Voici un mauvais Alix. Le scénario n’est pas mal mais le dessin médiocre, comme souvent avec Morales. Certaines scènes fissurent l’image vertueuse du héros Alix et déstabilisent le jeune lecteur. Comme si, après les attentats du 11-Septembre, rien ne valait plus que le cynisme du moment.
C’est ainsi qu’après ‘La chute d’Icare’, où les pirates à son service ont été massacrés, Pompée veut se venger. Quoi de mieux que d’opposer au protégé de César un sosie en plus dur et plus débauché ? C’est ainsi que le soudard histrion Sulcius va jouer le rôle d’Alix pour un massacre intime et politique. Alix sera accusé devant les voisins, le Sénat et le peuple de Rome, il aura fort à faire pour prouver son innocence.
Mais la politique commande et lui n’est qu’un instrument. Il agit en Romain mais subit son destin sans guère intervenir : il n’appelle pas César, on l’appelle pour lui ; il ne s’évade pas, on le délivre ; il ne châtie pas Sulcius, mais le Prêteur le fait tuer. Le scénario, inventif en idée, est traité de façon plutôt rigide et ne suscite guère d’intérêt.
Les scènes dessinées rabâchent, elles repiquent aux albums précédents les sempiternels moments de tristesse d’Enak séparé d’Alix, de joie des retrouvailles, d’éveil sur une couche commune en pleine nuit, de jeunes échansons dans les scènes d’orgies, de désir sexuel suggéré de la part d’une femme ou pour une fille, en général en dernière case d’une double page pour le suspense hebdomadaire. Mais la semaine suivante apporte sa déception, et même une certaine immoralité qu’on ne connaissait pas jusqu’ici à Alix : « La chaleur et les circonstances m’ont égaré ! » Ben voyons… Enak est déguisé en fille et se découvre un talent pour la comédie, tandis qu’une allusion pédérastique sous couvert de la comédie vient donner le ton entre le grand blonds et le petit basané : « ce faune lubrique veut que je l’accompagne dans ce bois, là-bas… » déclame Enak en ménade, agrippé par Alix en satyre velu.
Il y a donc perte d’imagination, manque de souplesse, dessin sommaire aux personnages microcéphales et aux enfants musclés comme des dockers, dérive morale et jeu dangereux avec le sexe et la politique. On ne retrouve plus Alix d’antan, celui que l’on aimait et admirait. Question d’époque ou lâcheté de l’équipe nouvelle en charge ? La série dégénère…
Jacques Martin, Roma Roma…, 2005, dessin Rafael Morales, Casterman 48 pages, 9.51€.