Alors comme on se devait de fêter dignement une importante date anniversaire, je me suis dit que j'allais emmener ma chérie d'amour dans un lieu charmant, romantique, enfin le truc sympa qui va bien pour fêter une importante date anniversaire. Pis après avoir demandé à mes collègues, mes potes et mes autres accointances (jusqu'à ma femme de ménage) s'ils avaient quelques idées, pis après avoir reçu des réponses aussi diverses que confuses qui m'amenèrent à penser qu'ils ne devaient pas fêter souvent d'importantes dates anniversaires, donc après tout ça, je finis par trouver l'endroit idéal en la région nommée en toute humilité "Český ráj" (le paradis de Bohême). J'y fus allé étant petit, et je me souviens que l'endroit était sympathique
(enfin de ce que je me souviens). Je fis donc la réservation qui va bien dans un charmant hôtel thermal que je ne puis que recommander, "Lázně Sedmihorky", mais dont l'unique inconvénient est d'être souvent plein, autant en terme d'accommodation, qu'en terme de massage, sauna, et autre relaxation thermale qu'il est sensé offrir lorsque de gros imbéciles ne l'encombrent pas, l'hôtel. Enfin si jamais ça vous branche, réservation indispensable. Et pour l'anecdote, c'est dans ce village de "Sedmihorky" que des notoriétés tchèques de la fin du XIX ème siècle auraient baptisé la région
("Český ráj" - le paradis de Bohême) alors qu'ils se thermalaient le gras de leur couenne (sans doute dans le même hôtel). Pour que la surprise soit totale, je n'avais rien dit à ma chérie, sinon que ce fameux week-end on ne serait pas sur Prague, qu'elle ne réserve pas de potes ni de potesses pour aucune soirée, et qu'elle prenne des bonnes chaussures de marche car il y en aurait sûrement un peu (de la marche). Evidemment, lorsque j'évoquai innocemment le dernier point, les chaussures de marche, j'étais à des lieux, mais alors à des kilomètres astraux d'années lumières intersidérales d'imaginer les conséquences de cette banale assertion purement indicative (vous verrez par la suite).
Alors qu'est-ce que donc que ce paradis? Il s'agit d'une région à quelques 70 km au nord-est de Prague, vers la ville de "Turnov", et dont la surface de presque 700 km² est classée parmi les 25 géoparcs européens par l'UNESCO. Cette région est remarquable à plusieurs titres, d'un point de vue géologique, minéralogique, paléontologique, et archéologique. Je m'expligique. Dans la période du très tassé (crétacé), la Tchéquie, la Pologne comme l'Allemagne étaient recouvertes d'une mer peu profonde (100 m maxi).
Puis lorsque la mer s'est asséchée comme les chaussettes de l'archiduchesse, les sables formés de graines quartzifères ont commencé à se solidifier pour former le grès (le bon) et les pics rocheux que vous pouvez y admirer. Les concentrations de ces roches se nomment des villes, et il y en a au nombre de 12. Par exemple celle nommée "Skalák" se compose de plus de 400 pics d'une hauteur allant jusqu'à 50 m. C'est visitable, c'est promenable, parfois même escaladable et ça offre souvent des vues panoramiques exceptionnelles. Bon, alors ça c'était pour le géologique. Concernant le minéralogique, c'est encore plus vieux, ça remonte à quelques 250 à 300 millions d'années, lorsqu'il n'y avait sur la planète que des volcans poilus qui marchaient à 4 pattes.
Sous l'action de cette activité volcanique se sont formés dans cette partie du monde des agates, des jaspes, des améthystes, des grenades... que l'on peut encore (semblerait-il) trouver en cherchant bien. Moi je n'en ai pas trouvées, mais remarquez-bien que je n'ai pas cherché non plus. Selon les experts du cueillage de pierres (semi) précieuses, l'adret du mont "Kozákov" (744 m) serait le plus propice des coins où qu'on pourrait encore en trouver des. Puis concernant le paléontologique et l'archéologique, je ne vais pas vous en parler parce que je n'y connais rien. Par contre je vais vous parler de l'historique, car cette région regorge également de splendides châteaux. D'ailleurs je m'en vais vous en dépeindre quelques-uns dans le détail, parce qu'on y est allé les visiter.
Nous partîmes donc samedi matin, dans la direction qui va bien mais qu'elle ignorait. Puis sur la route, je finis quand même par lui avouer notre destination parce que j'avais besoin de quelqu'un pour me guider avec la carte. Elle semblait satisfaite de mon choix, et un délicieux sourire apparut sur ses lèvres. Nous arrivâmes à l'hôtel avant midi, la chambre n'était pas prête, donc nous laissâmes nos valises à l'accueil et partîmes à pied en direction de "Hrubá Skála" (la roche brute, ou le gros rocher) à la fois un château (du même nom), mais également une ville rocheuse offrant promenades romantiques en tout genre.
Le superbe chemin qui mène au château est semé de roches, plantées là comme de gros phallus en érection. C'est impressionnant. En arrivant à "Hrubá Skála" l'on s'arrêta à la buvette, le temps était splendide, il faisait soif après les 2,5 km à pied, et je m'en lisais avec ma chérie l'histoire mouvementée du château.
Le château de "Hrubá Skála" (gros rocher) fut construit vers le milieu du XIV ème siècle par le Sieur "Hynek z Valdštejna". Mais en cette époque il s'appelait encore Skály (les rochers) de par sa situation géographique (sur des rochers). Bon, comme c'était le premier à se nommer ainsi, et tant qu'il était tout seul, tout allait bien. On disait "tiens, je vais boire un coup au château sur les rochers", et tout le monde savait de quoi qu'il s'agissait. Sauf qu'au fur et à mesure, d'autres châteaux se construisaient, même des villages, des auberges, et ça devint vite ingérable en particulier pour le facteur qui, à chaque adresse ambigüe, se tapait 2 heures de marche pour rien avec un dénivelé de plusieurs centaines de mètres.
Imaginez le donc en plein hiver par -10°C ou en plein été par +30°C. Pis lorsque l'on baptisa un coin non loin de là "Malé Skály" (petits rochers), et que le mot "skála" (rocher) se trouvait dans 4 cinquième des noms propres, l'on dû changer de facteur (décédé d'une attaque). Du coup, l'on en profita également pour changer d'appellation. De Skály (les rochers), le château devint "Hrubá Skála" (gros rocher) ce qui, sans être une véritable révolution, représentait tout de même un confort significatif pour le nouveau préposé aux postes. Signalons pour l'anecdote que la femme du maire, nantie d'un esprit particulièrement créatif, avait suggéré "la roche sur mer" afin d'ôter toute confusion,
mais cette dénomination fut rejetée à l'unanimité par le conseil municipal au motif que bien qu'une mer eût existé en cet endroit au crétacé, la géographie actuelle ne permettait pas de baptiser le lieu d'un nom aussi insolite. La peur du ridicule l'emporta sur l'originalité créative.
De part sa situation exceptionnelle, et particulièrement difficile d'accès (demandez au facteur), le château jouissait d'une importance stratégique non négligeable pour toute la région. D'un autre côté la lassitude et l'agacement gagnaient rapidement les différents résidents lorsqu'il s'agissait en automne d'y monter les packs d'eau, de bière et tout le ravitaillement indispensable pour passer l'hiver.
Aussi les (nouveaux) propriétaires se succédèrent souvent. En 1371 le domaine devint la propriété de l'archevêque de Prague dont la foi qui déplaçait les montagnes semblait également pouvoir livrer les courses. A priori oui, mais il n'en fut rien. Aussi après de nombreuses mais infructueuses prières accompagnées de moult cierges onéreux à la cire d'abeille roulés à la main, le domaine fut revendu en 1396 à la famille "Vartemberk". Lorsque la direction départementale de l'équipement leur refusa la construction d'un téléphérique au motif que la région sera classée géoparc 600 ans plus tard, ils revendirent le château en 1406 à l'évêque de "Litomyšl".
Malheureusement, sa foi n'aura pas plus d'influence sur les lois mécaniques de la livraison de pesantes denrées que celle de l'archevêque de Prague, et 10 ans plus tard (en 1416), il revendra à son tour la propriété à la famille "Jenštejn" (dont l'ancêtre Jean était archevêque de Prague sous le règne du bon roi Charles IV). Eux garderont la propriété plus longtemps, mais pour un motif purement opportuniste. En effet, en ces temps difficiles d'apogée des guerres hussites, il était raisonnable de vivre loin de toute concentration humaine surtout lorsqu'on était de confession romaine-catholique, avec de surcroît un archevêque dans la famille. L'édifice revêche aura cependant raison d'eux en 1456,
lorsque le dernier des 137 maîtres d'hôtel qui se succédèrent à leur service jettera son tablier, après avoir abandonné dans l'épreuve de la montée des "100 litres d'eau distillée pour le fer à repasser". Puis ce sera la famille "Zajíc z Hazmburka" qui s'installera à "Hrubá Skála" justement pour son éloignement et sa difficulté d'accès. En fait, l'ancêtre "Zbyněk Zajíc z Hazmburka', évêque puis archevêque de Prague (entre 1403 et 1411), était l'archétype de l'inepte casseur de roubignolles. Ses contemporains, comme maître "Jan Hus" ou le roi "Václav IV", ne pouvaient pas le sentir pour sa profonde ignorance, sa bêtise, et sa méchanceté gratuite.
Son ignorance était notoire au point que les Praguois le surnommèrent l'évêque ABCD (il était quasi analphabète). Sa bêtise était notoire itou au point qu'on eut composé une chanson pour l'occasion: "Zbyněk biskup abeceda, spálil knihy a nevěda, co je psáno v nich" ("Zbyněk" l'évêque ABCD fit brûler des livres sans savoir ce qui était écrit dedans", en référence aux ouvrages de John Wyclif qu'il fit brûler en 1410). Quant à sa méchanceté gratuite, demandez aux Bavarois qui eurent à subir les razzias menées sous son commandement. Bref, il fit une telle réputation à sa famille que cette dernière acheta un âne et quitta la ville pour "Hrubá Skála",
car le seul nom de "Zajíc z Hazmburka" faisait hennir de rire les chevaux de bois. Lorsque la réputation de cette famille s'améliora, elle remit en vente le château, acheta un nouvel âne et regagna la capitale. Puis compte tenu du prix largement inferieur à ce qu'ils l'avaient vendu, ce sont à nouveau les "Vartemberk" qui se portèrent acquéreurs en 1538, croyant faire la bonne affaire. Mais la direction départementale de l'équipement n'était pas plus flexible en cette époque que 130 ans auparavant, aussi ils finirent par tout revendre aux "Smiřický ze Smiřic". Cette famille n'eut pas le temps de comprendre pourquoi personne ne voulait de la demeure, car arriva la bataille de la montagne blanche (1620),
et cette vile gouape de Ferdinand II confisqua leur bien au profit des "Valdštejn". Ben oui mais ce n'était pas vraiment un cadeau, parce que ces derniers comprirent dès leur premier retour de Carrefour pourquoi personne n'en voulait de la bâtisse. Mais pour eux, "Hrubá Skála" allait devenir un enfer car ils ne pouvaient pas revendre le château comme ça, vu qu'il leur fut offert par l'empereur en personne. A sa mort en 1637, cette gouape vicieuse de Ferdinand II laissa un lourd testament à son fils Ferdinand III, dans lequel était entre-autre inscrit "et surtout surveille bien à ce que ces ingrats de Valdštejn conservent bien le splendide château de Hrubá Skála que je leur avais gracieusement offert."
Et cette diabolique instruction fut ensuite reportée sur les testaments de Ferdinand IV, Léopold 1er, Joseph 1er, Charles, Marie-Thérèse, un autre Joseph, un autre Léopold... etc... etc... La maudite poisse s'accrochait aux frusques des "Valdštejn" comme le morbac obstiné aux poils des roustons. En 1710, les malheureux essayèrent de s'en débarrasser en y mettant le feu. Et plutôt bien qu'ils y mirent le feu, la totalité du bâtiment fut détruite. Mais lorsque à la question du comment, ce pauvre bougre de "Valdštejn" balbutia confusément "ma femme... lecture... lit... bougie... endormie... feu... cata...", Joseph Ier proclama accident et fit jouer l'assurance tout risque.
Et hop, quelques mois plus tard, le même château se trouvait au même emplacement. Consternation chez les heureux propriétaires. En 1711 Joseph 1er rendait l'âme et cédait sa place à Charles VI. Et que croyez-vous que firent les "Valdštejn"? Ben hop, en 1714 ils y remirent le feu, comme-ça, genre pas fait exprès. Ben à nouveau, convocation auprès de l'empereur, explications confuses, assurance tout risque, et hop, château tout beau reconstruit. Véridique. Ce n'est que 200 ans (à l'année près) après la maudite attribution, que le courageux "František Adam z Valdštejna" se décida à se débarrasser pour de bon de la maudite demeure car trop, c'était de trop.
Et celui-ci finit enfin par réussir, profitant de ce que François 1er (mais aussi François II selon les pays) avait d'autres chats à fouetter, Napoléon, Austerlitz, perte du titre d'empereur du St Empire, la Confédération du Rhin (Rheinbund), bref... le château de "Hrubá Skála" était le dernier de ses soucis. Par contre après les "Valdštejn", c'est plutôt confus en terme de propriété car dans le livre d'histoire, l'on peut lire la phrase suivante: "[...] roku 1821 koupil hrabě Aehrenthal, který zde bydlel až do roku 1945." (en 1821 l'a acheté le comte Aehrenthal, qui y habita jusqu'en l'an 1945). Or selon mon rapide calcul, je suis en mesure d'affirmer que soit Mr le comte aurait vécu 124 ans (au minimum),
soit il aurait encore vécu au château après sa mort, probablement dans un état de décomposition que l'on pourrait juger d'avancé. Bien entendu il s'agit d'une effroyable (mais réelle) bourde car la vraie vérité, que je suis allé rechercher dans des sources plus fiables, nous révèle que le premier propriétaire fut "Jan Lexa z Aehrenthalu", puis quelque part "Jan Antonín Lexa z Aehrenthalu" (qui transformera l'apparence du castel en néo-gothique), puis encore ailleurs "Aloys Lexa z Aehrenthalu" (ministre des affaires étrangères de l'Autruchon-gris), puis encore... et ensuite... bref... Les "z Aehrenthalu" conserveront le domaine de 1821 à 1945 ce qui, somme toute, n'atteste d'aucun mérite exceptionnel par rapport aux précédents propriétaires,
puisqu'entre temps l'on avait inventé les chaussures de marche en montagne, le cabas à commissions en fibres synthétiques, la locomotive à vapeur, le moteur à explosion, et même l'aéroplane, ce qui, vous en conviendrez tout de même, simplifiait grandement le ravitaillement de l'inaccessible château de "Hrubá Skála".
Ah... si j'aura suL'on s'en termina nos boissons, et tandis qu'on cherchait comment poursuivre cette superbe petite balade, ma chérie tomba sur un panneau indicateur des chemins touristiques. Et c'est là que ma petite phrase anodine sur les chaussures de marche me péta à la figure comme un vieux roussin gavé de fayots. PAAAFFF! Enorme l'éclaboussement.Elle:
"Super, on va aller au château de Trosky, c'est seulement à 6 km, super."
Moi: "Cool, on redescend chercher la voiture, et hop..."
Elle: "Quelle voiture? On y va à pied non? Le temps est splendide, j'ai les chaussures de marche que tu avais dit d'emmener, alors hop, un peu d'exercice."
Moi: "Quoi? A pieds, 6 km aller, 6 km retour plus les 2,5 km qu'on a déjà dans les pattes et qu'il va falloir se remettre pour redescendre? Mais tu rigoles, 17 km en tout et à pied? D'abord on ne sait même pas s'il y a suffisamment de buvettes sur le chemin, pis on risque de se perdre, pis ça va nous faire rentrer vachement tard pour l'apéro, pis je n'ai toujours pas mangé, pis..."
Elle: "Attends attends... t'avais dit de prendre des chaussures de marche, je les ai, alors hop, debout faignant, sinon on rentrera vraiment tard."
J'avais beau protester, trouver toutes les excuses possibles, plausibles ou non, mais rien n'y fit. Elle était résolue comme un jésuite en Afrique noire, et quand elle est dans cet état d'esprit, c'est peine perdue. L'on partit donc en direction de "Trosky", avec la promesse que si vraiment c'était trop loin, ou que je perdais une roue sur le trajet, on ferait demi-tour.
Je me retrouvais donc à suer dans la nature toute l'eau qui se trouvait auparavant dans ma bière, car le temps était franchement splendide et chaud, alors que j'avais prévu nettement moins (chaud) et m'étais vêtu en conséquence (forcément, en Octobre). Ah la belle forêt, ah les beaux sous-bois, ah les belles clairières, ouah dis-donc, y a même des gros cailloux en forme de ce qu'on veut bien imaginer... C'que c'est étonnant. Pour sûr, elle, elle était heureuse comme un gréviste en France et trottinait gaillardement le long des sentiers du sous-bois, youkaydi youkayda. Tandis que moi, je me trimbalais avec mon fourbi à photo sur l'épaule, ma lourde veste cirée anti-pluie autour de la taille, et mon ventre vide sur le dos.
Alors je ne dis pas, c'était beau, même moi qui n'y connais rien en nature, je dus avouer que c'était beau, au point que je vous ai fait des photos, plein. Mais bon, sans vouloir faire le ronchon, on aurait pu trouver un raccourci. Pis sur 500m, on se fait déjà une très bonne idée de ce que seront les 5,5 km suivants, sans compter le déjà vu au retour... Enfin ce qui me rassurait quand même, c'est qu'on croisait des gens, et même des gens nous doublaient, nous n'étions donc pas perdus (ou pas encore). En fait, ce qui me tracassait réellement était le manifeste manque de buvette sur le tracé. Et ça commençait à devenir même pesant parce qu'il faisait chaud, donc soif, qu'on avait rien prévu en désaltération parce que ma tendresse nous avait jeté dans l'aventure au pied levé (et ventre vide),
et je me voyais déjà étalé sur le sol les bras en croix, la bouche ouverte, la langue pendante, les fourmis dans la bouche. Au bout de presque 2h de marche, de photos, d'angoisse et de sueur, nous arrivâmes aux portes de la civilisation. Une route goudronnée, un bout de parking avec des voitures garées, une buvette en bois et même une taverne digne de ce nom. Elle ne put me refuser une collation, aussi nous fîmes halte, nous restaurèrent, nous abreuvèrent et nous reposèrent. Et tandis que je m'en terminais à peine ma troisième bière, mon impala des steppes de Bohême m'annonçait gaillardement que l'on n'était qu'à 3,5 km du château de "Trosky", que c'est splendide, et que cela me plairait sûrement.
Ah ben oui, sûr que ça me plairait mais pas là. J'étais fourbu, j'avais mal aux pieds, aux jambes, au dos (cause du sac à-pareil-photo) et surtout lorsque je mis un oeil sur la carte à touristes qui se trouvait à la croisée des chemins de randonnées, je m'aperçus que le (très) faible espacement des (nombreuses) lignes topographiques augurait d'un dénivelé (très très) important. Je refusai donc catégoriquement d'entreprendre l'escalade, aux motifs de ma fatigue, de mes douleurs, de l'heure avancée (15:30), de la fort probable fermeture du château à c'te heure, du long trajet de retour qui nous attendait encore, et de la fort vraisemblable présence du loup, de l'ours et du blaireau sodomite des montagnes de Bohême
( meles vulgus sodomita montis bohemicae) qui rodent en cette contrée dès la tombée de la nuit (les sales bêtes). Je fus enfin entendu, mais dus faire concession sur le retour à pied par un chemin en rase campagne de 3 km qui nous mènerait vers la gare d'un bled d'où nous prendrions le train. Ah ouais? Bon, ben hein, si je n'ai pas le choix... Et je ne l'avais vraiment pas. Nous marchâmes, longtemps, traversâmes champs et bois, parfois ruisseaux, c'était bucolique à souhait, et fort curieusement nous finîmes réellement par arriver à la gare. J'vous dis pas, c'était désert, genre gare de western où les hors-la-loi préparent leurs mauvais coups au passage du train une fois par semaine, s'ils ne se font pas scalper par les peaux-rouges entre-temps
(ou surprendre par le blaireau sodomite). Et malgré cette apparente désertitude, les horaires étaient affichés sur le mur. Etaient-ils au moins fiables? Nous trouvâmes une buvette en bord de route à 500m de là pour faire passer les 3/4 d'heure d'attente, et le train arriva réellement avec seulement 10 minutes de retard. Puis il nous déposa à 500m de notre hôtel (station "Karlovice-Sedmihorky") pour la modique somme de 4,5 CzK (0,16 €) par personne. Une fois nos effets récupérés à l'accueil, nous prîmes possession de notre chambre, et après un rapide coup d'oeil sur la propreté, l'agencement, les sanitaires et les chaînes de téloche disponibles, je me jetais sous la douche bouillante largement méritée.
Hop, un peu d'histoire. La station thermale de "Sedmihorky" vit le jour en 1841 sous l'impulsion du Dr "Antonín Šlechta", et après des débuts difficiles devint la coqueluche des nantis de l'empire. Pis la démocratisation allant de l'avant, de nombreux autres citoyens (moins nantis) eurent l'occasion de profiter des bienfaits de l'eau (ah bon, eau, bienfaits?).
La présence de nombreux artistes romantiques, d'écrivains comme "Jan Neruda" ou de poètes comme "Karel Hynek Mácha" devint de plus en plus fréquente. Ils finirent par désigner ce lieu de paradis de Bohême, nom qui par extension fut donné à toute la région. Tiens, anecdote, dans les années 1880, les thermes soignaient les patients à la bière... à l'eau bien sûr, mais également à l'air frais. Les "malades" (mâles uniquement) soignés à l'air (frais) prenaient une douche froide, se faisaient tendrement masser, et vers 10h du matin partaient se promener pendant 2 heures dans la forêt environnante enveloppés d'un simple linge fin (et transparent), exactement là (promenade) où nous partîmes pour notre interminable balade.
Le concierge hissait alors un drapeau noir et blanc afin d'indiquer aux dames la présence des nudistes dans le sous-bois, et prévenir ainsi les 2 partis d'une rencontre embarrassante. Devant le succès avéré de la méthode, le Dr "Šlechta" expérimenta un temps sa thérapie sur les dames, mais il dut rapidement y renoncer, car contrairement d'avec la prude gente féminine, le drapeau noir et blanc attirait le mâle salace au point que ces grouillants troupeaux de voyeurs impudiques épiant la nymphe dévêtue finirent par nuire à la bonne réputation de l'établissement. Le bon docteur "Antonín Šlechta" décéda en Janvier 1886, et en son honneur, pour sa bonté et sa bienveillance,
les habitués des thermes, ses amis, lui firent édifier un buste par le monumental "Josef Václav Myslbek", buste qui encore aujourd'hui décore la place centrale du lieu. Et dire qu'on était là, dans ces thermes, dans une superbe chambre spacieuse archi chauffée, où peut être le président "Tomáš Garrigue Masaryk" en personne avait séjourné... Nous dinâmes dans l'auberge thermale "Podzámecká krčma" dans un cadre rustique et chaleureux. Les mets, sans être excellents, furent bons, la bière fraîche, puis le sommeil réparateur et bienvenu car le lendemain nous attendaient d'autres balades et d'autres visites avant le retour en la capitale.
Le jour suivant, nous nous levâmes tôt (9h) et petit-déjeunâmes rapidement afin de bien profiter de la journée. Le buffet était copieux et varié, au point que même ma chérie qui d'ordinaire ne mange pas le matin, se laissa tenter par les corn-flakes, les fruits frais et les yaourts mulgares loulés à la bouche. Je m'empiffrais goulûment des petites saucisses grillées, des scrambled eggs, du baked bacon, je savourais le thé noir et les jus de fruits,
je m'en remplissais la bedaine me disant que devant l'incertitude d'un bon déjeuner, Elle: un mien vaut mieux que deux tuyaux gras. Puis soudain je la vis revenir du buffet une assiette pleine de tranches de jambon, de sauciflard et de fromage dans une main, tenant 2 petites miches de pains dans l'autre.
Moi: "Ben dis-donc, t'as vraiment faim, on est là encore une heure avant que tu ne finisses tout ça." Fis-je remarquer un sourire en coin.
"Mais c'est pas pour maintenant, je vais nous faire des sandwichs pour plus tard dans la journée." Dit-elle malicieusement.
Moi: Elle, les yeux tristes d'un bassin artésien à qui l'on venait subitement de briser l'excitation d'une bonne idée: "Quoi? Mais pas du tout, c'est pas possible, c'est pas éthique, je veux dire c'est même interdit, strikt verboten. Ils vont nous empaler vivants en place publique sous les cris d'opprobre des villageois avant de brûler nos carcasses dépecées sur le bûcher de l'inquisition s'ils nous attrapent." Pis de rajouter: "encore que moi, j'y suis pour rien, mais ils vont certainement me faire subir le même sort pour non-dénonciation de malandrin."
"Ah bon? J'savais pas, désolée."
Moi, m'en voulant d'avoir suscité une telle déception sur sa tendre frimousse: "Bon, écoute c'est pas grave, alors on va tout remettre en place discrètement, parce que l'emporter c'est pas possible, on n'a pas pris de sac pour tout fiche discrètement dedans, et à la main, on va se faire voir, attraper, empaler, brûler..."
Evidemment, à cet instant (enfin 3 minutes avant, mais vraiment 3 minutes, pas plus, pas moins), un bus entier de sombres imbéciles venait d'arriver, et cet inepte ramassis de vulgaires andouilles frétillait tout autour du buffet compromettant fortement la discrète opération "j'remets tout en place, mine de rien".
C'est dingue le hasard de l'adversité tout de même. Je regardais ma chérie d'amour qui restait là, les yeux tombant dans ses 2 assiettes, les mains jointes entre ses genoux, prostrée courbée comme une montagne de malheur accablée par le poids de la détresse. Je ne pouvais pas la laisser dans cette situation, elle m'avait fait crapahuter abondamment la veille, cette vilaine carne, mais pour mon bien. En tout cas elle ne méritait certainement pas ça, oh que non. Alors je pris les 2 assiettes, et commençai à me beurrer les petits pains. Elle me regarda sans un mot, se demandant ce que je faisais. Je garnis copieusement la miche d'une moitié de l'abondante charcutaille qu'elle avait généreusement remisée par de vers soi sans faire semblant, et commençai à manger.
C'est vraiment sans faim que je vidai les 2 assiettes, je bus encore un thé, puis nous quittâmes la salle où l'attroupement d'imbéciles s'arrachait les restes des denrées.
Le château de TroskyOn arriva en voiture au château de "Trosky". Et heureusement, parce que le chemin était tellement pentu, ardu et serpentu que même une chèvre des montagnes 4 roues motrices aurait refusé d'y grimper.
D'ailleurs même ma chérie avoua humblement que la veille, c'eût été laborieux. Nous laissâmes la voiture au parking, et finîmes les derniers mètres à pied. Di diou, ça grimpait coriace... On finit par arriver aux portes de la ruine, parce que ce castel est effectivement en ruine comme son nom l'indique ("Trosky" = ruines, enfin presque, plus vestiges, débris, mais dans le sens ruines). "Tiens, regarde" fis-je remarquer en montrant les horaires d'ouverture sur la lourde porte en bois, "heureusement qu'on n'est pas venu hier, on serait resté planté là comme des andouilles. Ils ferment à 16h." Ah comme je me sentais bien, ah ce plaisir d'avoir eu raison, ah cette satisfaction béate de la confirmation d'une éventualité présumée fort probable...
Alors passons à l'histoire vraie du château. La construction de l'édifice aurait sans doute commencé vers 1380, par ordre du plus haut burgrave "Čeňek z Vartenberka" sur un emplacement des plus propices à l'édification d'une forteresse imprenable. La cour du château se trouve entre deux monticules de granit brut, le versant sud est protégé par une falaise abrupte, il ne restait plus qu'à construire un solide rempart au nord avec une bonne serrure pour bien fermer à clé (à cause des blaireaux). Et pour faire vraiment respectable forteresse, l'on construisit une tour sur chacun des cônes de granit. Sur le grand cône (à 57m de hauteur par rapport au reste du château) l'on construisit une grande tour pour voir venir l'ennemi de loin.
Sur le petit cône (à 47m de hauteur par rapport au reste du château) l'on construisit une petite tour pour voir venir l'ennemi de près. Du coup, ben il ne lui restait plus qu'à venir, à l'ennemi. Il était attendu de pied ferme. C'est ainsi qu'en 1424, le château fut assiégé pour la première fois par une armée de pauvres bougres, alors que ce cul-bénit de "Ota z Bergova" (fils), seigneur-brigand du lieu, avait attiré sur lui la colère du peuple notamment en pillant l'abbaye de "Opatov" (selon la légende, ce fabuleux trésor se trouverait encore dans les ruines du château). Evidemment, mené par une armée de culs-terreux, le siège échoua.
Mais en 1438, c'est le fameux bandit "Kryštof Šof" qui prendra manu-militari possession du lieu, et à son tour continuera le pillage des environs. Mais les autorités locales furent promptes à réagir, et 2 ans plus tard les armées du landfried de Bohême du sud mettaient le siège au château. En vain, il résista jusqu'en 1444 lorsqu'il fut pris d'assaut par le peuple qui n'en pouvait plus des rapines du bandit Christophe. La demeure changea plusieurs fois de propriétaires, mais rien d'important... Ah si, en 1455 c'est la famille "Zajíc z Hazmburka' qui va récupérer le domaine, vous savez, ils avaient pour ancêtre le fameux archevêque de Prague "Zbyněk Zajíc z Hazmburka' (l'ABCD) qui fit une telle réputation à la famille qu'elle dut s'installer à "Hrubá Skála".
Bon, pis petit à petit le domaine perdit en importance, il n'était plus que le siège de l'administration locale, parce que les grands importants vivaient à Prague. L'édifice devint abandonné. Lors de la guerre de 30 ans, les troupes impériales se replièrent dans la forteresse, mais les Suédois y mirent le feu, au point qu'ils détruisirent les escaliers qui menaient aux 2 tours, lesquelles furent inaccessibles pratiquement jusqu'au XXI ème siècle (l'une des tours est d'ailleurs toujours inaccessible). Alors anecdote, tiens. Vous vous souvenez lorsqu'en 1821, les "Valdštejn" finirent enfin par se débarrasser du poisseux château de "Hrubá Skála" au profit de "Jan Lexa z Aehrenthalu"?
Eh ben dans le panier de la mariée ils y mirent également les restes du château de "Trosky". "Non je vous assure..." aurait dit Madame de Wallenstein (ah oui, je ne vous l'ai peut être pas encore dit, "Valdštejn" en Tchèque se traduit par Wallenstein en Français)... "Non je vous assure, ça nous fait vraiment plaisir, pis aussi ça nous débarrasse. Vous verrez en été, l'on peut y faire de formidables barbecues jusque tard dans la nuit, sans enfumer ni déranger les voisins, et il n'y a aucun risque de mettre le feu à la maison." Aujourd'hui il n'existe aucune trace d'à quoi ressemblait la forteresse du temps de sa splendeur, juste après sa construction.
Les écrits ont brûlé et les peindus ont disparu. Enfin pas tous, l'unique représentation encore connue fut volée par les Suédois (fumiers) au château "Hrubá Skála" lors de la guerre de trente ans, mais comme le fameux codex Gigas, ils ne veulent pas le rendre (du coup j'ai arrêté de manger des Krisprolls, de rouler en Volvo, et d'utiliser des allumettes).
Et hop, légende. Il était une fois, il y a longtemps, très longtemps, avant même que n'existe le château de "Trosky"... donc il était une fois qu'il vivait un pauvre monsieur, veuf, dans un pauvre village avec ses deux pauvres enfants. Et veuf à l'époque, c'était pas cool (pauvre non plus d'ailleurs), parce que du coup, ben il n'y avait personne pour s'occuper des chiards, des vaches et des cochons, plumer les poules, laver le linge, ranger et nettoyer la maison du sol au plafond, aller à Auchan, acheter le journal télé en avance, éplucher les patates, dénoyauter les cerises, faire à manger sans oublier le dessert, servir à table tant que c'est chaud, puis débarrasser la table et faire la vaisselle, et une fois tout le monde endormi, repriser, coudre,
et raccommoder à la lueur des chandelles et en silence afin de ne pas réveiller son monde, bref... c'était la peste noire en la demeure, et notre pauvre bonhomme n'en pouvait plus. Du coup, et selon les conseils astucieux de son bon pote chaudronnier-plâtreur pour dames, il décida de passer une annonce sur Internet afin de rencontrer rapidement l'âme soeur qui aurait la bonté d'apporter en son foyer une présence féminine, cette indispensable chaleur de la bonne épouse, essence même d'un radieux domicile. Quelques jours après, le pauvre bougre emmenait dans la demeure sa nouvelle compagne de toute la vie jusqu'à ce que la mort les sépare.
Mais la marâtre était mauvaise, laide et vilaine avec les enfants (rencontre sur Internet, que voulez-vous?). Elle leur faisait faire toutes les lourdes tâches qui normalement lui incombaient, alors que les marmots auraient dû être à l'école, à fumer du haschisch avec les copains. Un jour, elle envoya les chérubins chercher de l'eau à la fontaine. Les 6 barriques de 30 litres convenablement remplies, les galopins remarquèrent qu'il y avait des fraises des bois tout partout dans les champs, tout autour d'eux (j'y connais rien en nature, alors si ça se trouve, c'était pas des fraises des bois, ou c'était pas dans un champ, mais c'est pas vraiment important pour notre histoire).
Ils se mirent à les cueillir et à les gloutonner avec gourmandise, sans se soucier du temps qui passe, ni de la diarrhée que provoque la surconsommation de fruits. Mais la méchante marâtre si, elle s'en souciait du temps qui passe (mais pas de la diarrhée), et regardait nerveusement l'horloge à coucou dans la cuisine, se demandant di diou d'nom di diou, mais qu'est-ce que ces foutus merdaillons pouvaient bien fiche avec cette eau dont elle avait grand besoin. Pis soudain, dans un accès de colère et d'exaspération, elle maudit les loupiots: "Crénom di diou [... gros mots ...] de foutus sales gosses, puissiez vous pétrifier sur place bande de [... encore gros mots ...]."
Puis arriva la nuit, et les enfants n'étaient toujours pas rentrés, puis arriva le père, et les enfants n'étaient toujours pas rentrés, puis arriva le film de 20:30, et les enfants n'étaient toujours pas rentrés... puis pendant la pub, le père finit quand même par se demander mais où c'est-il donc qu'ils pouvaient bien être? C'est alors que la marâtre raconta l'horrible histoire, la fontaine, le retard, l'agacement puis le maudissement. Alors le père sauta aussitôt sur son âne, et au triple galop dans la nuit noire, se rendit sur les lieux d'où se trouvait la fontaine. A la lueur de la lune, il aperçut une colline qui encore hier n'était pas là, et sur son dessus, 2 monticules rocheux qui semblaient cueillir des fraises des bois, l'un plus petit que l'autre plus grand (forcément).
Il comprit aussitôt que le sort jeté par la vilaine marâtre avait réellement fonctionné, et qu'il ne reverrait jamais plus ses pauvres enfants chéris. Pis c'est tout, l'histoire se termine là. On ne sait rien des probables paires de claques, on ne sait rien des vraisemblables coups de pieds au cul, on ne sait rien d'autre de plus que ce que je vous ai narré.
Bon, pis une fois que les monticules étaient là, quelques petits malins délurés se dirent que tant qu'à faire, autant profiter de ce terrain avantageux pour y construire un château, fort, tant qu'à faire aussi,
et ce qui fut dit, fut fait et je vous l'ai déjà même raconté puisqu'il s'agit du château de "Trosky". Mais en la période où le château appartenait aux Sieurs de "Bergov", il était aussi une fois 2 dames qui y habitaient aussi. Une vieille de confession hussite ("Markéta", la veuve de "Ota z Bergova" père), et sa petite-fille ("Barbora"), de confession romaine-catholique. Alors je vous informe de suite que selon les éditions et les auteurs, c'est parfois l'une qui est romaine-catholique et l'autre hussite, puis des fois c'est l'inverse (mais des fois non). Ceci dit ce n'est absolument pas crucial pour notre histoire, mais je vous le signale quand même afin que vous ne soyez pas surpris si jamais vous rencontriez cette éventualité.
Retour à la légende... L'écart d'âge, le conflit de génération, ajoutés aux dissensions religieuses, faisaient qu'elles ne pouvaient pas se supporter, mais alors pas du tout du tout, et elles ne faisaient rien d'autre que de se disputer les poux dans la tête. Ainsi, et pour être le plus loin possible l'une de l'autre, la vieille s'établit dans la tour ouest, la jeune dans la tour est. Et pourtant à chaque fois qu'elles se voyaient par la fenêtre, elles arrivaient encore à se quereller:La vieille:
"T'as vu à quelle heure t'es rentrée d'la discothèque cette nuit?"
La jeune: La vieille: La vieille: "T'as vu à quelle heure tu m'as réveillé ce matin en tondant la pelouse?"
"Mais t'as vu ta tronche, à boire et fumer comme tu le fais?"
La jeune: "T'as vu la tienne, à ne pas te raser les jambes ni les d'sous de bras?"
"Et tes nippes cradingues, on dirait la vieille pouffiasse qui tapine sous les remparts du château."
La jeune: La vieille: "Et les tiennes, tu les as vues les tiennes de nippes, on dirait mère Theresa à la mode de l'abbé Pierre, barbe comprise"
"Répugnante ordure..."
La jeune: "Vieille truie..."
Et ça braillait grave du château sur toute la plaine, et ça portait loin, du château dans tous les villages. Et ça braillait tellement fort et tellement de partout, que les gens commençaient à appeler les tours "Panna" (la pucelle), et "Bába" (la vieille).
Pis un jour, enfin une nuit, dans la discothèque, la jeune (pucelle selon les villageois, plus trop selon le patron de la discothèque)... donc une nuit, la jeune tomba amoureuse d'un beau légionnaire de la 8 ème compagnie du 4 ème bataillon de la 13 ème brigade de la 2 ème division de tire ailleurs, c'est né Galais. Ce fut le coup de foudre immédiat. Ils se jurèrent amour et fidélité réciproque, parlèrent de mariage, d'enfants, de maison à la campagne, de la coupe du monde de foot... enfin vous savez ce que c'est après plusieurs verres d'alcool en discothèque. Malheureusement, le sort (encore) en avait décidé autrement. Le soir même de leur rencontre, la 8 ème compagnie du 4 ème bataillon de la 13 ème brigade de la 2 ème division était mobilisée,
et immédiatement envoyée en renfort dans le nord Tonkin où les Esquimaux menaçaient les frontières depuis quelques siècles. Le beau légionnaire eut tout juste le temps d'envoyer un SMS à sa mie avant de quitter le pays, expliquant ce qui se passait, et qu'il lui écrirait une lettre de là-bas parce que son forfait mobile ne couvrait pas les pays d'Asie. Alors la pauvre petite vivait recluse dans sa tour, bouillonnante d'impatience de recevoir une lettre de son fiancé. Elle ne sortait plus en discothèque, elle ne braillait plus de sa tour sur la vieille, elle ne se rasait même plus les jambes, au point que les gens du château ne la reconnaissaient plus... (mais pas seulement à cause des jambes poilues, je veux dire dans son comportement en général, qu'ils ne la reconnaissaient plus).
Puis un jour arriva au château un cavalier. Dans une main, il avait l'étendard de la 8 ème compagnie du 4 ème bataillon de la 13 ème brigade de la 2 ème division de... et dans l'autre une missive. Au son du clairon annonçant son arrivée (du cavalier), le tendron dévala les escaliers en colimaçon, courut vers le messager puis soudainement fit demi-tour après s'être aperçue qu'elle était en pyjama, pas maquillée, pas coiffée... Alors elle remonta les escaliers dans la tour 4 à 4, fit une rapide toilette, se changea, et re-dévala les escaliers en colimaçon, courut vers le cavalier et lui arracha la missive des mains. Elle déchira de ses dents l'enveloppe cachetée, déplia fougueusement la lettre tout en crachant au sol le bout de papier coincé entre les dents,
puis remonta les escaliers dans la tour au triple galop ayant oublié ses lunettes dans sa chambre. Quelques secondes plus tard l'on entendit un cri, et l'on vit choir un corps du haut de la tour est. Ayant appris la mort au combat de l'amour de sa vie rencontré un soir en discothèque, la pauvre petite avait mis fin à ses jours. C'est triste non?
Pis sinon sur la pente de la falaise de l'escarpement dans la roche, il existe une fissure étrange. Une espèce de crevasse d'apparence naturelle, mais tellement singulière que d'aucuns prétendent qu'il s'agirait de l'entrée aux enfers.
Et quand bien même ce ne serait pas le cas, il est absolument sûr qu'il s'agirait d'une porte d'accès à des mondes parallèles comme ceux dont Igor et Grichka Bogdanoff nous parlaient si souvent lorsque j'étais petit. Tiens, il existe même un écrit qui prouve qu'en 1841, un jeune meunier (Tudors) s'en rentrait du moulin chez lui à la tombée de la nuit, et tandis qu'il marchait prudemment afin de ne pas révéler sa présence au loup, à l'ours et au blaireau sodomite des montagnes de Bohême qui rodent en cette contrée... donc tandis qu'il marchait prudemment, il tomba dans la crevasse, l'andouille maladroite. Et il tombait, tombait sans fin, et tout en tombant il put voir la forteresse de "Trosky" telle qu'elle était au XV ème siècle
(et qu'on pourrait voir également si ces fumiers de Suédois...) Il y avait des chevaliers, des soldats, des pitres, des mendiants (sont partout ceux-là), un marché avec des chiens, des oies, des chevaux, Léon Zitrone... bref, c'était vivant, gai, animé, et lui il tombait, toujours et sans fin. Et tandis qu'il tombait il arracha une pièce d'or des mains d'un quidam, et lorsqu'il finit de tomber, parce qu'il fallait bien que ça se finisse un jour, il se retrouva assis sur l'herbe, à côté de là où qu'il était tombé dans la crevasse avec sa pièce d'or dans la main, preuve irréfutable de son aventure puisqu'en 1841 l'on utilisait déjà la carte de crédit et plus les pièces d'or. Alors ça c'est comme les émissions des Bogdanoff, on a du mal à y croire tellement c'est incroyable.
Mais attention, parce que ce qui est vraiment vrai, c'est qu'à environ 500m au sud des ruines, se trouve l'entrée d'une grotte aujourd'hui volontairement fermée par une grille métallique. En entrant dedans la grotte, vous arrivez dans un couloir de quelques 5m de large jusqu'à 7m de haut, menant vers le nord-ouest. 13m plus loin, le couloir se rétrécit à seulement 50cm de large et débouche encore 20m plus loin dans une caverne d'où partent 3 autres couloirs. Le premier continue au nord-ouest dans le prolongement du couloir d'entrée mais se termine rapidement par les débris d'un éboulement. Le second prend vers la droite, au nord-est... attention à la marche... mais est également bouché par un éboulement.
Quand au troisième et dernier couloir, vers la gauche, au sud, il s'élargit et... et... et l'on y trouve de nombreuses signatures gravées dans la pierre, certaines célèbres ("Josef Jungmann", "Antonín Marek"...), mais beaucoup ont été endommagées par les imbéciles. Puis le couloir se resserre à nouveau et se termine bouché par du sable. Les quelques bienheureux qui eurent la chance de pénétrer dans cette caverne pensaient y découvrir un passage secret menant au château (comment les assiégés étaient-ils ravitaillés lors des sièges parfois très longs?), ou une rivière souterraine (à aujourd'hui les fouilles n'ont jamais trouvé la moindre trace d'un seul puits au château), ou un fabuleux trésor
(les rapines de "Kryštof Šof", ou les ornements de l'abbaye de "Opatov" pillée par "Ota z Bergova" et jamais retrouvés). Mais rien, personne ne trouva rien de tout ça, et aujourd'hui c'est fermé. Zut!
Alors je vous ai fait quelques photos du château, comme des environs, et croyez-moi ce n'était pas de la tarte parce que pour ceux qui ne le sauraient pas encore, je souffre du vertige, et lorsque mes pieds se retrouvent à plus 3m du sol, ma tête tourne, j'ai envie de vomir et de ch... de choir en même temps.
Mais pour vous chers lecteurs, je suis monté dans la tour, je vous ai fait des photos de la vue imprenable, et je suis redescendu au bras de ma chérie les jambes flagada de chancèlement.
La loge d'AdamNous repartîmes dans le paradis de Bohême, et traversâmes quelques villages, quelques cols, par des routes de montagnes sinueuses tracées parfois à travers la roche.
Nous nous perdîmes, mais suffisamment comme il faut pour revenir sur "Hrubá Skála" sans rencontrer le loup, l'ours ni le blaireau... Bon, ben si déjà on est là de nouveau, alors allons voir la vue que nous offre le surplomb de "Mariánská vyhlídka", et vu qu'on va passer à côté, on va se faire une halte dans la loge d'Adam.
Et donc à quelques 300m seulement du château de "Hrubá Skála", en direction de "Mariánská vyhlídka" (d'où vous avez une vue exceptionnelle sur la ville de rochers et sur le château) se trouve un endroit magique,
taillé dans la roche, et que l'on nomme "Adamovo lože" (la loge ou le canapé d'Adam). Il fut taillé vers la fin des années 1780 par un certain "Josef Chládek" qui arriva dans la ville de "Turnov" vers 1740, qui s'y établit et qui prit pour épouse "Kateřina Černovická", fille de tailleur-sculpteur de pierres, dont le second fils sera lui même sculpteur malgré que son père le destinait à la charcuterie, mais sous la pression de sa belle-mère... euh... retour au sujet. En cette époque, le fameux "František Adam z Valdštejna" n'était pas encore propriétaire du domaine de "Hrubá Skála", mais s'y rendait régulièrement pour jouer au p'tit train avec son frère "Josef Karel"
("z Valdštejna"). Apres sa puberté, ses combats contre les Turcs, et sa reconvalescence des oreillons attrapés sur le champ de bataille, c'est lui, "František Adam" qui aurait passé commande auprès du sculpteur "Josef Chládek" de l'autel de l'amour où l'on peut (on pouvait) apercevoir 2 corps nus (c.f. mes photos). Et juste en face, pour bien pouvoir contempler l'oeuvre, il fit également tailler un grand sofa-canapé entouré de 2 lions (c.f. mes photos). En pré-retraite, ce sacré bougre de "František Adam" avait pour habitude de baratiner les jouvencelles des environs, puis de les emmener dans cet endroit magique afin de les séduire.
Or bien que l'idée était ingénieuse, sa mise en oeuvre eut pour le pauvre lascar de lourdes conséquences. A la suite des nombreuses soirées (fraîches) passées assis, étendu puis couché, ses attributs à même la pierre, il en attrapa une cystite chronique aigüe et consacra le reste de sa vie à la botanique. Il fut ainsi le premier à décrire la Waldsteinia Geoides (qui porte son nom), petite plante de type fraisier grimpant découverte par hasard alors qu'il était à 4 pates dans les Carpates. Il finit par épouser tardivement "Karolina Žofie Ferdinandová" en 1822 mais n'en profita point puisqu'il s'éteignit l'année suivante. Le fameux site existe donc toujours, mais hélas dans un état effroyable.
D'ailleurs on ne reconnaît plus rien, ni les lions, ni le fabuleux sofa-canapé car chaque imbécile qui visitait ce lieu devait poser son gros cul dessus, et le grès ne résista pas. Mais si vous vous y rendez, alors la pancarte explicative montre une photo ancienne sur laquelle les divers objets sont dans un meilleur état, et l'on y distingue parfaitement tous les détails.
Le château de ValdštejnEt hop, on attaqua le château de "Valdštejn". Ah ben ça, je vous l'avais dit ma brave dame, que c'était velu-touffu en châteaux et en visites. Enfin moi j'ai pas regretté, maintenant remarquez bien que ce n'est pas moi qui me lis non plus :-) Alors le nom vient de "Waldstein" (la pierre ou le rocher de/dans la forêt), et l'édifice vient de la seconde moitié du XIII ème siècle. Comme les autres châteaux inaccessibles, il a été construit là pour ça, son inaccessibilité. L'architecture est particulière car on a astucieusement utilisé les dénivelés du terrain (3 sommets rocheux) afin de construire un premier bout de château sur le premier pic, accessible par un pont enjambant un profond fossé, sur le second pic un second bout du château à la même hauteur que le premier bout,
et le troisième bout fut construit nettement plus bas, sur le dernier pic, et comprenait un palais, une tour et un ascenseur pour compenser le dénivèlement. Mais ce n'est pas ça que vous verrez aujourd'hui, parce que l'apparence du castel a radicalement changé. Des 2 premiers bouts, il ne reste guère plus que des restes de fortification. Du dernier bout, il reste encore quelques caves, grottes, et/ou bliettes qui furent creusées à même la roche servant accessoirement de frigidaires médiévaux. Les scientifiques présument qu'en dehors de la tour et du palais, les autres baraquements étaient en bois. Pour étayer cette affirmation, ils se basent sur les orifices trouvés dans les murs d'origine ainsi que dans la roche et qui devaient fort probablement soutenir des piliers/poteaux de bois (ah?).
Et les orifices dans les toilettes, ils soutenaient quoi?
Bon, pis bien évidemment vous aurez également compris que le nom de la famille "Valdštejn" (Waldstein, Wallenstein...) provient également de là. A nouveau les scientifiques subodorent que le premier de la famille aurait été le Sieur "Jaroslav z Turnova" (1234-1269), dont on conserve toujours un sceau représentant une lionne et daté de 1281, par contre on ignore s'il eut fait construire, voire habité le château. Les scientifiques disent également que le premier propriétaire officiel aurait été l'un de ses fils, "Zdeněk z Valdštejna",
fait mentionné dans des écrits de 1304. D'un autre côté c'est pas trop possible, parce que de source encore plus scientifique (à moi), je sais que "Jaroslav z Turnova" a eu 4 fils tous prénommés "Havel" (véridique, en mémoire de son père, "Havel z Lemberka"), l'aîné "Havel Beran" (Havel Bélier), puis "Havel Houba" (Havel Champignon), "Havel Ryba" (Havel Poisson), et enfin "Havel z Lemberka" (Havel de Lemberk), comme son grand-père (pour changer) parce que les habitués de la taverne commençaient à clabauder qu'il ne manquait plus que du sel et du poivre pour faire un méchoui.
Je suis donc en mesure d'affirmer que "Zdeněk z Valdštejna" était le fils de "Jaroslav z Hruštice" alors que "Jaroslav z Turnova" était le fils de "Havel z Lemberka", d'où "Zdeněk z Valdštejna" était le cousin de "Jaroslav z Turnova", aucunement son fils. Et paf! Bon, mais pourquoi je vous dis tout ça (pour ceux qui suivent)? Eh bien parce que la propriété de ce château à travers les âges est totalement opaque et truffée d'erreurs historiques, z'allez voir. Retour aux " Valdštejn". En cette époque, la famille s'est séparée en plusieurs branches, et le château est resté aux mains de la branche
"lomnická (nad Popelkou)" jusque dans les années 1380, où l'on présume qu'il aurait été acheté par "Jan z Vartemberka na Ralsku" (vers 1383). Ce qui est sûr, c'est qu'en 1404, il était propriété de "Jindřich z Vartemberka" parce que c'est écrit dans le contrat d'assurance incendie (rappelez-vous qu'une grande partie du castel était fort probablement en bois). Puis arrivèrent les guerres hussites, et là le foin total est advenu en terme de propriété. Malgré que le "Jindřich" restait l'officiel possesseur du castel, on retrouve des noms comme "Jan Rozvoda", ou "Rameš z Hrádku" sur les factures d'électricité de 1423.
On ignore comment c'est arrivé. Certains prétendent que ces brigands là auraient pris le domaine de force, ce qui semble tout à fait probable compte tenu du fait qu'en 1424 le fameux "Jan Žižka" occupa la ville de "Turnov" afin d'en finir avec l'abbaye et ses dominicains dont l'influence néfaste polluait la vie des habitants, et que cet oiseau n'avait pas spécialement plus d'affinité envers la noblesse qu'envers la religion. Aurait-il favorisé la rapine et l'expropriation? C'est d'autant plus probable qu'en 1437 les factures d'électricité passèrent au nom du "hejtman" hussite "Jan Čapek ze Sán". Mais à nouveau il y a ambiguïté historique.
On sait que ce bougre là perdit la bataille près de "Lipan" ("Bitva u Lipan") en 1434, et qu'ensuite il quitta définitivement la Bohême pour se mettre à l'abri et au chaud au service du roi de Pologne (ivrogne). Alors comment aurait-il pu payer les factures d'électricité du château de "Valdštejn" 3 ans plus tard? Mystère. Décidemment les évènements historiques sont parfois tordus-bossus. Pour rajouter à la confusion, l'on sait que le brigand "Kryštof Šof z Helfenburka" vécut au château (vous vous souvenez, il avait mis le siège à l'autre château, en 1438, "Trosky") et qu'en 1449 il céda la place à une autre fripouille sans foi ni loi, le brigand "hejtman" hussite "Jan Kolda ze Žampachu".
Et tout ce foin douteux, de propriétaires, d'habitants, de factures et de hussite qui pue le blanchiment d'argent sale va durer jusqu'en 1514, lorsque le château sera racheté par "Zikmund Smiřický ze Smiřic" (1468 -1548, attention, je parle du 11 ème enfant de "Jindřich Reichsfreiherr" et pas du fils de son fils, l'autre Zikmund, 1557 - 1608). Puis comme la plupart des autres châteaux, celui-là aussi brulera en milieu du XVI ème siècle. Et comme les bouts 1 et 2 étaient en bois, il ne restera que le bout 3, le palais et la tour qui eux étaient en pierre. Sur une carte postale de 1582, on peut voir "Valdštejn" en ruine, et il le restera jusqu'à la bataille de la montagne blanche lorsqu'ironie du sort,
cette infâme gouape de Ferdinand II le rendra à la famille originelle, et plus spécifiquement à cette fripouille de "Albrecht z Valdštejna". Inutile de vous dire qu'un tel cadeau impérial plein de ruines, après le poisseux castel de "Hrubá Skála", faisait le bonheur des "Valdštejn" qui remercièrent largement son altesse pour sa générosité en lui faisant acheminer par UPS (le cavalier montait sur son canasson, montrait la direction de l'index et prononçais ) une bonbonnière "Mon Chéri" de 280gr, accompagnée d'un beau dessin pastel du petit dernier de la famille intitulé "mein Kaiser ist groß, mein Kaiser ist gut, ich liebe mein Kaiser".
C'est ainsi que les ruines inhabitées devinrent fin XVII ème siècle, la résidence providentielle d'un mystique SDF en la personne de l'organiste de l'église St Pierre et Paul de "Vyšehrad", le jésuite "Václav Karel Holan Rovenský", auteur des quantiques baroques Capella regia musicalis, et introducteur de la cornemuse hydraulique à six cordes dans la musique religieuse (d'aucuns prétendent que c'est suite à cette initiative qu'il aurait perdu son job à Prague). Mais sa solitude ne resta pas définitive car de nombreux fans, admirateurs, mystiques, pèlerins et apprentis cornemusistes le rejoignirent.
Devant l'afflux de furieux, les astucieux propriétaires firent construire un pont en pierre afin d'accéder aisément au château, puis vendaient dans la cour glaces, chichis, barbapapas et cacahuètes grillées. La propriété prit de la valeur, et comme le château de "Hrubá Skála" dont je vous ai parlé précédemment, elle fut vendue en 1821 à "Jan Lexa z Aehrenthalu". Le domaine fut ensuite restauré en style romantique entre 1824 et 1843 (et c'est toujours son apparence actuelle), l'église St Jean de Népomucène (de 1722) retapée en 1836, fin du XIX ème siècle fut construite la partie pseudo-gothique, sans oublier le magasin à babioles-verroteries derrière le portail, sur la droite, et les toilettes pour touristes dans la cour, plus loin.
En 1969 eurent lieu dans le pavillon de chasse des fouilles archéologiques d'une importance capitale car elles permirent d'établir sans le moindre doute que ce dernier (le pavillon de chasse) servait de restaurant-buvette entre les années 1841 à 1985. Et ça voyez-vous, c'est capital pour l'histoire, pour le souvenir, et pour l'évolution future de l'espèce humaine.
Pis encore quelques trucs qui méritent d'être signalés. Les statues sur le pont proviennent sans le moindre doute de la fameuse entreprise des frères "Jelínek z Kosmonos" ("Martin Ignác", vers 1728-1810 et "Josef Jiří", 1697-1776).
Ils étaient le summum de la sculpture baroque et leurs splendides oeuvres pullulent dans les églises, monastères, et palais de la région de "Mladá Boleslav" (d'où ils proviennent, "Kosmonosy", juste à côté) ainsi que dans toute la Bohême centrale. Sur le pont cependant vous ne verrez que des copies, parce que les originaux ont été mis à l'abri du temps, de la pollution et des imbéciles dans l'église St Jean de Népomucène. Celle-ci est généralement ouverte, alors allez-y, et admirez le talent des gaillards de l'époque. Ensuite il y a le fameux portrait de St Jean-Baptiste dans la petite chapelle (c.f. mes photos). La rumeur locale raconte qu'il s'agirait de l'unique portrait du célèbre poète romantique "Karel Hynek Mácha" (mort à 26 ans 1810-1836).
Hum... rien n'est moins sûr, parce que si l'on se fie à la statue du même bougre qui se trouve sur le chemin montant vers "Petřín" (ou descendant, parce que la montée est abrupte) et que l'on doit au génial "Josef Václav Myslbek", alors on doit admettre que la différence entre les 2 est incontestable. Ceci dit la peinture serait de son vivant, la statue, elle, est de 1911 (libre interprétation?). D'un autre côté, si vous prenez des portraits (ou même des statues) d'un autre poète romantique, Jésus, vous lui enlevez les bras en croix, la couronne d'épines, la barbe, le slip kangourou trop grand et les trous sanguinolents de partout, je vous fiche ma paye d'un an qu'il n'y en a pas 2 semblables. Et même mieux, sorti du contexte de la crucifixion, je vous parie que même le pape ne le reconnaitrait pas, genre s'il était vêtu d'un blouson en cuir, lunettes fumées, assis sur une mobylette à la James Dean.
Enfin bon, peu importe, mais si jamais on vous en parle lors de la visite du château, du "Karel Hynek Mácha" à la sauce de St Jean-Baptiste, alors vous pourrez faire remarquer au guide la différence de physionomie avec sa statue à Prague, prendre Jésus en (mauvais) exemple, puis lancer une âpre polémique qui agacera certainement le reste de l'assistance, mais vous fera assurément passer pour un intellectuel, historien et rudit des plus respectés :-)
DětenicePis il commençait doucettement à se faire temps de rentrer sur Prague, alors l'on prit la voiture, et roulâmes en direction de l'autoroute qui nous ramènerait vers la capitale. Pis une fois sur l'autoroute, ma chérie d'amour me fit remarquer qu'il y avait encore dans les environs, une brasserie locale et une taverne originale, genre moyenâgeuse, avec des serveurs déguisés en gueux qui parlent vulgaire.
Bon, ben on va essayer, hein, ça me semble bien pour terminer. On commença par se perdre, parce que pendant qu'elle m'en parlait, elle ne suivait pas les panneaux indicateurs et nous loupâmes la sortie. Nous fîmes donc demi-tour, quelques kilomètres en plus, et arrivâmes finalement dans un trou fort de moins de 700 âmes, nommé , et dont la principale source de revenu comme d'intérêt est le château-brasserie et l'auberge médiévale. Alors concernant la bière, vouais, bôf, elle se laisse boire, mais bon, elle ne me manque pas. Par contre l'auberge médiévale, alors celle-là mérite la visite. C'est énorme, c'est vaste, c'est sombre, uniquement éclairé à la bougie médiévale, et c'est vraiment top moumoune. Les serveurs sont réellement habillés de haillons médiévaux... enfin presque, parce que pour être franc, je ne sais même pas à quoi ça ressemble vu que je n'ai jamais feuilleté un catalogue de la Redoute quatorze-cents et quelques. Par contre les filles, houlà là, c'est pas vraiment moyen-âge (enfin pas comme j'imagine que cela pourrait être) mais ça vaut fichtrement la peine, crénom di diou. Les serveuses sont vêtues de robes façon Oktoberfest avec balconnets énormes débordants de rondes poitrines opulentes. C'est énorme vous dis-je! Tiens, je vous ai même trouvé la photo d'une splendide serveuse de la taverne. ENORME! Le seul truc avec la lumière moyenâgeuse, c'est que pour les photos c'est pas top. Pis rajoutez à cela une chérie d'amour sur le banc d'en face, et vous comprendrez que prendre des photos d'énormes poitrines opulentes dans ces conditions n'est pas aisé.
Bon, mais je vous en ai faites quelques-unes quand même, pas de poitrines opulentes, mais des salles. C'est vraiment bien fait, genre fourbi moyenâgeux de partout, poils de sangliers et peaux de bêtes aux murs, paille au sol pour cracher, vomir, et pisser sous la table, vraiment chaleureux. Même les aisances sont dans la même veine moyenâgeuse, vraiment trop top. Pis pour faire encore plus vrai, les serveurs comme les serveuses parlent vulgaire (pas grossier). C'est surprenant au début, pis faut parler le Tchèque pour en profiter, mais c'est vraiment dans le contexte qui va bien, taverne pourave et langage itou. Donc si jamais vous passez dans les environs du paradis de Bohême, n'oubliez pas d'inviter cette auberge.
Je me suis enfilé quelques bières, abondamment rincé l'oeil, pis le second aussi tant qu'à faire, puis nous prîmes la route vers la maison, ma chérie au volant, après avoir passé un formidable week-end. Le paradis de Bohême mérite une visite sans le moindre doute, et croyez-moi que pour qu'un chlorophobe citadin comme moi vous dise ça... Enfin j'y retournerai sûr et certain, parce qu'on y boit bien, on y mange bien, on y dort bien (pas comme à "Blatná"), et on y est vraiment bien.