Dans l'édition de cette semaine, Christophe Barbier, le patron de la rédaction de l'hebdo, s'est fendu d'un article quasi-louangeur sur le plan sarkozyen en matière d'insécurité. Une position à contre-courant de la quasi-totalité des commentaires. l'offensive sécuritaire du 30 juillet dernier semble avoir fait choux blanc. Et la rentrée s'annonce mal pour le pouvoir.
Le piège sécuritaire se referme
Le thermomètre sarkozyen lui-même est cassé: après 4 semaines exactement de polémiques sécuritaires (Roms le 27 juillet, puis discours de Grenoble le 30 juillet), les sondages restent extraordinairement mauvais, avec une cote de popularité qui oscille autour d'un tiers d'opinions favorables. Tout ça pour ça ?
Sarkozy a-t-il explosé la droite ? C'est le constat qui s'impose. Même Christian Vanneste, le député homophobe du Nord et catholique affiché s'inquiète du « racolage électoral » contre les Roms. Quant à Jean-Pierre Raffarin, il considère que l'UMP est entré « dans une dérive droitière qu'il convient de corriger. » Dans les colonnes du Monde, Dominique de Villepin, qui a repris sa carte de l'UMP fin juillet, s'est livré à un redoutable réquisitoire contre la charge sécuritaire de Sarkozy. Emanant de Villepin, l'attaque était attendu. Mais l'ancien premier ministre a la formule qui choque: « Faute morale, faute collective commise en notre nom à tous, contre la République et contre la France. Il y a aujourd’hui sur notre drapeau une tache de honte. » Brice Hortefeux, évidemment, n'a pas apprécié. la Sarkofrance, comme hier avec le débat sur l'identité nationale qui lui échappa, est acculée à la défense systématique. « Un tel dévoiement des mots est plus qu'un contre-sens», a répliqué mardi le ministre de l'intérieur. « C'est une faute morale, c'est surtout une insulte à la mémoire de celles et ceux qui ont péri voici plus de soixante ans sous le joug de la barbarie nazie ».
Plus au Sud, le ministre-maire-conseiller de l'UMP Christian Estrosi s'est fait taclé sur son propre bilan de maire contre l'insécurité: des caméras partout, un effectif de police municipale porté à 550 agents et un nombre de crimes et délits en baisse de ... 400 unités (-5%)... Nice demeure l'une des villes les moins sécurisées de France. Le nombre de crimes est deux fois supérieurs à celui de Grenoble. Et Christian Estrosi navigue dans la politique locale depuis l'ère Médecin voici 30 ans.
Le Front National se frotte les mains : les 300 Roms expulsés la semaine dernière et cette semaine, à coup de 300 euros par adulte et 100 euros par enfant, pourront revenir aussitôt. Croire que les 15 000 Roms sont l'explication majeure des difficultés du pays est également risible. La déchéance de nationalité élargie ne changera rien non plus au problème de l'insécurité violente. La France n'a rien gagné, mais elle a déjà un peu plus perdu. A l'étranger, la position sarkozyenne suscite l'effarement général.
«Je prie pour que M. Sarkozy ait une crise cardiaque » L'homme qui a dit cela était un prêtre, si choqué. Il s'est excusé depuis. Le weekend dernier, l'Eglise catholique elle-même s'est effectivement exprimée, tantôt implicitement, tantôt explicitement, contre la stigmatisation en cours des Roms et autres minorités. Certains religieux, comme l'évêque d'Aix-en-Provence, ont constaté de leurs propres yeux ce que signifiaient les expulsions « classiques » de communautés Roms dans le climat actuel de Sarkofrance. Le président de la Conférence des évêques de France, Mgr André XXIII, s'est interrogé: « De quel prix payons-nous nos sécurités ? Ou plutôt à qui les faisons-nous payer ». Il doit être reçu par Brice Hortefeux. Il y a deux ans, on s'est gaussé ou indigné des discours religieux de Nicolas Sarkozy. Mais le Monarque n'invoquait la foi chrétienne que pour mieux légitimer un discours à vocation identitaire (contre l'Islam), et non pour célébrer les valeurs chrétiennes (accueil, pardon, solidarité, etc).
Le rapport caché par Brice Hortefeux
Mardi, le site internet de L'Express révélait l'existence d'un rapport confidentiel du ministère de l'intérieur, daté de janvier 2010. Ses auteurs, 5 hauts fonctionnaires appartenant à l'Inspection générale de l'administration, à l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) et à l'Inspection générale des services (IGS), au terme d'une enquête de terrain de quatre mois, recommandaient le développement d'une police de terrain, ... et louaient les Unités Territoriales de Quartier que Brice Hortefeux a enterré la semaine dernière : « Les Uteq ont prouvé à la fois leur utilité et leur efficacité ainsi que leur inscription plus ou moins confirmée dans le tissu social des quartiers. Elles constituent des outils tactiques intéressants, mais qui ne peuvent prendre tout leur sens que s'ils sont utilisés dans le cadre d'une stratégie locale claire. ». L'exact contraire des déclarations officielles de Brice Hortefeux cet été.Les auteurs recommandaient encore « que soit réaffirmé, là où cela est nécessaire, le cadrage tactique consistant en une présence permanente à heure fixe, y compris le week-end, une stabilité du passage sur certains itinéraires, en privilégiant une progression à pied de deux équipes resserrées sous la protection discrète d'un véhicule. » Dans le rapport on peut lire cette surprenante conclusion : « Pour les 29 territoires Uteq étudiés, la délinquance de proximité a globalement baissé de 6,8% » Pourquoi donc les remplacer par des Brigades Spécialisées de Terrain ? Les auteurs du rapport louent « cette connaissance du terrain et des délinquants d'habitude » qui « est une première source de renseignement », qui permet « la transmission de renseignements très utiles reposant sur les seules capacités d'observation directe des fonctionnaires _ par exemple des éléments de train de vie qui paraissent disproportionnés par rapport aux activités connues de certains individus. » Mais les auteurs notent aussi, critique déguisée des grandes proclamations sarkozyennes, qu'il vaut mieux être discret en matière de lutte contre la délinquance de proximité : « On peut d'ailleurs se demander s'il est pertinent, dans la phase de présentation de l'Uteq au public, d'évoquer parmi ses objectifs, la recherche opérationnelle du renseignement, ce qui peut avoir pour effet d'accentuer la suspicion à l'égard de ceux qui ont des contacts, parfois de simple courtoisie, avec la police. »
Résumons : il faudrait être discret et proche du terrain si l'on espère repérer les délinquants et rassurer les populations. Quelle est la voie choisie par Sarkozy ? L'exact contraire : crier au loup devant des caméras, claironner ses objectifs, puis envoyer des équipes d'intervention non localisées.
Chatel flingue la rentrée des secondes.
Mardi 24 août, le ministre de l'Education faisait sa rentrée. Luc Chatel présentait « les ressources pédagogiques disponibles à la rentrée ». L'an dernier à la même date, il préférait se montrer dans un supermarché de la région parisienne entourée de fausses clientes/vraies militantes UMP, pour se féliciter des baisses de prix de fournitures scolaires. Cette fois-ci, il évite les gaffes... ou presque.
Mardi, il présentait les nouveaux manuels de seconde, tous modifiés ( à l'exception des ouvrages de Français) à cause de la réforme des lycées. Le gouvernement s'étant pris très tard pour publier les programmes (en mai dernier), les éditeurs ont été pris par le temps, les enseignants n'avaient pas reçu les manuels en juin pour faire leur choix parmi les 67 modèles proposés par les différents éditeurs. Les élèves ne connaîtront que plus tard, bien après la rentrée scolaire, avec quel matériel pédagogique ils devront travailler. Un joli couac administrativo-politique pour une réforme déjà contestée: la réduction des horaires entraîne notamment la suppression du caractère obligatoire de certains enseignements (comme l’histoire-géographie en Terminale scientifique, ou les sciences économiques). La concertation sur la rédaction des nouveaux programmes a été accélérée et donc minimale.
Environ 500 000 élèves sont concernés.
Pour rassurer les élèves, Luc Chatel a annoncé mardi qu'une version électronique de tous les manuels serait disponible gratuitement sur internet dès la rentrée. Autre sujet d'inquiétude, le coût de la rentrée: à la différence des années précédentes, il n'y a pas d'ouvrages d'occasion disponibles, puisque les manuels ont été cette fois-ci intégralement refondus. Luc Chatel a rappelé les quatre aides gouvernementales, sans préciser combien précisément concernent véritablement les lycéens de classe de seconde: l'allocation de rentrée scolaire (306€ pour environ un million d’élèves de 15 à 17 ans toutes classes confondues), les bourses du second degré (15,6% des élèves du second degré pour un montant moyen de 320 €), la prime spécifique à l'entrée en seconde (pour près de 70 000 élèves pour un montant de 217 €), les bourses au mérite (d’un montant de 800 € pour environ 72 000 lycéens). Pour le ministre, tout va bien : « tout est prêt pour la mise en œuvre de la nouvelle classe de seconde à la rentrée de septembre. »
Dans les colonnes de l'Express, le ministre explique que la méritocratie est en panne. Il ne croit pas si bien dire. La Sarkofrance donne l'exemple d'une France où copinage et conflits d'intérêt sont les deux mamelles de la progression sociale. Chatel n'est pas avare de citations surprenantes. En pleine affaire Bettencourt, il n'hésite pas: « De mon passé chez L'Oréal, j'ai peut-être hérité du sens du professionnalisme: je bosse mes dossiers. » La rentrée serait-elle orageuse ? « Le contexte dépasse l'Education, puisqu'il s'agit de la réforme des retraites. » La réforme de la mastérisation inquiète-t-elle les parents d'élèves qui confieront leurs rejetons à des étudiants-enseignants ? Luc Chatel a la comparaison facile, et douteuse : « Cela ne choque personne, aux urgences, d'être examiné par un étudiant de troisième année de médecine. »
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