C'était prévisible. Après la réunion de Brégançon, certains ministres allaient assurer le service après-vente de la
détermination gouvernementale. Christine Lagarde fut envoyée parler au Financial Times, François Baroin au Figaro. Le ministre du budget s'est malheureusement livré à un bel exercice de langue de
bois.
Reprenons ses arguments.
La prévision de croissance serait sérieuse.
Baroin ne voit aucune contradiction à baisser la prévision de croissance après s'être félicité des chiffres du second
trimestre: « L'activité économique au premier semestre 2010 a été en ligne avec nos prévisions, et nous devrions terminer l'année sur une croissance de 1,4 %, voire même au-dessus. Pour
2011, nous avons une prévision volontariste et réaliste. » Comprenez : il est probable qu'on abaisse encore notre prévision pour 2011.
Baroin n'a pas peur des agences de notation
On attendait le ministre plus lucide: la réunion de Brégançon n'était -elle pas la conséquence directe d'une menace de
dégradation de la note de crédit de la France par Moody's ? La meilleure façon de ne pas répondre à la question est encore ... de ne pas se faire poser la question ! Le Figaro,
sur ce coup-là, est très fort: « Êtes-vous inquiet pour la notation financière de la France ? » La réponse suit : « non » Et hop
! Sujet évacué !
Supprimer une niche fiscale ne serait pas une augmentation d'impôt.
Vendredi, Sarkozy a fait répéter dans son communiqué officiel que l'impôt sur le revenu, sur les sociétés, et la TVA
n'augmenteront pas. C'est son crédo. Mais comme on lui a rétorqué que supprimer une niche fiscale revenait à augmenter les impôts, il fallait rassurer l'électorat inquiet de voir son Monarque
pris en défaut. L'explication acrobatique de Baroin est risible: « Nul n'est obligé d'utiliser une niche fiscale pour réduire son impôt : c'est une décision personnelle. En revanche, une
augmentation générale de la fiscalité pénaliserait tout le monde. » Du vrai pipo ! Les niches fiscales allègent l'impôt. Les supprimer augmentent l'impôt. Et d'ailleurs, le taux de
prélèvements obligatoires qu'on nous renvoie systématiquement dans les comparaisons internationales est calculé net des abattements fiscaux.
Les plus fragiles seraient protégés...
Le Figaro insiste: « Toutes les niches ne sont pas «choisies». Certaines réductions
fiscales correspondent à des charges de famille, à des situations de handicap, d'invalidité, d'âge. Seront-elles rognées elles aussi ?» Baroin a la réponse : « les
publics fragiles seront épargnés. » Mais il complète: « Trouver 10 milliards d'économies sur les 75 milliards de dépenses fiscales et sur les 45 milliards de
niches sociales représente un effort substantiel. » La belle affaire !! Le gouvernement exhume son concept de la niche sociale. Certes, les cas criants - ce que Baroin appelle pudiquement les publics
fragiles - seront facialement épargnés. Mais pour le reste, les classes moyennes payeront: elles utilisent à plein les soi-disant niches fiscales et sociales dont elles peuvent
bénéficier.
... L'épargne des Français aussi
Au Figaro inquiet pour ses lecteurs qui lui demande si l'épargne va être fortement taxé, Baroin est rassurant : «
Une des réussites de l'économie française, c'est l'épargne de ses ménages. Nous serons très attentifs à ne pas la déstabiliser. De façon générale, nous souhaitons protéger le pouvoir d'achat
des Français. » Là encore, le ministre use d'un vieux stratagème : noyer le sujet, mêler l'épargne des plus riches avec celle du plus grand nombre. La « Veuve de Carpentras » et les
invités du Fouquet's, même combat !
Les efforts seraient partagés
« L'idée est de partager l'effort entre les entreprises et les ménages ». Qui va donc payer les efforts de la
rigueur ? Dans cette interview, François Baroin rechigne à désigner les victimes. Il glisse quand même que l'objectif de 10 milliards d'euros de rabot de niches fiscales et sociales est quasiment
trouvé, à 2 milliards près, grâce à la réforme des retraites. Pas en mot, en revanche, sur les dépenses d'intervention (aides et subventions) qui seront réduites.
Les niches fiscales sont agitées comme un épouvantail pour concentrer les commentaires et éviter de parler du reste.
Sarkofrance