POETRY de LEE CHANG DONG

Publié le 24 août 2010 par Abarguillet

   VIDEO


Dans une petite ville de la province du Gyeonggi traversée par le fleuve Han, Mija vit avec son petit-fils, qui est collégien. C’est une femme excentrique, pleine de curiosité, qui aime soigner son apparence, arborant des chapeaux à motifs floraux et des tenues aux couleurs vives. Le hasard l’amène à suivre des cours de poésie à la maison de la culture de son quartier et, pour la première fois dans sa vie, à écrire un poème. Elle cherche la beauté dans son environnement habituel auquel elle n’a pas prêté une attention particulière jusque-là. Elle a l’impression de découvrir pour la première fois les choses qu’elle a toujours vues, et cela la stimule. Cependant, survient un événement inattendu qui lui fait réaliser que la vie n’est pas aussi belle qu’elle le pensait.

Ainsi commence  Poetry,  le beau film d'un cinéaste plein de promesses Lee Chang-dong, dont je vous ai déjà parlé et que je considère comme la tête de file de l'actuelle génération du cinéma coréen, dont le maître incontournable reste  Im Kwon-taek. Ce dernier n'a cessé d' interroger, à travers sa centaine de films, la place de l'art et de l'artiste dans la société. Néanmoins, le cinéma coréen revient de loin. De l'occupation japonaise jusqu'en 1945, de la guerre civile ensuite au début des années 50 et de la dictature militaire de 1960 à 1970, époque où l'on tourne volontiers des mélodrames confucéens, il a fallu attendre le lent retour de la démocratie en Corée du sud, à partir de 1986, pour qu'éclose une Nouvelle Vague adepte d'un certain réalisme social. Toujours est-il qu'aujourd'hui, le cinéma coréen affiche une insolente santé, offrant au public des films de qualité, en mesure de rivaliser avec ceux du cinéma international. Et de cela nous nous sommes aperçus, depuis quelques années, lors du Festival du Film Asiatique de Deauville.



" Composer une ode à la poésie, à travers le portrait d'une femme excentrique et élégante, arborant chapeaux et robes aux couleurs vives, redécouvrant le goût d'un abricot et s'extasiant devant le chant des oiseaux : un tel projet s'offre aux ricanements, risque des dérapages, de la sensiblerie au ridicule " - écrivait à juste titre Jean-Luc Douin dans le journal Le Monde, après que ce film ait été projeté au Festival de Cannes.
Or, il n'en est rien, le cinéaste coréen ayant su éviter les écueils qui risquaient de faire sombrer Poetry dans la mièvrerie. Celui-ci  avait déjà prouvé sa maîtrise dans le passé avec Oasis  ( 2002 ) qui brossait un tableau réaliste de la Corée d'alors, et surtout avec le très réussi  Secret Sunshine  ( 2007 ), dont je vous avais brossé, lors de sa présentation à Deauville, une critique enthousiaste.
Lee Chang-dong est un homme qui s'intéresse à tout puisqu'il n'est pas seulement metteur en scène mais écrivain et fut ministre de la culture dans son pays, et, principalement, aux réalités dérangeantes, aux gens sortant du lot commun, cherchant continûment à traquer la beauté là où l'on est peu habitué à la chercher, un oeil posé sur l'ordinaire et la trivialités des choses, l'autre occupé à découvrir les merveilles enfouies sous une chape d'indifférence, d'où un cinéma aussi peu conventionnel et académique que possible et un ton qui n'appartient qu'à lui et où l'on décèle un authentique talent.
Dans Poetry, Lee Chang-dong attarde son regard sur une grand-mère originale et son petit-fils, adolescent maussade, qui ne pense qu'à surfer sur internet, et vient de participer à l'irréparable avec cinq autres de ses camarades d'école. Aussi, tout au long de son opus, le réalisateur nous propose-t-il des indices pour mieux comprendre le mystère de cette femme aux prises avec un cas de conscience terrible qui déchire sa conscience et la partage entre deux pôles : celui de la justice et celui de la charité. Et cette vieille femme, qui n'est pas sans rappeler celles si touchantes du Lola de Brillante Mendoza, trouvera l'apaisement du coeur et de l'esprit grâce à sa quête anxieuse de la pureté. Interprétée de façon magnifique par l'actrice   Yoon Jung-hee, ce personnage émouvant, tout de complexité et peint en camaïeux par une caméra attentive, se tisse d'une intensité humaine d'une rare ferveur. BEAU.

Prix du scénario au Festival de Cannes

Pour consulter la liste complète des films de la rubrique CINEMA ASIATIQUE, cliquer  ICI

Et pour prendre connaissance de l'article que j'ai consacré à Lee Chang-dong, cliquer   LA