n'a pas su guider l'invité vers sa vocation; échec du pays d'origine qui n'a pas su non plus guider son propre ressortissant. Chaque pays a une vocation envers ses ressortissants. La France défend contre vents et marées ceux d'entre nous qui vont faire des expériences de drogue et autres en Asie du Sud-Est; elle en est responsable et elle agit comme tel. Dans le cadre des ressortissants étrangers en France, leurs pays d'origine doivent également prendre conscience de leurs propres responsabilités. Bien souvent ces pays n'ont pas à proprement parler abouti leur vocation... Et il est complexe d'expulser des immigrés en situation irrégulière ET pénalement répréhensibles vers des pays qui n'ont rien à leur offrir de sain. (NB : ça rejoint nos articles précédents sur les pays musulmans, sur l'Afrique, etc. La diplomatie française devrait affirmer sa vocation et ses valeurs et être capable d'élever la voix pour dénoncer ces pays.).
Si le renvoi dans le pays d'origine appelle celui-ci à sa responsabilité envers ses ressortissants, il évoque aussi l'importance de la communauté. La communauté, la famille, la tradition sont souvent évoquées par Benoît XVI pour mettre en avant le devoir de transmission. C'est au sein de ses communautés de vie, que se transmettent les valeurs essentielles d'amour, d'entraide, de respect, de liberté, etc. En coupant les hommes de leur communauté, on risque de les couper de ces valeurs. Si un homme se comporte mal dans son pays d'accueil, peut-être se comportera-t-il différemment de retour dans sa communauté. Peut-être aussi restera-t-il le même et refilons-nous le "mistigri" au pays d'origine; c'est tout le débat avec la Roumanie, d'autant plus que les roms sont une communauté itinérante aux racines complexes.
Accueil, responsabilité, communauté, transmission, le chrétien en politique est appelé à discerner et la réponse est rarement limpide. La méthode, la manière de présenter, les mots utilisés sont donc essentiels. Benoît XVI ne nous demande certainement pas l'impossible, l'irrationnel; il nous demande en revanche de discerner sous le regard de la Vérité d'amour de Dieu.
Derrière cette question d'actualité se cache donc cette idée récurrente de BeniNews. La politique faite avec foi ne doit jamais oublier la vocation de l'homme, celle du pays et celle du monde, et agir certes fermeté mais toujours avec humilité et discernement.