Méfiant par nature des phénomènes littéraires de masse, je m'étais volontairement tenu à l'écart du succès mondial que fut Millenium (le livre). La lecture demandant beaucoup plus de temps et d'implication sur la durée que le visionnage d'un film, les gros succès de librairie tels DaVinci Code ou Harry Potter me semblent toujours suspects et ont tendance à me faire penser que la qualité littéraire de l'oeuvre n'est peut-être pas celle que j'attends.
Non que je doute un instant de la capacité du plus grand nombre à apprécier un livre, mais plutôt de sa patience et de la fourniture de l'effort demandé, soutenu sur la longueur.
En revanche, lorsqu'un film adaptant un gros succès littéraire sort sur les écrans, je m'y plonge avec plaisir, car littérature et cinéma sont deux arts totalements distincts, aux moyens différents, et qu'il est aussi vain de comparer un film à un livre qu'une sculpture à un tableau.
C'est ainsi que je découvris Millenium (le film), sans en attendre grand chose, mais prêt à assister à un thriller de bonne facture.
Millenium raconte l'histoire de Mikael Blomkvist (efficace Michael Nyqvist), journaliste pour la revue Millenium qui se voit condamné pour des propos diffamatoires tenus dans les lignes du magazine à l'encontre d'un riche industriel. Condamné à une peine de prison, il va passer le temps qu'il lui reste avant de purger sa peine à tenter d'élucider la disparition d'une adolescente 30 ans plus tôt. Engagé par l'oncle de la disparue, il fera équipe avec Lisbeth Salander (troublante Noomi Rapace), jeune femme mystérieuse qui l'aidera à élucider le mystère.
Disons le d'emblée: dans sa forme, Millenium ne possède aucune personnalité, le metteur en scène faisant preuve d'un style visuel inexistant et se contentant de filmer ses séquences proprement certes, mais sans inspiration. En ce sens, le film déçoit, car son scénario laissait la possibilité d'être transcendé visuellement. Il n'en est malheureusement rien. Seuls les épisodes du viol et de la vengeance de la victime trouvent une certaine force visuelle. J'y reviendrai.
En revanche, l'intrigue est solidement nouée, et le suspense se maintient gentiment tout au long des 2h30 que dure le film, sans provoquer l'ennui. Les secrets de famille se dévoileront ainsi petit à petit, et le noeud de l'histoire, à base de racisme et de violence congénitale, sera découvert par deux protagonistes principaux auxquels l'attachement du spectateur est très rapidement acquit. En effet, les personnages de Michael Blomkvist et Lisbeth Salander représentent deux exclus de la société: le premier est exclu de toute vie sociale, professionnelle et famililale pour aller purger une peine de prison, la seconde est une marginale qui trimballe avec elle un traumatisme d'enfance extrêmement lourd à porter. Les deux personnages s'apporteront soutien et réconfort dans leur marginalité, emportant ainsi d'emblée l'adhésion du spectateur.
Par ailleurs, la motivation de Blomkvist et Salander est avant tout d'ordre personnel. En effet, chacun d'eux doit absolument se prouver quelque chose, et extraire de sa vie une satisfaction personnelle (Salander) ou effacer un échec (Blomkvist). En celà, leurs actions trouvent une résonnance bien plus forte et profonde que s'ils agissaient pour le seul appât du gain.
Il s'agit à présent de revenir sur la surprise du film: l'épisode du rape and revenge. Cet élément de l'histoire est totalement inattendu, et se rapproche dans l'idée de ce que l'on avait pu ressentir lors de la scène de sodomie de Ving Rhames dans Pulp fiction. Cet élément scénaristique, histoire dans l'histoire servant à dépeindre plus profondément le personnage de Lisbeth Salander, s'avère totalement réussi, aussi bien dans sa mise en scène, très clinique, que dans son impact émotionnel. La revanche de la victime sera quant à elle à l'avenant, frontale et sans concessions. Véritablement surprenant.
Millenium s'avère au final une très bonne surprise venue de Suède qui, à défaut de proposer une mise en scène inspirée et personnelle, constitue un thriller de très bonne facture, l'emportant avant tout par l'attention apportée à ses deux personnages principaux.