Buchet Chastel
ISBN : 978-2-283024-65-2
Chaque jour, Monika arrive la première à l’institut de beauté. Elle observe, écoute, juge parfois les clientes qu’elle voit défiler dans sa cabine. Toutes lui racontent des histoires, des plus anodines aux plus intimes.
Loin des chais lisses et insipides jetées en pâture à notre imaginaire, Fabienne Jacob fouille l’opacité du corps féminin, brossant un portrait sensible de la femme contemporaine, entre enfance, âge de tous les possibles, et maturité, âge de quelques lucidités.
Mon avis :
Par la voix de Monika, employée dans un petit institut de beauté, se dessine toute une série de portraits de femmes, aux vies, aux physiques et aux douleurs aussi variés que l’histoire. Jeunes, moins jeunes, belles ou ingrates, aux passés marqués par le drame ou aux existences ordinaires.
Il y a la femme du boucher, plus créature que femme, froide et blanche au milieu d’un environnement marqué par la mort dans ce qu’elle a de plus froid, de plus tranchant et de plus banal, celle de l’animal tué pour la nourriture.
Alix, son corps et sa froideur toute minérale, vidée de toute substance.
Il est question d’Adèle et de son mari mort depuis peu. Adèle, tondue à la Libération pour avoir osé aimer « un boche », marquée à vie par la stupide cruauté des règlements de comptes. Il y a aussi Ludmilla, femme d’un certain âge qui se refuse à vieillir et à être dans la plénitude de son âge.
Arrête le gloss, arrête les caleçons. C’est finit tout ça Ludmilla ce n’est plus pour toi.
Une femme est belle quand elle est dans la vérité de son corps, cette personne lui dirait. La vérité du corps est une coïncidence entre les années et la matière de la chair, entre l’extérieur et l’intérieur. Tant que tu n’auras pas compris ça, tu feras fausse route, tu te goureras Ludmilla.
Ces différentes figures de femmes, peintes de manière fragmentaire, alternent avec l’évocation de souvenirs d’enfance à la campagne dans un pays de l’est -que l’on imagine bien être la Pologne. Ces souvenirs, depuis celui de la mère morte de maladie jusqu’aux jeux avec la sœur tant aimée faisant ressortir les liens entre féminité, l’image d’une terre-mère nourricière et ambivalente.
Il est moins question de beauté plastique que de substance, de matière de femme, de féminité, comme d’un bloc brut dans laquelle la vie sculpterait son art. L’archétype féminin évoqué au fil du roman est infiniment ambivalent, destructeur et créateur tout à la fois, le corps s’imposant comme une sorte de frontière au-delà du monde.
L’écriture elle-même peut-être qualifiée de terrestre, parfois jusqu’à l’écœurement avec certaines descriptions organiques très développées.
Il y a malheureusement dans Corps certains flottements, notamment en raison des nombreuses alternances entre les portraits de femmes et les souvenirs, qui nuisent au rythme et à l’homogénéité de la narration. Il lui manque, pour moi, cette grâce, cette harmonique qui font les grands romans que l’on aime à relire.