La chute de Frédéric Hainard ne grandit pas ses adversaires

Publié le 23 août 2010 par Francisrichard @francisrichard

Il y a bientôt trois mois, j'ai rapporté sur ce blog le lynchage médiatique auquel se livrait Le Matin à l'égard de Frédéric Hainard, Conseiller d'Etat libéral-radical de la République et Canton de Neuchâtel [voir mon article Pourquoi tant de haine du Matin contre Frédéric Hainard ? ].

Par la suite les attaques ont continué de plus belle. Gageons qu'elles ne cesseront pas maintenant que l'élu du peuple a démissionné. Elles ne cesseront pas tant que la CEP (Commission d'enquête parlementaire), nommée par le Grand Conseil en mai dernier, n'aura pas terminé ses travaux sur les faits qui lui sont reprochés, tels que son intervention dans un dossier de tutelle ou les circonstances du recrutement de son amie dans l'administration cantonale.

"Frédéric Hainard est tombé", constate tristement, et amèrement, Philippe Barraud ici . Qui ajoute : "Cette démission n'est pas une victoire du système démocratique".

Je partage totalement ce point de vue et rappelle que, lors des dernières élections au Conseil d'Etat neuchâtelois, en avril 2009, Frédéric Hainard avait été élu en troisième position des candidats en présence, devançant ses deux collègues de parti, au premier ici, comme au second tour ici.

Il y a bien quelque chose de pourri dans la République de Neuchâtel...

Puisque la CEP continue ici sur lui ses investigations, j'espère bien qu'elle sauvera l'honneur neuchâtelois en soulignant la disproportion des faits reprochés avec l'acharnement systématique de tous ceux qui ont obtenu la chute du Conseiller d'Etat neuchâtelois.

Dans un sens Frédéric Hainard a bien fait de démissionner :

"M. Hainard pourra être présent lors de l'audition de certaines personnes alors que jusqu'à présent la CEP pouvait lui refuser ce droit car en tant que conseiller d'Etat, il pouvait exercer une influence."[voir l'article de 24 Heures  ici d'où provient la photo ci-dessus]. Ce dont la CEP ne s'est pas privée si l'on en croit l'intéressé.

Je reproduis intégralement ci-dessous la déclaration ici dans laquelle Frédéric Hainard annonce sa démission, assortie au passage de quelques commentaires :

"Chère concitoyenne, cher concitoyen,

Je vous fais part de ma démission de ma fonction de conseiller d’Etat. Je démissionne pour le 31 octobre 2010, date à laquelle la CEP devrait avoir rendu, au plus tard, son rapport.

[ce n'est donc pas un hasard si Frédéric Hainard a choisi de démissionner pour le 31 octobre] 

Au terme d’une rencontre dimanche matin, avec le président du Grand Conseil, l’autorité qui n’a jamais failli dans cette affaire, il est apparu que, quelles que soient les conclusions de la CEP, ce n’est plus seulement la confiance dans les élus qui est en jeu, mais la confiance dans les institutions qui est ébranlée.

[si le Conseil d'Etat, le gouvernement, ne s'est pas bien comporté à son égard, il n'en est donc pas de même du Grand Conseil, le parlement] 

Dans ces conditions, j’ai pris la décision de m’en aller.

Je prends cette décision en toute liberté et sans aucune contrainte. Mais c’est avec un regret immense et beaucoup d’amertume que je la prends.

Mon ambition, depuis mon élection, a toujours été d’avancer, de travailler, de réformer l’Etat, de le rendre plus efficient, plus proche des gens, moins discourant, plus entreprenant.

Aujourd’hui, je découvre que cette ambition n’est pas partagée au sein de certains cercles de l’administration ainsi que dans certains départements. Pour autant, je ne minimise pas mes erreurs.

J’ai été vite, j’ai été fort, j’ai été loin, ma mission me l’imposait. J’ai probablement été parfois trop vite, trop fort et trop loin.

[il n'est jamais bien vu par les caciques en place de bousculer leurs habitudes et de s'en prendre à leurs conservatismes]

Mais je l’ai fait de bonne foi, et dans l’intérêt, je crois, des citoyennes et citoyens du canton qui paient et donc qui méritent une administration plus efficiente.

Aujourd’hui, à la lecture des procès-verbaux d’audition de la CEP, je mesure les rancunes, les hargnes, les ressentiments provoqués par mon activisme et ma rage de réformer.

Quoi qu’il advienne désormais, il est évident qu’au terme des travaux de la commission d’enquête et quelles qu’en soient les conclusions, il ne sera plus possible de travailler en confiance avec certains de mes collègues du Conseil d’Etat. Quoi qu’il advienne désormais, je ne suis plus en mesure de réformer cet Etat parce que le discrédit jeté sur mon action et sur mes méthodes est trop lourd.

[cela ne va pas être facile de réformer cet Etat ...] 

Dès le 1er novembre, ailleurs, en d’autres fonctions, mais avec la même volonté, le même dynamisme, la même force, j’entends continuer à oeuvrer pour réformer cet Etat et en détailler le fonctionnement pour sa population. Parce que c’est absolument nécessaire.

Jusqu’à cette date, je souhaite pouvoir me consacrer à répondre aux demandes de la commission d’enquête parlementaire et d’user de mon droit élémentaire d’être entendu : les auditions de la CEP ont eu lieu sans que je sois autorisé à y participer. Dès lors que ces auditions n’offrent qu’une vue partielle de la réalité, il convient que je puisse poser à mon tour les questions que je juge pertinentes pour faire toute la lumière sur cette affaire.

[cette démission va lui laisser davantage de latitude pour se défendre et, je l'espère, clouer le bec à ses détracteurs]

D’ici là, je souhaite aussi que le Conseil d’Etat me libère de mes attributions. Devant mes services et pour la durée de l’enquête de la CEP, il me faut être libre : mes chefs de service et les personnes que je souhaite faire entendre doivent aussi pouvoir parler en toute liberté, sans conflit de loyauté. Désormais, ils savent qu’ils répondront devant un autre chef et qu’ils n’ont pas à me rendre de comptes d’ici là.

Je lève aussi toute ambigüité concernant l’article calomnieux publié jeudi dans la presse de boulevard. La plainte annoncée sera bel et bien déposée et justice sera bel et bien rendue. Je regrette seulement qu’à l’heure où je rédige ces lignes, je ne suis toujours pas en possession des documents ni des procès-verbaux de la CEP sur l’affaire Olivia.

[l'article du Matin de jeudi dernier - l'expression "la presse de boulevard", c'est-à-dire la presse à scandales, vise ce journal populiste dans le plus mauvais sens du terme - peut être lu ici]

En conclusion, je mets en garde mes concitoyens : ce canton ne trouvera pas de salut tant qu’il ne trouvera pas le courage de changer ses molles habitudes et ses petits arrangements entre amis. Je n’étais pas fait pour ce monde discrètement policé, de concessions plus ou moins honteuses, de capitulations secrètes.

[Il est vrai qu'il s'est comporté comme un éléphant dans un magasin de porcelaine...]

Par ma démission, je pense donc servir utilement l’Etat et ne pas trahir les Neuchâteloises et Neuchâtelois."

Philippe Barraud, qui est bien informé, conclut lui son article par ces deux phrases sibyllines :

"[Cette affaire] laisse ouverte une question qui, apparemment, n'intéresse personne, même pas Le Matin : comment se fait-il que, alors même que des événements comparables se passent au gouvernement vaudois, personne n'y retrouve à redire ? On l'a dit : cela n'intéresse personne... "

Poser ce genre de question, c'est y répondre ...

Francis Richard