Le sens du combat
Le jour monte et grandit, retombe sur la ville
Nous avons traversé la nuit sans délivrance
J’entends les autobus et la rumeur subtile
Des échanges sociaux. J’accède à la présence.
Aujourd’hui aura lieu. La surface invisible
Délimitant dans l’air nos êtres de souffrance
Se forme et se durcit à une vitesse terrible;
Le corps, le corps pourtant, est une appartenance.
Nous avons traversé fatigues et désirs
Sans retrouver le goût des rêves de l’enfance
Il n’y a plus grand-chose au fond de nos sourires,
Nous sommes prisonniers de notre transparence.
Au long de ces journées où le corps nous domine
Où le monde est bien là, comme un bloc de ciment,
Ces journées sans plaisir, sans passion, sans tourment,
Dans l’inutilité pratiquement divines
Au milieu des herbages et des forêts de hêtres,
Au milieu des immeubles et des publicités
Nous vivons un moment d’absolue vérité :
Oui le monde est bien là, et tel qu’il paraît être.
Les êtres humains sont faits de parties séparables,
Leur corps coalescent n’est pas fait pour durer
Seuls dans leurs alvéoles soigneusement murés
Ils attendent l’envol, l’appel de l’impalpable.
Le gardien vient toujours au coeur du crépuscule;
Son regard est pensif, il a toutes les clés,
Les cendres des captifs sont très vite envolées;
Il faut quelques minutes pour laver la cellule.
(Michel Houellebecq)