A l'inverse, son concurrent japonais, UNIQLO, connaît un boom sans précédent, tant en volume de ventes qu'en buzz ou en termes d'expansion. Pourtant, leurs produits sont similaires : des vêtements classiques, robustes, no logo. Pourquoi ces deux frères ennemis connaissent-ils des sorts différents ? Essayons d'expliquer ce paradoxe.
AMERICAN APPAREL : LE RÉMUS BLING BLING
American Apparel s'est rendu célèbre par ses campagnes bling bling post-pornochic. La sensualité se dégageant des publicités AA, les pornstars, rendent la marque définitivement "show off". Son dirigeant aussi : Dove Charney a régalé les média avec ses frasques, ses récurrentes assignations pour harcèlement sexuel, ses séries photo en slip et débardeur.
De plus, les prix élevés d'American Apparel dissuadent le consommateur. La valeur intrinsèque du produit ne transparaît pas. Ainsi, dans un contexte de crise, aller chez AA ne paraît pas être un acte mesuré, rationnel. Lorsque les cordons de la bourse se resserrent, l'écologique et le social ne sont plus des arguments de vente forts. AA est plombé par sa production 100% américaine, son coton équitable et bio, et ses salaires élevés.
Côté gestion, rien ne va plus. Tel Starbucks, American Apparel a ouvert 150 magasins partout dans le monde, durant ses trois premières années, puis 300 dans les trois années qui suivent, vampirisant la planète. L'emplacement de chaque magasin génère des coûts fixes très élevés : à Paris, les boutiques sont situées avenue Victor Hugo, place du Marché Saint Honoré, Saint-Germain-des-Prés (11 000 ? le m² !), rue du Temple...
Alors que le modèle californien décline, comment résister à la crise quand les coûts de production sont élevés et qu'un japonais arrive sur le marché, proposant les mêmes vêtements... beaucoup moins chers ?
Uniqlo a un concept simple : en temps de crise, achetez des vêtements de qualité, aux lignes épurées, avec un véritable univers. Pour rassurer le consommateur, rien de tel que proposer du denim japonais, réputé meilleure toile du monde. Uniqlo incarne la "Japan quality", référence à l'histoire artisanale de l'archipel nippon. On en parlait déjà ici lors de l'ouverture du Flagship Store à Opéra : dans la tourmente de la crise, la firme de Tokyo s'affiche comme la marque de la transparence. Vous achetez le produit pour lui-même et non un logo ou un lifestyle.
A l'inverse de son frère ennemi, Uniqlo reste dans la retenue en termes de business development : 750 magasins à travers le monde, dont 2 magasins géants à Paris, 2 à New York, alors que la firme existe depuis 1949.
Le consommateur investisseur peut dormir sur ses deux oreilles, ses ressources seront utilisées à bon escient.
Une petite comparaison publicitaire pour vous achever.
American Apparel vous offre un lifestyle de luxure et de nonchalance. Viva California !
Uniqlo : Le bobo consommateur est revenu ! La simplicité, l'authenticité sont de retour. Avec un tel positionnement, les nippons se placent en porte-à-faux vis-à-vis d'AA, Gap, H&M, Zara... En combinant qualité, prix raisonnables et consothérapie.
Si on se réfère à la mythologie, Rémus meurt en affrontant son frère...
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