Mes vieux jours

Il n’y a pas de plus long voyage que celui du retour.

Le trajet vers Montréal s’est fait sans embûches et la mer a rétréci peu à peu jusqu’à ce qu’elle puisse se faufiler sous le pont Jacques-Cartier. En route, j’ai eu le temps de méditer sur la question du rythme.
Il est clair que les tempos percéen et montréalais soient aux antipodes et que la lenteur, qui est certes apprivoisée en région, angoisse en ville. Aussi, je suggère à tous les citadins craignant le vide de faire l’expérience déroutante et quasi thérapeutique de  La belle visite de Jean-François Caissy, réalisateur de La saison des amours (2005).
Il s’agit donc d’une belle et longue visite étalée sur cinq saisons, dans une résidence de personnes âgées, celle-ci établie dans un ancien motel désaffecté sur le bord de la mer à Carleton. Les pensionnaires coulent lentement leurs jours, « du lit au fauteuil et du fauteuil au lit » comme le disait Brel. Le spectateur est témoin de leur intimité au quotidien, sans toutefois entrer dans leur vie privée. Car le documentaire construit en tableaux ne comporte ni narration ni entrevues avec les personnages, pour éviter la redite ou l’anecdote pittoresque, pièges auxquels a voulu échapper le réalisateur. Derrière la caméra admise partout, la présence du cinéaste est imperceptible et l’on se fait doucement bercé par la succession inlassable des instants qui sculptent la vie des résidents. Les repas, les visites de l’infirmière, les bingos, les discussions téléphoniques, les petits coups de gros gin pris à la sauvette et les annonces de la rubrique nécrologique.
Sur fond de solitude, ce documentaire poignant nous laisse assez de place pour que l’on puisse s’y projeter et entamer nos propres réflexions sur la veilleuse et la vie, la mort. La dernière scène en soi vaut le détour…
À voir dans le calme avec une provision suffisante de paparmanes.

http://labellevisite.com

Valérie Guerriat,

Frog Radio