LE SACRE
Le 10 juin 1549, Catherine de Médicis est solennellement sacrée et couronnée reine de France. En ce jour qui devrait être dédié à sa gloire, elle est déçue par le manque de faste des cérémonies. Mais, surtout, elle enrage de voir Diane de Poitiers, la maîtresse du roi, superviser le protocole!
Catherine de Médicis à beau être l'épouse d'Henri II et lui avoir donné enfin un héritier, le futur François II, en janvier 1544, elle n'est reine de France qu'en titre : c'est la favorite Diane de Poitiers qui règne sur le cœur du roi et sur la Cour! En ce 10 juin 1549, la souveraine doit recevoir l'onction sacrée et être solennellement sacrée. Mais, lors de ces cérémonies, pourtant tout à elle dédiées, elle n'est pas sûre d'éclipser sa rivale.
Force est de constater que, dans la basilique de Saint Denis, le sacre de la reine de France est conduit par la maîtresse du roi! Alors que le cortège s'avance vers l'autel, Diane de Poitiers marche en tête parmi les princesses du sang. Elle arbore crânement le même manteau que Catherine de Médicis, rehaussé d'hermine, privilège des princesses et des duchesses. A l'occasion de la seule cérémonie au cours de laquelle elle ne peut décemment disputer la première place à la reine, elle a été désignée pour superviser le protocole.
Courtisans, hauts dignitaires et prélats n'ignorent rien de l'exceptionnelle faveur dont jouit Diane de Poitiers. Pourtant, voir briller en ce jour celle que le roi a nommée suivante de la reine leur semble une provocation déplacée. De surcroît, la favorite est secondée par ses deux filles, nées de son mariage avec Louis de Brézé, grand sénéchal de Normandie, Françoise, duchesse de Bouillon, et Louise, marquise de Mayenne. Pour le sacre du roi à Reims, le 26 juillet 1547, Diane de Poitiers se tenait au premier rang, tandis que Catherine de Médicis, enceinte de sa fille Claude, la future duchesse de Lorraine, était reléguée dans une tribune. Moins de deux ans plus tard, pour ce sacre qui est le sien, la reine n'a pu être écartée. Aujourd'hui, malgré la sobriété manifeste des célébrations, mais dans le recueillement et la dignité, elle va être solennellement intronisée second personnage du royaume. La souveraine vient d'être coiffée de la couronne rutilante des précieuses gemmes de la royauté. Le cérémonial veut qu'elle en soit ensuite débarrassée pour entendre la messe. C'est alors que survient un incident édifiant. Respectant scrupuleusement les instructions, Louise de Mayenne s'avance vers la reine et la décharge de son fardeau. Puis elle se retourne et se dirige vers sa mère. Chacun, médusé et le souffle coupé, la voit déposer la couronne aux pieds de Diane de Poitiers! Celle-ci ne bronche pas et reçoit cette offrande symbolique comme un dû. La reine Catherine, elle, reste de marbre. Pas un instant son regard ne se tourne vers sa rivale : elle n'a rien vu et n'aura pas un mot pour commenter cette humiliante péripétie.
Six jours après le couronnement de Catherine de Médicis, le 16 juin, le couple royal fait son entrée dans Paris. L'accueil triomphal que lui fait la capitale redonne du baume au cœur de la reine. La ville est superbement décorée. Les aménagements réglés pour une célébration à l'antique de la monarchie ne font aucune référence directe à la favorite. Mais, si son monogramme ne figure sur aucun décor, Diane de Poitiers a fièrement pris la place qui lui revient au sein du cortège.
Pour fêter la reine nouvellement sacrée, les plus grands artistes du temps ont été sollicités. L'architecte Pierre Lescot, le sculpteur Jean Goujon, le peintre Jean Cousin ont conçu et fait réaliser d'extraordinaires décors monumentaux. Pour l'occasion, le poète Pierre de Ronsard a rédigé des inscriptions en vers, l'helléniste Jean Dorat s'est chargé des devises grecques et latines.
A la porte Saint Denis, passage obligé des entrées royales, se dresse un arc de triomphe orné d'un hercule couronné représentant François 1er, de colosses et de quatre personnages figurant les sujets du roi, un noble, un clerc, un bourgeois et un paysan. Devant l'église Saint Jacques de l'Hôpital, un spectaculaire arc corinthien a été érigé; au Châtelet, un portique ionien a été élevé; le pont Notre Dame est jalonné d'arcs de triomphe. Tandis que des anges veillent sur la Couronne, une statue de la France trône au sommet d'un obélisque, sous lequel un rhinocéros symbolisant les forces du mal écrase des monstres. Chaleureusement acclamés par le bon peuple, Catherine de Médicis et Henri II passent sous un dernier arc de triomphe, rue Saint Antoine, avant de regagner leur résidence du palais des Tournelles.
LA FONTAINE DES INNOCENTS
Paris et la célèbre fontaine des Innocents gardent encore aujourd'hui la souvenir de l'entrée triomphale de Catherine de Médicis et d'Henri II. Le 16 juin 1547, la grande fontaine, sise à l'angle de la rue Saint Denis et de la rue aux Fers (actuelle rue Berger), suscite l'émerveillement des souverains. Elle est ornée d'une dentelle signée par Jean Goujon et Pierre Lescot, tout en légèreté et élégance, à l'image des naïades des bas-reliefs et des masques cracheurs d'eau. Ses arcades aux balustres de bronze et aux pilastres cannelés sont gardées par des nymphes aériennes. Des dauphins sculptés y évoluent entre des représentations de la Renommée. Les écussons alternent avec les fleurs de lys de France et les fameuses "pilules" des Médicis. Démontée puis réédifiée pierre par pierre au fil des transformations du quartier des Halles, la délicate fontaine des Innocents reste le symbole de la reine Catherine.
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