U vert ...

Publié le 23 août 2010 par Myriam
U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ;  

Grant Wood (1), Stone City, Iowa (2), 1931,
huile sur toile, Joslyn Art Museum, Nebraska

« A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles, / Je dirai quelque jour vos naissances latentes. » On a proposé bien des explications pour cette couleur des voyelles, la plus plausible demeurant, semble-t-il, la solution anatomique. Le sonnet de Rimbaud ne serait rien d’autre qu’un blason du corps féminin, dans la tradition de la galanterie énigmatique. A, la vulve (« noir corset velu... »), E, les seins (« lances des glaciers fiers... »), I, la bouche (« rire des lèvres belles... »), mais, comme il est bien difficile de trouver à la surface du corps le moindre signe vert, hormis la pupille (mais celle-ci est confisquée par « O bleu »), on ne voit pas comment le jeune Arthur a pu s’acquitter de sa gageure érotique. « U, cycles, vibrements divins des mers virides, / Paix des pâtis semés d’animaux, paix des rides / Que l’alchimie imprime aux grands fronts studieux. » Soit : 1) les « cycles » (végétaux ?), qu’on verrait plutôt circulaires (O) ; 2) l’ondulation des « mers virides » ; 3) la verdure des prairies ; 4) les rides (en U ?), mais, outre que celles-ci ne sont pas spécialement vertes, ces « grands fronts studieux » n’ont rien de féminin.
J’ai publié autrefois un roman, dont cinq chapitres avaient pour titres les voyelles de Rimbaud. Je viens de relire « U vert », où l’héroïne, Cécile, se promène au printemps le long du canal du Berry. Tout y est placé sous le signe du vert, les peupliers, leurs reflets, le chemin de halage, les mousses à la surface de l’eau, la graminée que suçote la jeune fille. C’était vraiment ma « journée verte ». Hélas, trente ans après, je ne discerne plus la raison de ce U. Et pourquoi serait-il vert ? Mystère. (3)

(1) Un article très intéressant sur le blog de la peinture sur Grant Wood 

(2) Un clin d'oeil à Joye l'Iowagirl !

(3) Ecrits d'Alain Roger