Considérant que le salarié est un tiers au sens de l’article L. 227-6 du Code de commerce, la jurisprudence en déduit que les lettres de licenciement doivent, pour être valables, nécessairement être signées par le président de la SAS ou bien par un directeur général ou un directeur général délégué, à la double condition que la délégation soit prévue dans les statuts et qu’elle ait été publiée au RCS.
Cette jurisprudence sévère mais fondée conduit donc à prononcer la nullité du licenciement à chaque fois que la lettre a été signée par :
- un directeur général ou un directeur général délégué dont le nom n’apparaît pas au K-Bis ;
- ou par un salarié (manager, directeur régional…) qui ne peut apporter la preuve d’une délégation ou d’une subdélégation valable, notamment en raison d’une rupture dans la chaîne des délégations successives.
En revanche, de manière tout à fait contestable, plusieurs arrêts récents vont bien au-delà en exigeant tantôt une publicité au RCS du nom des subdélégués, tantôt une désignation par les statuts de la personne habilitée à signer les lettres de licenciements.
Cette jurisprudence infondée expose les SAS à une insécurité juridique lourde de conséquences, le prononcer de la nullité des licenciements conduisant à la réintégration du salarié concerné ou à son indemnisation comme si son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Elle procède de deux confusions :
- la première, entre les représentants légaux de la SAS et les titulaires d’une délégation de pouvoirs ;
- la seconde, entre les personnes dont le nom doit être publié au RCS et celles qui ne sont pas soumises à cette obligation.
Première confusion : représentant légal et délégataire de pouvoir
Les arrêts discutés reposent sur une confusion entre :
- d’une part, la représentation légale de la société : c’est-à-dire l’attribution à certaines personnes, appelées représentants légaux, du pouvoir d’engager à titre habituel la personne morale vis-à-vis des tiers ;
- et, d’autre part, les délégations de compétences ou de pouvoirs : c’est-à-dire les délégations octroyées par le ou les représentants légaux à d’autres personnes en vue d’exercer au nom de la personne morale certains pouvoirs limités dans un ou plusieurs domaines déterminés.
S’il est vrai que la représentation légale de la société s’apparente, dans une certaines mesure, à une délégation générale du pouvoir de représenter la personne morale à l’égard des tiers, il ne s’agit pas d’une délégation de pouvoir au sens strict du terme, mais de la mise en œuvre des mécanismes légaux de représentation de la personne morale. Or, s’agissant des SAS, la loi prévoit que la personne morale est représentée à l’égard des tiers par un président ou, selon une stipulation des statuts, par un directeur général ou un directeur général délégué. Dans cette logique, ces derniers ne sont pas des délégués du président, mais des représentants légaux de la SAS.
A l’inverse, les salariés titulaires d’une délégation de pouvoirs qui leur permet d’exercer, au nom de la personne morale, certains pouvoirs limités, ne doivent pas pour autant être considérés comme des représentants légaux de cette personne morale.
Autre conséquence liée à cette distinction : si le nom des représentants légaux doit figurer dans les statuts, cette exigence ne s’applique pas aux simples délégataires, sans pour autant remettre en cause la validité des licenciements qu’ils prononceraient conformément aux pouvoirs qui leur auraient été délégués.
Seconde confusion : les personnes dont le nom doit être publié au RCS
Pour exiger la publication au RCS de l’identité des personnes habilitées à signer la lettre de licenciement, les juges du fond se fondent sur les dispositions du décret du 30 mai 1984 relatif au RCS sur lequel doivent figurer notamment « les noms, prénoms… des associés ayant le pouvoir d’engager la société » c’est-à-dire des seules personnes ayant le pouvoir « de diriger, gérer ou le pouvoir d’engager la société » vis-à-vis des tiers « à titre habituel ».
Ce recadrage du champ d’application de la publicité au RCS conduit à considérer qu’elle ne s’applique, dans les SAS, qu’au président, au directeur général et au directeur général délégué, s’il en est nommé, en leur qualité de représentant de la personne morale. A l’opposé, elle ne concerne pas les salariés délégataires, en ce que ces tiers ne tirent pas de leur délégation de pouvoir celui d’engager la société « à titre habituel ».
On le comprend : face à ces arguments et aux errements des juridictions du fond, il est urgent que la Cour de cassation affirme une ligne claire, ce qu’elle devrait faire à l’automne…