Depuis quelques années, les collectionneurs ont plaisir de redécouvrir régulièrement les nouvelles éditions reformatées et souvent luxueuses d’Hugo Pratt avec Corto Maltese, de Benoît Peeters ou François Schuiten avec les Cités obscures ou d’Hergé avec Tintin. Cette année 2010 ne fait pas exception. Casterman fait vivre son catalogue en proposant de très beaux ouvrages incluant de vrais inédits.
Presque chaque année, Casterman réussit à surprendre avec de nouvelles éditions des albums de Tintin. En 2010, l’éditeur du groupe Flammarion propose de jolis petits formats en fac-similé de l’édition originale en noir et blanc de 5 albums mythiques. Les couvertures non pelliculées sont d’une rare sensualité, le papier épais. De quoi replonger avec plaisir et nostalgie dans les albums initiaux. A comparer avec les dernières éditions pour mesurer l’immense travail du studio Hergé pour faire évoluer la série. Ce petit plaisir coûte 9,95 € par tome.
Dans la collection Corto Maltese, l’un des derniers événements est la sortie d’un coffret des musiques du monde selon Corto Maltese en novembre 2009. Deux amateurs de l’œuvre, Alain Tercin et François Lê Xuân ont recherché les musiques propres aux aventures du héros voyageur célèbre pour son flegme mais aussi son ouverture à toutes les cultures. Le coffret Notes de Voyages comprend 3 CD de 80 titres et un ouvrage joliment illustré accompagnant le périple musical. Les CD contiennent aussi des morceaux très rares d’interviews d’Hugo Pratt. A côté d’événement éditorial de ce genre, Casterman continue de rééditer les albums de la série dans des beaux grands formats très soignés. Le dernier paraît ce 25 août. Il s’agit de Corto Maltese en Sibérie. La couverture est d’une étonnante modernité, prouvant en cas de besoin combien cette œuvre ne se démode pas.Le dernier exemple concerne l’un des auteurs les plus perfectionnistes et des plus inclassables de sa génération, à savoir François Schuiten. Avec Benoît Peeters, il a créé une série totalement surréaliste, les Cités obscures au début des années 80. Avec son éditeur, les deux auteurs ont choisi d’offrir un vrai cadeau à leurs lecteurs. Ils ont repris leurs travaux pour leur donner une nouvelle jeunesse, les compléter ou les corriger : ce travail en profondeur est rendu possible car François Schuiten est l’un des rares artistes à avoir conservé l’ensemble de ses planches originales. Ce faisant, ils ne font simplement revivre le fonds de Casterman, ils en font des albums nouveaux. Ils parlent de repentirs comme dans le monde de la peinture. « Repentirs de contenus » où ils s’autorisent à modifier une histoire ou son contenu graphique. « Repentirs d’édition », où l’album est publié sous une nouvelle présentation. Et « repentirs de fabrication » où les nouveaux albums sont édités avec un niveau de qualité exceptionnel.Après Souvenirs de l’Eternel présent en fin octobre 2009 et la Route d’Armilia en mars 2010, les auteurs publient l’Enfant penchée et autres légendes du monde obscur le 25 août 2010. Suivront l’Echo des Cités, le Guide des Cités, la Frontière invisible et la Théorie du Grain de Sable d’ici 2012. Parallèlement, François Schuiten publie avec le romancier Jacques Abeille un livre qui mériterait d’appartenir à cette série. Les Mers perdues est un bel ouvrage illustré par François Schuiten et écrit sur mesure par l’auteur des Jardins statuaires. Ce livre somptueux écrit par l’une des plus belles plumes actuelles rassemble les thèmes de prédilection des deux auteurs et paraît aux jeunes éditions Attila. Enfin François Schuiten publie actuellement sa trilogie fantastique les Terres creuses réalisée avec son frère Luc et publiée initialement dans les années 80 dans les magazines (à suivre) et Métal Hurlant puis en album aux Humanoïdes Associés. Depuis l’intégrale de 2004, les ouvrages étaient difficiles à trouver. Casterman propose trois beaux livres à la couverture et au papier épais ; le premier Carapaces est sorti en mars et rassemble cinq histoires courtes. Le second Zara paraît le 26 août et évoque deux planètes imaginaires dont celle du titre. Le troisième NogegoN suivra dans quelques semaines.
Le point commun de Corto Maltese, Tintin et les Cités obscures est la notion du voyage. Ces voyages extraordinaires ne se démodent pas. Au-delà de l’argument commercial, voilà bien la raison majeure de ces rééditions régulières, pour toujours en faire profiter un plus large public.