Un roman de Stephen Leather (2010), éditions First.
430 pages.
Résumé : Jack Nightingale est détective privé. Il a dû démissionner de la police de Londres à la suite d’une affaire sordide : brillant négociateur, il n’avait pu empêcher une jeune fille de se suicider ; le père de cette dernière, soupçonné d’avoir abusé d’elle, s’était défenestré sous ses yeux un peu plus tard.
Le voici héritant des biens d’un père inconnu : un manoir gigantesque dont une bibliothèque secrète renferme d’innombrables livres d’occultisme hors de prix. Jack comprend que son père naturel était un sataniste convaincu et qu’il avait passé un pacte avec un démon. Refusant d’y croire, Jack va tout de même mener son enquête pour en savoir plus sur ce père mystérieux, mais toutes les personnes qui possèdent une information sont tuées violemment ou se suicident en lui disant : « Tu vas finir en enfer ! ». De quoi faire vaciller la raison du plus solide des détectives…
Une chronique de Vance
Ce livre m’a été envoyé dans le cadre de l’organisation du Grand Prix Littéraire du Web Cultura en partenariat avec le site des Chroniques de la Rentrée Littéraire et Ulike.
Je dois dire qu’ils ont particulièrement bien soigné l’expédition du colis avec quelques petits goodies sympathiques, et je les en remercie (ça fait chaud au cœur quand on est chouchouté ainsi).
Le coin du C.L.A.P. : Même s’il se lit plutôt vite, je n’ai eu que peu de temps à lui consacrer. Quelques après-midi ensoleillées, des soirs de veille, un puzzle qui donne mal au crâne, un réveil plus matinal que d’habitude...
Incipit :
Jack Nightingale n’avait pas eu l’intention de tuer qui que ce soit en cette froide matinée de novembre. Il s’était douché, habillé, s’était préparé du café et un sandwich au bacon, et jamais l’idée de prendre une vie ne lui était passée par la tête…
L’auteur était inconnu. La présentation donnée par l’éditeur alléchante. Il n’en fallait pas davantage pour susciter la curiosité.
En fait, il s’agit avant tout d’un roman policier. Il est gros, volumineux même, mais se lit très vite car construit à la manière d’un Coben et de nombreux thrillers contemporains : des chapitres très courts (parfois une page seulement !) qui s’enchaînent comme les séquences d’un téléfilm nerveux (chaque fin de chapitre équivaudrait à un fondu enchaîné, voire un fondu au noir). Le style est volontairement dépouillé, assez abrupt, manquant de finesse tout en demeurant vivant, alerte. L’auteur privilégie d’ailleurs, de façon flagrante, les dialogues, qui peuvent prendre plusieurs pages. Malheureusement, ceux-ci ne font guère avancer l’action, ni même la réflexion, et ennuient parfois par leur propension à reprendre régulièrement les mêmes propos, traduisant les mêmes angoisses des personnages (ainsi Jenny, la gentille secrétaire, répétant qu’il faut qu’il se reprenne ; Jack ressassant systématiquement les morts qui l’entourent – comme si le fait d’en dresser la liste en affirmant que « ça n’a pas de sens » ajoutait encore à la tension du moment). Du coup, on en piaffe d’impatience, d’autant que l’intrigue, quoique convenue, est assez palpitante en soi : Jack va finir par se rendre à l’évidence, son âme ne lui appartiendra plus le jour de son 33e anniversaire (qui est proche, la majeure partie du roman se déroulant sur deux semaines). Tout en refusant cet état de fait (tout simplement parce qu’il ne croit pas à ces absurdités), il va malgré tout tâcher d’en savoir davantage et enquêter tant sur les personnes liées à son père naturel que sur les rites sataniques.
Chapitre 47, p. 281 : Jack discute avec un prêtre.
En fait, j’aurais imaginé que les hosties étaient le produit recyclé par excellence : le corps du Christ qui devient du pain...
Par ce biais, l’histoire tangue entre la dark fantasy et un thriller classique : plus on avance, plus on y cite des références occultes (avec un détachement plaisant, comme quand ils comptent le nombre d’occurrences lorsqu’on tape « vendre son âme au diable » dans Google). Evidemment, on se doute de la teneur du finale, qui se déroulera forcément au moment de son anniversaire : finira-t-il par y perdre son âme au profit d’un quelconque démon invoqué par son père ? Tout cela n’est-il que la conséquence d’un esprit dérangé et pervers ? C’est bien dans l’attitude de Jack que l’intérêt se porte : cet homme blasé, fumeur invétéré et amateur de whisky et de bières, refuse de croire dans toutes ces fadaises – mais mieux vaut quand même se préparer au pire, n’est-ce pas ? Parce que, après tout, si jamais c’était vrai…
De la conclusion, on ne saurait dire s’il s’agit d’une porte ouverte pour une suite éventuelle ou d’un cliffhanger inopportun. Toujours est-il que plusieurs éléments ne trouvent aucune justification (on se demande toujours s’il est directement responsable du suicide du père incestueux puisqu’il est incapable de se rappeler les quelques minutes précédant la défenestration fatale – mais il s’agit peut-être d’une volonté de l’auteur de nous laisser dans le flou sur ce point avec juste quelques hypothèses avancées par une psychiatre de passage).
Chapitre 17, p. 120 : Jack rencontre une jeune fille mystérieuse.
Je crois que les mecs aiment qu’on les traite comme des chiens. Vous les caressez, vous les nourrissez, vous leur faites faire de l’exercice, mais vous devez aussi les punir de temps en temps pour leur montrer qui commande.
Il s’agissait d’une épreuve non corrigée de l’éditeur (pas de page de titre et un minimum de mentions légales – je ne connais pas par exemple le titre original de ce livre). Les pages étaient de bonne qualité, la reliure plutôt solide. Quelques coquilles se sont révélées, pas très nombreuses (attention à quelques erreurs dans la conjugaison des verbes) ; à souligner un défaut récurrent dans les expressions composées d’un verbe et d’un pronom (« rétorqua-t-elle » p. 14 ou « suggéra-t-elle » p. 428) avec un retour à la ligne inutile après le premier trait d’union.
Autres citations :
Chapitre 11, p. 77 : Jack et son ami Robbie visitent le manoir.
- Les riches sont toujours riches. Que ce soit en temps de crise ou en période de prospérité.
Chapitre 36, p. 213 : Jack ouvre un biscuit chinois.
Ne jamais faire confiance à un étranger, mais garder en tête qu’un ami aussi peut mentir.
Chapitre 55, p. 331 : Jack est persuadé qu’il va mourir.
Que ce soit une analogie ou une métaphore, les ronds de fumée étaient comme les humains. Ils venaient du néant, existaient quelques temps et repartaient vers le néant. Pour toujours..
Chapitre 76, p. 424 : Jack discute avec Proserpine.
La clé d’un interrogatoire réussi c’est de poser des questions dont vous connaissez la réponse.