Quand Dominique de Villepin sort du bois, François Fillon pointe le bout de son nez. François Fillon a émergé mardi de son long silence dans le débat sur la sécurité. Une intervention qui ménage la chèvre et le chou puisqu’elle se limite à une mise en garde aussi bien à gauche qu’à droite contre une “instrumentalisation de la lutte contre l’immigration clandestine“. Ni pour ni contre, bien au contraire donc. Faute de positionnement clair, le communiqué de Matignon a vocation à rappeler que l’alternative à Nicolas Sarkozy pourrait bien être son Premier ministre et non Dominique de Villepin, quitte à user d’un opportun droit d’inventaire.
“La lutte contre l’immigration irrégulière ne doit pas être instrumentalisée de part et d’autre. La tradition humaniste de la France va de pair avec le respect de ses lois par tous ceux qui se trouvent sur son territoire” rétorque François Fillon à Dominique de Villepin et à l’église catholique. Une réponse habile mais volontairement décalée puisque les Roms, citoyens de l’UE, ne peuvent être assimilés à une immigration clandestine.
Trois ans et trois mois depuis son arrivée à Matignon, le chef du gouvernement est toujours aussi sphinx, contraint au grand écart permanent entre sa loyauté au président de la république et ses ambitions personnelles. Premier ministre dépossédé de la plupart de ses prérogatives par l’Elysée et ses nombreux conseillers, François Fillon s’est rabattu sur le rôle de capitaine courage d’une majorité parlementaire à la fois chouchoutée et bousculée par l’hyperprésident.
Contraint de jouer les seconds rôles et d’avaler avec dignité un certain nombre de couleuvres, François Fillon attend son heure. Ravalé au rang de simple “collaborateur“, le Premier ministre a perdu sa fonction de fusible de l’exécutif. A l’inverse l’Elysée pourrait devenir celui de Matignon. La super-assistante sociale de la majorité parlementaire, populaire dans les sondages (53% d’opinions favorables), peut constituer en cas de naufrage de Nicolas Sarkozy une belle chaloupe de secours. Une alternative sécurisante pour une partie de la droite incarnée par Le Figaro qui se met à rêver tout haut de régicide avec l’affranchissement de François Fillon.
Un plan B qui ne peut toutefois fonctionner que si Dominique de Villepin reste marginalisé à la tête de son embryon de formation politique, République solidaire .
Et pourtant, comme dit le proverbe “qui ne dit mot consent“. A ce titre François Fillon dans la droite ligne du mot de Gambetta “se soumettre ou se demettre”, est tout aussi responsable que Nicolas Sarkozy du bilan et du climat délétère actuels.
Le communiqué diffusé par Matignon indique que «François Fillon a rappelé que les actions entreprises cet été sont conformes à la législation française et européenne. La très grande majorité des reconduites dans les pays d’origine sont volontaires». Le Premier ministre doit également saisir le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, de la question des Roms, en vue d’«approfondir la coordination» avec Bucarest et Sofia et «d’accentuer les initiatives dans le cadre européen».
Comme si le fait d’être un simple technicien, l’exécuteur ectoplasmique d’un Elysée où tout se décide, exonérait de toute responsabilité. Comme si, à côté de la légalité n’existait pas une valeur toute aussi essentielle en démocratie : la moralité.
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