Et ce n'était qu'un début...
Donc on y a été, un splendide dimanche où le soleil radieux avait quand même pas mal de mal à réchauffer l'atmosphère, comme moi-même par la même. Ca commençait bien. On s'était filé rendez-vous à 11h pétante devant la station de métro, et à 10:55, Bassam me passait un coup de fil pour me demander si le plan était toujours d'actualité, parce que Lucia lui avait envoyé la veille un SMS disant la même chose que moi 2 jours auparavant!? Ne cherchez pas, ce gaillard là aime bien verrouiller, être sûr et conforté par la concordance de sources d'information différentes. Du coup, il était fort à parier qu'il serait en retard, ce qu'il fut, et comme d'habitude d'ailleurs ne manqua pas de faire remarquer Lucia, dont l'agacement justifié était manifeste. Lorsqu'il arriva avec sa délicieuse petite Salma (5 ans), il commença par nous distribuer des Twix pour se faire pardonner son retard. Pas de bol, je ne mange pas de sucré (ben té, Bassam ne mange pas de porc, et alors?). Mais Lucia si, elle mange du porc comme du sucré, au point qu'elle en oublia ses résolutions de la nouvelle année, ses kilomètres de spinning pour maigrir de la cuisse et ses litres de laxatifs pour maigrir de la fesse (véridique). Puis les salamalecs terminés, nous partîmes enfin en direction du château. Enfin, parce que j'avais bien pris soin de spécifier qu'on irait au château tôt (11h), parce qu'à 15h pilepoil, j'avais rendez-vous avec des potes Français pour voir la France battre l'Angleterre dans le tournoi des VI nations. Par la suite, j'appris que le match était en fait à 16h (15h GMT, peuvent jamais faire comme le reste de l'Europe ces corniauds d'Anglais avec leurs heures en miles roulant à gauche), et si j'avais pu connaître le résultat à l'avance, je ne me serais sans doute pas autant dépêché non plus. Pis comme la journée avait bien commencé, elle devait logiquement se poursuivre dans l'allégresse et la quiétude seyantes à un bel après-midi dominical. Lucia avait annoncé que les seules choses qui l'intéressaient étaient les joyaux de la couronne, et la cathédrale. Ben pas de bol, les
De quand ça continue comme ça avait commencé...
En chemin, on s'arrêta pour prendre les tickets d'entrée. Alors le grand tour, ce sont les édifices... le petit tour, ce sont les bâtiments... le grand coûte... et le petit... Ah bon? Et on n'peut pas prendre les tickets individuellement, juste ce qui nous intéresse? Ah? On n'peut pas, c'est le petit tour, le grand tour, ou le simplement rien du tout? Bon, et les réductions familles? Oui, je sais Lucia que tu as ta cartes d'étudiante, d'ailleurs tu te comportes comme... Oui madame, il y a des gens derrière mais vous voyez bien que je leur traduis puisque vous n'êtes pas foutue de parler Anglais vous-même... Alors le grand tour, le petit, famille, étudiant, qu'est-ce qu'on prend? Oui madame on se dépêche, mais nous aussi on a attendu... qu'en penses-tu Lucia? Vouis ok... la cathédrale? Non, c'est pas dedans parce que c'est les curés qui administrent, faut prendre à part. Oui Bassam, la galerie nationale c'est dans le grand tour, pas dans le petit. Ah bon Lucia, trop cher? Ben oui, mais si tu ne veux pas voir la ruelle d'or... non, on ne peut pas changer la visite de X par Y... Salma? Vanille et chocolat... oui, plus tard la glace ma chérie... Aaahhh... puis merde tiens, alors un petit tour, ticket famille pour nous 4. Quoi seulement 2 adultes? Bon alors un ticket famille, et une étudiante (chiante). Comment ça une famille c'est un monsieur et une dame? Mais qu'est-ce que c'est que ces conneries archaïques? Bassam et moi-même sommes pédés comme un troupeau de phoques grecs à San Francisco, et nous avons adopté la petite chérie orpheline comme un bon couple normal bien comme il faut. Alors on va prendre un ticket famille sinon c'est la plainte circonstanciée devant la commission européenne de justice internationale du droit de l'homme et de l'homosexuel grec de Strasbourg. Et l'Américaine pénible, là, c'est un ticket étudiant parce qu'elle a son ISIC card (International Student Identity Card) malgré qu'elle gagne depuis 5 ans suffisamment de pognon pour se faire siliconer les balloches chaque semaine dans une clinique privée de Beverly Hills. Ah et aussi une vignette
Bon, ben la suite alors...
Pis comme la relève de la garde n'éveillait chez Bassam pas plus d'intérêt qu'un sandwich au jambon auprès du grand mufti de Jérusalem, l'on décida de passer au vieux palais royal. Alors le vieux palais royal, c'est une espèce de patchwork sur lequel chaque résident (généralement prince, roi, empereur) ainsi que chaque siècle a laissé son empreinte. Aussi vous trouverez un peu de tout dans le genre style architectural. En fait chaque bâtisseur composait avec les restes précédents, pour donner ce mélange pourtant harmonieux que vous pouvez admirer aujourd'hui. Malheureusement, les parties les plus anciennes, et donc pour moi les plus intéressantes, ne se visitent pas (ou pas quand moi j'y vais), aussi je n'ai pas de photo à vous montrer. De toute façon sans flash et sans trépied... sérieusement, je me demande pourquoi ils n'interdisent pas de photographier tout simplement? Pour le pognon, eh andouille, voila pourquoi, pour le pognon! Ah bon?
Les étapes de la construction
Afin de vous donner une vue d'ensemble, je vais succinctement vous parler des diverses périodes, et l'on rentrera dans les détails par la suite, une fois que j'aurai posé les fondations de mon exposé. Le sous-sol est roman, et date en gros du XII ème siècle. Sa construction remonte aux rois "Vladislav 1er" (? - 1125) puis "Soběslav 1er" (vers 1090 - 1140, frère du précédant) qui remplacèrent les originelles cahutes en bois et crotte séchée, par de la bonne construction en pierre, bien ignifuge aux feux et résistante aux invasions de nos voisins barbares (Germains, Goths, Saxons, Prussiens...). Ce palais servit de palais roman jusqu'à l'époque du bon roi "Přemysl Otakara II" (1253 - 1278) qui le transforma en palais gothique. Mais là, vous n'en verrez rien, parce que l'incendie de 1303 brûla tout, jusqu'au dernier clou. Les rois suivants étaient faignants, et ne voulaient pas tout reconstruire. Jean de Luxembourg n'en avait rien à fiche (et même plus), et il fallut donc attendre le bon roi Charles IV (1316 - 1378) qui se décida à faire du castel sa résidence principale, et le nombril central (ventral) de son empire pour le plus grand bonheur des touristes contemporains. Bien qu'il mit du coeur à l'ouvrage et de l'huile dans le coude, pour des raisons principalement financières, la reconstruction se poursuivit jusqu'après sa mort, sous son fils (si on peut dire ainsi) "Vaclav IV" (1361 - 1419) qui passait d'ailleurs le plus clair de son temps au lieu dit de "la cour royale" (aujourd'hui à l'emplacement de la maison municipale) pour ne pas souffrir du bruit des marteaux piqueurs. Puis il y eut les guerres hussites, les problèmes de succession, "Jiří z Poděbrad" perdit même les clés du pont-levis empêchant les services d'électricité de Bohême de venir poser le compteur, et en gros, rien ne se passa sur notre édifice pendant une paire d'années. Puis un jour, est arrivé le Vladislav II Jagellon (1456 - 1516). Celui-là est tombé sur le trône de Bohême comme une fiente de pigeon sur l'épaule du marquis, par, ce qu'on appelle le hasard des aléas. Et bien que son passage à la tête du pays ne laissa pas spécialement de traces dans l'histoire, son apport au palais royale fut inversement proportionnel. Sous son règne, le palais royal prit une fière allure gothico-renaissance, au point qu'il laissa son nom sur les 2/3 de la surface de l'édifice. En 1541 il y eut le fameux incendie du château, qui mit à terre la chapelle de tous les saints et l'aile de l'ancien parlement. Mais ces 2 morceaux furent reconstruits par la suite en style renaissance, et en dehors de quelques re-décorations, re-peintures, et réaménagements, le bâtiment conserva son apparence d'aujourd'hui.
Vladislav II Jagellon
Pis tiens, j'ouvre une parenthèse sur la scène politique de l'époque du Vladislav. En fait en 1465, le bon roi "Jiří z Poděbrad" dut faire face à un sérieux mécontentement de la noblesse catholique, non seulement à cause de l'histoire des clés du pont-levis, mais surtout à cause de la tolérance royale envers les utraquistes, qui régnait depuis la fin des guerres hussites. Ainsi la noblesse catholique, soutenue par le pape (fumier) et d'autres bondieusards des frontières alentours qui bavaient grassement sur les richesses de la Bohême, donc la noblesse catholique prit les armes contre son souverain voulant imposer à sa place un bon roi bien catholique, en le Polonais "Kazimír IV" par exemple. Mais bien que Polonais et catholique, Casimir avait depuis longtemps flairé le guêpier nauséabond dans lequel ces bougres de cul-bénits voulaient l'embarquer, et il refusa le job.
- "Ah ben flûte alors, et on fait quoi maintenant?"
- "Tiens, attends-voir, on va demander au pape, même s'il n'a pas d'idée (ni de pétrole), il a du pouvoir, du pognon et des connaissances."
Et comme d'habitude en cette époque, le pape trouva LA solution hautement diplomatique au règlement de la délicate situation sous les traits d'une bonne croisade purificatrice contre les hérétiques infidèles (je me demande si W n'a pas lu du pape).
- "Ah oui, tiens, c'est pas con ça, une croisade, j'y avais pas pensé. Mais à qui on va confier le boulot?"
- "Attends, j'ai un bon p'tit gars sous le coude, il a de l'expérience contre les Turcs, il a bonne réputation et il est disponible. Tu vas voir, il va nous torcher l'affaire en 2 coups de cuillère en peau, que ça être du vite vu."
En 1466 "Matyáš Korvín", roi de Hongrie, reçoit donc sa lettre de mobilisation, et commence le boulot pour lequel il fut engagé. Mais pas de bol pour lui, parce que la Bohème n'en était pas à sa première croisade dépêchée par le pape (fumier) et savait parfaitement comment repousser l'emmerdeur belliqueux qui venait lui chercher des noises dans la tête. Et ce fut fort de café. En 1469, "Matyáš" prit une telle dérouillée qu'il fut fait prisonnier à la bataille de "u Vilémova", mais il pleura tellement fort, regretta tant, et implora le pardon que "Jiří z Poděbrad" le renvoya chez sa maman après lui avoir grassement fessé le séant nu de ses propres mains, et sous la promesse de quitter à jamais le pays pour ne plus y revenir (même en vacances). Sauf que "Matyáš Korvín" n'était pas seulement lâche, mais il n'avait de surcroît aucune parole, et lorsque les actionnaires lui demandèrent d'expliquer son échec dans l'atteinte des objectifs fixés, il expliqua que oui... que c'était parce que... et puis aussi à cause de... bref, vous savez comment ça marche au boulot... il conserva son poste, entourloupant les imbéciles catholiques de Bohême qui lui renouvelèrent leur confiance à la tête du conseil d'administration. Entre temps le pauvre "Jiří" n'en pouvait plus, il était à bout de force, fatigué des querelles, des batailles, enfin de toute cette nuisible chienlit politique. Il savait qu'il ne pourrait se maintenir longtemps à la tête du royaume, abandonné par la noblesse catholique ("Rožmberk", "Švamberk"...) et certains Etats (Silésie, Lusace, une grande partie de la Moravie). Aussi perdu pour perdu, il n'allait tout de même pas abandonner le pays à cet incompétent peigne-cul parjure et sans honneur de "Matyáš Korvín". Il retourna donc voir le "Kazimír IV" (de Pologne, ça se voit rien qu'à sa trogne), lui demandant s'il avait une petite heure pour aller se jeter quelques bières derrière la cravate, puis il lui expliqua qu'il ("Jiří") aurait besoin d'un service, qu'il ("Jiří" toujours) ne lui en restait plus pour bien longtemps, et que pour son propre bien (au Casimir cette fois), récupérer gratuitement une Bohême en paix et acquise à sa (au Casimir) cause ne serait pas du luxe avec les Saxons, les Prussiens, les Teutons, les Tatares et les indépendantistes lituaniens aux portes de sa (du Casimir) Pologne. Et finalement, après quelques bières, les 2 bougres arrivèrent à un compromis. Casimir ne voulait toujours pas prendre les brides de la Bohême, mais après tout, hein, si elle s'offrait comme ça, alors pourquoi ne pas y mettre à la tête un des nombreux moutards que la bonne pondeuse Elisabeth lui avait mis bas. Et c'est ainsi que l'ainé de la nombreuse portée jagellonienne se retrouva sur le trône de Bohême, par un concours de circonstances fortuit, par hasard, en 1471, après la mort subite de "Jiří z Poděbrad". Le choix du roi défunt fut approuvé par la diète, l'empereur Friedrich III finit par accepter aussi, mais cet âne bâté de "Matyáš Korvín", soutenu par l'intégriste ensoutané d'à Rome, continuèrent longtemps après à échauffer mesquinement la bile du pays. Cependant c'est une autre histoire, alors fin de parenthèse.
Quelques détails sur le pas laid
Donc dans le sous-sol, au niveau de ce que les experts en sous-sol appellent le second sous-sol, se trouve le palais roman dit de "Soběslav 1er" (vers 1090 - 1140) construit dans les années 30 du XII ème siècle. L'on peut y voir (quand on peut visiter) l'arche du portail d'entrée par la tour sud, qui à l'époque faisait partie intégrante des fortifications. Et justement, l'on peut aussi y voir quelques restes de ces fortifications. Pis du coup je ne vous en dirai pas beaucoup plus, mais si vous voulez quand même voir des restes de plus près, alors passez dans le jardin "Na Valech", celui qui se trouve au pied du castel, juste en dessous de, en sortant par la cour centrale et comme en prenant les escaliers ("Zámecké schody") mais sans les prendre, et longez les murs du château sur la gauche, puis au milieu vous arriverez dans une espèce de cul-de-sac (il me semble qu'il y a des toilettes de la fin du XX ème siècle) et là, vous en aurez tout plein de restes de fortifications, et de vestiges romans visibles de l'extérieur.
Au niveau du premier sous-sol, au dessus du second, se trouve la partie gothique. Celle-ci est accessible dans le cadre d'expositions, comme par exemple en ce moment "Příběh Pražského hradu" (Histoire du château de Prague, fortement recommandée) qui a lieu sous le haut patronage de sa majesté le Président de la République de Toutes les Bohême, son Altesse Sérénissime et Souverain Eurosceptique "Václav Klaus". Par contre là, il est strictement interdit de photographier, même avec le photo-pass de LeeLoo-Korben Dallas (les cinéphiles comprendront). L'on peut y voir des arcades (comprenez des galeries) de l'époque de Charles IV, bouchées par son fils "Václav IV" (on ne sait pourquoi, mais c'était un ivrogne, ça explique en partie) et qui furent redécouvertes dans les années 30 du siècle précédent. Dans ce premier sous-sol s'y trouve également une petite pièce dans laquelle on entreposait les archives du cadastre ainsi que les arrêtés de la cour de justice, et cette salle serait apparemment pourvue d'une splendide voûte. Les documents quant à eux, ont entièrement brûlé dans l'incendie de 1541. Puis il y a d'autres pièces et d'autres salles, certaines servaient à l'habitation, d'autres non (mais certaines si), et surtout, il y a la salle de Charles (IV) dont les imposants piliers soutiennent la fantastique salle de Vladislav (c.f. plus loin). Fin, pour la partie qu'on ne peut pas voir (ou alors difficilement), mais surtout, qu'on ne peut pas photographier.
En arrivant dans le vieux palais, vous commencerez par visiter la salle des souvenirs. Ah ben faut bien qu'ils vivent aussi ces gens là. Pis vu que vos photos seront forcément floues ou/et sous-exposées, l'administration du château de Prague vous invite vivement à acheter les calendriers, cartes postales et livres d'images où les photos sont prises par des professionnels dans des conditions optimales. Bon, alors la boutique de souvenirs servait auparavant de chambre à coucher au Vladislav, mais par trop bruyante les jours de nouba de par sa proximité avec la salle des fêtes (la salle Vladislav), la couche de Monseigneur sera déplacée dans de nouvelles résidences, plus à l'ouest. Du coup la pièce devint hall d'entrée pour y remiser sa chaise à porteurs, et plus tard encore devint le siège des tribunaux ordinaires (d'instance), puis à partir de 1512 du tribunal aulique et du tribunal de la chambre (genre grande instance et cassation pour simplifier, mais plus proche du "Reichskammergericht", tribunal de la chambre impériale en Germanie). Alors remarquez les armoiries des magistrats du tribunal de la chambre (XVIII ème siècle), ainsi qu'au plafond, la fresque baroque déplacée ici de la maison du plus haut burgrave en 1963 (ah bon? Et pourquoi?) représentant St Matthieu, patron des percepteurs des impôts, exigeant auprès des pauvres de Capharnaüm la majoration de 10% sur retard de paiement du premier tiers. Et tiens, d'un point de vu général, levez systématiquement les yeux au plafond, parce que partout dans ce vieux palais, vous y verrez des voûtes d'une absolue splendeur et d'une complexité géométrique stupéfiante. Ensuite n'oubliez pas de mettre un oeil sur la petite pièce du fond, en haut des 4 (ou 5) petits escaliers. Dans cette minuscule salle d'audience se trouvent une splendide voûte asymétrique (regardez les appuis, les retombées de nervures) en style gothique tardif (flamboyant), où sur ses clefs (de voûte) se trouvent les armoiries des Etats (Etats au sens noble, des régions d'un point de vu géographico-réaliste), tandis que sur les murs sont peints les emblèmes des intendants du royaume du XVI ème siècle. Notez les peintures d'entre les voûtes près de la fenêtre. Pis une fois que vous aurez fait le tour de ces 2 salles, qui, soit-dit en passant sont gratos, parce que les tickets, on ne nous les a demandés qu'ensuite, donc après ces 2 salles, vous arrivez dans la fantastique salle dite de Vladislav ("Vladislavský sál").
Ce qui frappe en premier, c'est la taille immense de l'endroit (62 x 16 x 13 m), la plus grande salle de toute l'Europe centrale lors de sa construction, entre 1490 et 1500, pouvant accueillir jusqu'à 2000 personnes. Et tiens, question. En considérant raisonnable de compter une toilette pour 100 personnes (et déjà ça me semble peu), il faudrait donc compter 20 aisances lorsque la sauterie bat son plein. Or je n'ai pas vu, ni entendu parler d'une telle pièce qui, compte tenu de son envergure, ne devrait pas passer inaperçue. Ah moins qu'ils utilisaient des toilettes mobiles, comme à l'Oktoberfest? Ensuite, vous ne pourrez pas louper les échafaudages qui plombent gravement la vue du fond (comme les photos), et surtout qui empêchent d'accéder à la chapelle de tous les saints. Super, fallait que ça tombe sur moi, décidemment, entre les photos floues, les travaux, les "on ne peut pas y aller" et les "on ne photographie pas du tout", je me suis senti gâté comme un Jésus à sa naissance... Ceci dit, pour les curieux, la chapelle est ouverte tous les samedis dès 16h à l'occasion de l'office, alors si vous voulez vraiment voir dedans... après tout, la chapelle de tous les saints vaut bien une messe (mais n'allez pas à la messe sans foi :-) Lorsque vous levez les yeux, vous ne pouvez pas louper le plafond. Ce seraient des voûtes en réseau (ou en étoiles à 6 branches) en gothique tardif, mais on reconnaît une base en ogive quadripartite consolidée par des nervures brisées. Notez les larges fenêtres d'une hauteur de 5 m et de style renaissance, un des premiers exemples de ce style en Bohême. Parmi les 5 lustres, il y en a 3 en étain (et 2 en allume :-) d'origine, du XVI ème siècle. Je vous laisse deviner lesquels. Pis une fois que vous aurez regardé en haut, à gauche et à droite, il vous restera à regarder en bas. Sous vos pieds se trouve un parquet en bois presque brut, qui date, selon les experts en parquet presque brut, de 1791 (octobre). Alors à l'époque, dans cette salle se déroulaient des bals, des audiences, des tribunaux, des couronnements, des bazars orientaux comme des marchés aux puces, des tournois à cheval (véridique), des tournois des VI nations, des tests balistiques de 75 mm de campagne, des concours de saut en parachute, et même récemment, la NASA voulut y faire atterrir sa navette spéciale pour cause de mauvais temps sur Cap-Cacamerdal, mais dut renoncer à son projet pour cause d'incompatibilité avec la norme européenne EN 78 920 de la version bluetooth des puces électroniques américaines déclenchant l'éjection des bretelles de sécurité du scaphandre amphibie en cas de surpression sur la goupille antidérapante de la porte d'accès à la poche kangourou du slip thermolactyl de rechange. Sir, yes Sir! Ca fout les boules, sans dec.
Puis une fois que vous aurez fait le tour de cette grande salle, vous pourrez passer à la suite qui se trouve sur la droite de là que vous êtes entrés dans la salle Vladislav. Il s'agit de la partie dite "Ludvíkova křídla" (l'aile Louis, ou la cuisse Funès). Cette partie fut construite au tout début du XVI ème siècle (vers 1505 - 1520) sur les remparts même du château, sous l'impulsion de Vladislav, puis de son fils "Ludvík Jagellonský" (1506 - 1526)
La première salle entièrement renaissance était la pièce du conseil de la cour impériale. Le mobilier, ainsi que le poêle en faïence datent du XVI ème siècle. Aujourd'hui vous y verrez toute une galerie de portraits de Habsbourg ayant régnés sur le royaume Tchèque. Et là, je ne peux pas m'empêcher d'ouvrir une parenthèse sur cette famille, dont 15 générations de croisements consanguins ont déformodelé leurs figures (c'est ce qui est manifeste sur les tableaux, pour le reste...). En regardant ces peintures, vous ne pouvez pas ignorer leur lèvre inférieure disgracieusement proéminente (lippe = terminus technicus), vous ne pouvez pas louper leur nez saillant, leur protrusion mandibulaire, cette fameuse prognathie inferieure où le maxillaire inferieur projeté en avant donne à la physionomie habsbourgeoise un aspect de bulldog. Cette anomalie s'accompagnait souvent d'un allongement de la face et d'un rétrécissement de toutes les cavités du massif facial. Rajoutons à cela de grands yeux cernés à fleur de tête, un air mélancolique et blafard caractéristique d'un myxoedème congénital, bref... sans prétendre qu'ils étaient débiles, il faut tout de même admettre que leur dysmorphisme facial ne pouvait qu'avoir pour conséquence les handicaps que l'on connaît aujourd'hui. Citons en vrac les troubles de la mimique faciale (bouche ouverte, menton pendant), troubles de la ventilation aérienne et de la respiration buccale (ronflement diurne), troubles de la déglutition (mastication sonore), troubles de la phonation, élocution altérée des labiodentales (F, V) de par la déformation des maxillaires antérieures, interférence au cours de l'émission des consonnes fricatives continues (J, CH, S, Z) et des apico-dentales (L, T, D), sigmatisme interdental (zozotement, cheveu sur la langue) et sigmatisme latéral (chuintement, l'air passe sur les côtés) des consonnes constrictives (V, J, G)... Bref, les portraits et les sculptures de cette famille furent étudiés par des générations de généticiens, d'orthodontistes et plus globalement par tous ceux qui s'intéressaient (et s'intéressent encore) au facteur causal des malocclusions et dysmorphies mandibulaires. Fin de parenthèse (et je vous assure que je n'ai rien de personnel envers les Habsbourg).
Pis ensuite, si vous allez dans le fond de la salle Vladislav, premier escalier à gauche, en montant, vous arriverez dans la salle dite des armoiries (ou blasons) territoriales. Vous ne pouvez pas les louper, elles sont partout, sur les murs, sur les plafonds, partout partout. C'est splendide, c'est trop sombre, et c'est très gardé par un imbécile dont la fonction principale consiste à répéter en rond et dans un anglais approximatif, "no photo, you have licence? No photo". Alors du coup je lui ai montré la mienne, de licence, et il est reparti aussi sec vers le troupeau d'asiatiques qui venait d'entrer bruyamment dans la salle le Nikon à la main. Bon, on ne peut pas lui reprocher son métier non plus, après tout il exécute industriellement l'abrutissant labeur pour lequel il est misérablement payé par l'exploiteur capitaliste à la solde de l'impérialisme américain. Ben tiens! N'empêche que s'il avait bien mangé sa soupe étant petit, il aurait pu avoir un métier fichtrement plus intéressant, comme conducteur de tram, ou vendeur de journaux gratuits... Alors les photos sont floues, ben oui, parce qu'à nouveau, sans flash et sans trépied... enfin ça vous donne quand même une idée, histoire de vous mettre en haleine. Cette administration servait en fait de "cadastre", ou de POS (Plan d'Occupation des Sols) permettant au bon roi de savoir quel seigneur, quel domaine, quelle ville tombaient sous la coupe du royaume de Bohême, où aller chercher l'impôt qui faisait vivre l'oisive noblesse, bref, une sorte de Monopoly géant où les armoiries territoriales servaient de cartes "gare du Nord" ou de "rue de la Paix". Ah oui, et les armoires (pas les armoiries) datent de l'époque de Rudolf II. Quand c'est? Ben Rudolf II, c'est 1552-1612 entre sa naissance et sa mort, c'est 1572-1608 en tant que roi de Hongrie (mais sous le nom d'artiste Rudolf tout court, pas de II), c'est 1575-1611 comme roi de Bohême, 1576-1608 en tant qu'archiduc d'Autriche (nom d'artiste Rudolf V), et encore 1576-1612 en tant qu'empereur du St Empire Romain Germanique... choisissez. Ensuite vous passez dans la salle de la diète qui date de la mi-XVI ème siècle. Alors là, rien de vraiment intéressant, sinon les tableaux. Vous y verrez (à gauche) Marie-Thérèse d'Autriche (1717 - 1780) et son mari François-Stéphane de Lorraine (1708, Nancy, France - 1765), leur fils
La suite, ce sont les escaliers à canassons, parce que même si certains ne me croient pas que dans cette énorme salle avaient lieu des tournois de chevaliers en armures sur canassons véritables, ben c'est quand même bien vrai, et pour justement faire venir les malodorants bestiaux sans qu'ils ne se cassent les pattes sur des escaliers classiques, l'on construisit spécialement pour eux cette rampe à bourrique vers l'an 1500. Parenthèse. C'est con comme bestiau un cheval vous ne trouvez pas? J'veux dire que c'est capable de sauter des obstacles dans un concours (encore que pas toujours, faut lui dire quand c'est le bon moment de sauter), c'est capable de nager (et pas toujours non plus, et surtout pas le papillon), c'est capable de danser la valse (mais pas tous, seulement les chevaux autrichiens de l'école espagnole de Vienne de la marque Lipizzan), c'est capable de faire gagner du pognon au PMU (mais vraiment pas toujours, d'ailleurs même plutôt jamais en ce qui me concerne), par contre c'est pas foutu de monter un escalier classique sans se casser une jambe, au point qu'il faut leur aménager un monte-bourrique spécial. Et les asseoir dans une chaise roulante non? Ceci-dit je m'en fous un peu, parce que fort heureusement je n'en ai pas à la maison, du canasson, mais si j'en avais, j'irais sûrement pas leur construire une rampe spéciale. Soit ils apprennent à monter les escaliers s'ils sont trop cons pour prendre l'ascenseur, où alors ils dorment dehors, devant la baraque, même sous la neige. Sans dec, pis quoi encore? Fin de parenthèse. Alors passée l'extase de la rampe à bourrique, levez les yeux et admirez le splendide plafond gothique autrement plus intéressant avec ses fascinantes voûtes en arrêtes croisées.
Avant de terminer la visite, vous avez sur votre gauche une salle de projection d'un film sur les joyaux de la couronne, et d'autres éléments non accessibles/visitables, pour ceux qui, comme Lucia, en voudraient encore. Oui, bon, ça va bien 10 minutes mais après la buvette s'impose, alors j'ai laissé mes 2 alcoolytes regarder tranquillement la téloche en anglais (pour une fois) et m'en fus rejoindre la terrasse du caboulot. Ah si, encore, en sortant par la grande porte, celle qui donne sur l'extérieur, notez le lourd heurtoir (de porte, c.f. ma photo). Sous des airs faussement innocents se cache une scène d'un torride érotisme. En effet, en haut du socle du heurtoir se trouve un corps masculin nu (stylisé). Sur l'anneau du heurtoir se trouve un autre corps féminin nu (identiquement stylisé). Et lorsque vous levez l'anneau du heurtoir vers son socle, jusqu'au bout, alors les 2 corps s'approchent, tête contre tête, et se donnent un baiser voluptueux qui ne peut en aucun cas être le fruit du hasard, mais une coquine facétie imaginée par le talentueux artisan de l'époque.
Ils y ont contribué
Quelques mots sur les divers architectes de génie qui signèrent de leur talent l'aspect actuel du palais. Le premier, c'est "Petr Parléř" (vers 1332 - 1399). Son art s'est surtout révélé sur la chapelle de tous les saints dont je ne vous parle pas puisqu'elle était inaccessible à cause des échafaudages. Mais lorsqu'on parle du château de Prague sous le bon roi Charles IV, alors il est impossible d'ignorer l'architecte Pierre. On lui doit notamment le coeur, la sacristie et la tour de la cathédrale St Guy, le pont Charles, la finition du château de "Karlštejn", l'église "Matky Boží před Týnem" place de la vieille ville, etc... Le second fut "Benedikt Ried z Pístova" (vers 1454 - 1534) que vous trouverez aussi sous le nom de "Benedikt Rejt". Alors lui, il a construit (fait construire) la fameuse rampe à roussin, il est le concepteur de l'immense salle Vladislav et de la partie dite Louis ("Ludvíkova křídla"). Mais il a aussi contribué à la ruelle d'or, à la tour "Daliborka", à la basilique St Georges, etc... Dans la même période, on oublie souvent (parce qu'il était Allemand?) de mentionner "Hans Spiess" (1450 - 1511). Et pourtant, c'est lui l'auteur de la chambre à coucher (puis salle de tribunal, et commerce de souvenirs), mais aussi de la passerelle qui relie le vieux palais royale à la cathédrale St Guy (que vous ne pouvez pas louper de l'extérieur), et qui permettait au roi d'aller discrètement la nuit pisser au bénitier, les architectes ayant oublié de construire des toilettes dans le palais. Puis il y a eu "Bonifác Wohlmut" (mais aussi "Wolmut", vers 1510 - 1579), grand réparateur des dévastations de l'incendie de 1541. On lui doit en particulier toute la partie de la chambre de la diète (avec les portraits de la famille Marie-Thérèse), mais il apporta aussi sa contribution au "Klementinum", à la cathédrale St Guy, au pavillon d'été royal (aussi appelé incorrectement belvédère de la reine Anne), et au pavillon en étoile sur lequel je vous prépare une prochaine publie. N'oublions pas non plus l'italien "Ulrico Aostalli de Sala" (? - 1597), devenu "Oldřich Avostalis" (en Tchèque) lorsqu'il obtint son permis de travail, grand promoteur à Prague de la renaissance nord-italienne, et qui, en dehors du vieux palais, oeuvra aussi sur la grande salle du jeu de paume, la maison du burgrave... mais surtout qui façonna les jardins et les maisons de "Malá Strana", du côté des rues "Břetislavova" et "Vlašská" où il habitait.
Et ça ne pouvait se terminer autrement que ça n'avait commencé: en un mot commençant...
"Ah ben chuis déçue" fit remarquer Lucia en sortant, "je m'attendais à plus de mobilier, plus de faste, plus de...". Forcément, 2 semaines auparavant elle avait visité la Bavière et ses splendides châteaux construits sous le patronage de Louis II de Bavière (dont la démence n'avait d'égal que sa géniale créativité). Alors forcément, d'abord notre vieux palais ne date pas de la seconde moitié du XIX ème siècle, ensuite il a subi les guerres hussites, il a subi les incendies, il a subi les pillages des Suédois, des Bavarois, des Français, des nazis, des con-munistes ainsi que les divers vandalismes des cons tout court, alors forcément, on ne se parle pas de la même chose non plus, donc forcément, comparer des "Neuschwanstein", des "Herrenchiemsee" ou des "Linderhof" au vieux palais royal de Prague, c'est comme comparer les nichons siliconosculptés d'une jeune danseuse du crazy-horse avec les grosses mamelles fatiguétirées d'une vieille nourrice à la retraite. Il se faisait 14:30, et je suggérai d'aller manger. Et fissa, parce que le rugby commençait à 16:00 pétante, fis-je remarquer à nouveau, afin d'imprimer ce fait dans les esprits. Encore une initiative que j'aurai mieux fait d'éviter. Au bout d'un quart d'heure de discussions, d'avis, d'envies, de vouloirs, de refus, de régimes, de ça fait grossir et de c'est pas bon, au bout d'un autre quart d'heure de trajet à la vitesse d'une couleuvre tétraplégique, nous arrivâmes dans LE restaurant sur lequel les 2 oiseaux étaient tombés d'accord. Ah vouis, bien sûr, je comprends. 6 tables de tailles diverses totalement occupées et les 3 tables restantes d'au total 20 personnes (soit la moitié de la capacité du restaurant) réservées. Ah vouis, et le loufiat ne savait même pas quand elles allaient être occupées, mais elles étaient réservées, donc inoccupables, même si l'on faisait vite, parce qu'à coup sûr les 20 personnes seraient arrivées au moment même où l'on aurait commandé nos plats. "Dites-moi jeune homme..." demandais-je en partant, "vous n'êtes sans doute pas le propriétaire du restaurant? Vouis, je m'en doutais un peu à vrai dire, non parce que je présume que les notions de client, de chiffre d'affaire, de bénéfice (eh oui, impôt aussi, forcément, ben ça aujourd'hui...) enfin toutes ces notions, ça ne vous parle pas trop hein?" Et comme il se faisait 16:15, qu'après d'autres minutes de discussions, d'avis, d'envies... enfin comme précédemment, ils finirent par tomber d'accord sur Mc Donald, j'en profitai pour les informer que je faisais l'impasse et que j'allais m'en fuir voir le match de rugby. Chambard général, et reproches immédiates, genre les rats et le navire, l'adversité et les amis, le rouge à lèvre et le miroir (c'est pas une maxime ça, c'est juste que Lucia en profita pour se repeindre une bouche sur son groin médisant) jusqu'à des que c'était ma faute si on en était arrivé là (Ah?!). Bon, donc après qu'ils eurent abandonné l'idée du fast-food, après qu'ils m'eurent supplié de rester avec eux au moins pour le repas, après que je finis par leur trouver le restaurant remplissant des critères plutôt complexes de choix, de prix, de proximité, de bière (ça c'était MA seule condition), après que nous nous y rendîmes, après que nous commandâmes, après que nous attendîmes les 45 minutes d'attente, après que nous mangeâmes, après que ce fut bon et satisfaisant pour tout le monde, et bien après tout cela, il se faisait les 2/3 du match passés. Bon, ben hein, c'est pas que, mais faut pas déconner non plus, alors, hôpla tschüss et salü bisàmme parce j'aimerais autant voir la fin, ben tiens. Bon, la suite vous la connaissez, la France fut battue par les Brits, puis voilà. Ceci dit on s'est sacrément rattrapé contre les Ecossais dans un match splendide visionné dans un pub irlandais de la vieille ville de Ljubljana où ils servaient à l'anglaise de la "Prazdroj" pression sans mousse, dans des pints de Guinness, véridique. Vive l'Union Européenne! Bon, et pourquoi je vous raconte tout cela me demanderez-vous? Pour vous montrer à quel point ma dévotion est totale envers mes publies, à quel point je suis en mesure d'aller visiter (et photographier) des reliques archi-touristiques pour vous en rendre compte, à quel point je suis en mesure de sacrifier un match des VI nations pour la bonne cause de mon blog, et à quel point je côtois des gens de composition diverse dans le but désintéressé de leur faire découvrir les beautés de Prague (j'devrais être payé pour ça). Mais attention, malgré tout, les 2 diables que j'avais avec moi sont charmants, l'un comme l'autre, et je leur porte un amour certain. Y a juste que selon certaines périodes, dont je n'ai toujours pas déterminé la fréquence ni la causalité (s'il y a), la plaisante américaine s'avère être soit une agréable cerise sucrée, soit une douloureuse épine dans le fouettard. Mais heureusement, dans les 2 cas, elle arrive toujours à me faire rire.
Alors pour conclure, allez-y au vieux palais du château de Prague, ça vaut la peine sans le moindre doute. Regardez partout, il y a moult détails cachés derrière chaque recoin, derrière chaque porte, furetez, fouinez, explorez, et laissez-vous envelopper par l'arôme subtil de l'histoire millénaire du lieu.