Réanimation

Atmosphère

    Un peu de relecture des derniers posts m'a fait comprendre que ces derniers temps, l'orthographe c'était pas mon fort, et la kinésithérapie non plus... En fait, je dois dire que vu ma sale nuit, j'ai tendance à être ailleurs... 

Un secret : je me suis faite la promesse que plus jamais un homme me mettra à genoux à l'âge de 16 ans. Cette promesse m'aidait à faire face à la vie qui se profilait devant moi, à adopter un nouveau prénom pour une nouvelle vie, même si cette nouvelle vie est semée d'échec, de ruptures, de changements, depuis que je l'ai embrassée.

Et là, je suis enfouie dans ce qu'on pourrait appeler un magma sentimental qui ne me ressemble pas. Et qui pourrait me blesser à nouveau. Et ce qui me fait peur, c'est de ne pas avoir d'identité de rechange, pour le cas où mon âme se briserait à nouveau. 

Et de ne pas pouvoir me relever...

Depuis, que je me suis faite cette promesse, je vis dans la peur de ne pas me relever des épreuves que je pourrais vivre... De ne pas être assez forte... De ne pas avoir assez de cran... de punch... 

Pourtant, finalement, je m'en sors toujours.

Mais les émotions c'est quelque chose de dangeureux...

Cela a tout de même du bon, j'oublie mon lieu de stage... Et ca ca fait du bien... et ma vie sur le net, ca aussi ca fait du bien ! 

     La réanimation, c'est quelque chose d'étrange...

Je n'y suis pas à l'aise, je me sens inutile en tant que stagiaire mais surtout l'abscence de vie me dérange. J'aime le dialogue, l'échange, parler aux patients, les découvrir... les faire parler, les délivrer de leurs angoisses, les aider à se remettre. 

Je me sens plus à l'aise face à mes patients me demandant de mourir, qu'en réanimation où les patients meurent ou rechutent !

Pour une fille qui voulait être légiste c'est étrange !

Quelqu'un m'a encore demandée si le fait que je dise ne rien regretter c'était une facon de m'en convaincre ! Ca m'énerve parce que certes je ne suis pas en médecine, et alors ? J'ai jamais eu la prétention de vouloir sauver des vies, je voulais vivre dans les affres des victimes, des souffrances, parce que c'est la seule émotion auquelle je suis habituée qui ne m'effrait pas...

Donc, non, je ne regrette pas d'être en kiné, j'y suis à ma place. 

Et je suis heureuse de ne pas avoir eu médecine finalement. Et je ne m'en convaincs pas, je le pense.

      La réa, c'est le monde hospitalier à l'envers.

Les patients ne parlent pas, alors les relations inter disciplinaires se développent : les médecins sont agréables en réa. Je les aime bien. C'est tellement plus humble que le monde réel. Dans le sens, que porter le même uniforme donne une espèce d'unité loin de la supériorité que l'on ressent parfois. Les règles d'hygiène s'applique à tous, et pas seulement au petit monde inférieur que nous sommes !

Les patients se battent en silence pour vivre quand dans le monde réel ils se battent parfois pour mourir.

La réanimation tout le monde est joyeux ! Ok, c'est simpliste. Personnellement, j'étais à deux doigts de pleurer en voyant un homme se jeter sur la main de son enfant. Parce que ca faisait trop mal toute cette douleur. Toute cette inutilité que l'on ressent à être juste spectateur de la souffrance de quelqu'un. On se dit qu'on ne devrait pas être là. Qu'on ne devrait pas s'imiscer là dedans. Qu'on est de trop.

Mais globalement, quand les gens sont en réa, le personnel est souriant, joyeux, rit...

Ca me surprend toujours, surtout quand je croise le regard d'un proche en visite qui semble si perdu, si triste... et que j'entends en arrière plan un rire d'une infirmière. Je me dis, qu'on vit en réa sur une autre planète. Quelque part dans les limbes, à mi chemin du paradis et de l'enfer. 

Parce que nos rires réels semblent discordés avec le réel que vivent nos patients.

Et la souffrance de leur proche.

Et puis, y a ces gestes du quotidien qui font plus de mal que la mort. Parce qu'ils sont ridicules et tellement humain. 

Je ressens à chaque fois de la douleur, devant ces gestes là... comme si c'était pas normal. Un détail en trop dans la scène. Pas assez vierge, pas assez propre...

Y a ces patients avec des chaussettes aux pieds, alors qu'ils sont nus... Pourquoi mettre des chaussettes à un patient en réa ? Il n'entend pas, il est sédaté, il ne ressent rien, il est curarisé... et les proches mettent des chaussettes.

Pourquoi ? Parce qu'il aura froid ? Parce qu'il n'aime pas ses pieds ? Parce que ca le protègera du malheur ? 

C'est tellement ridicule et humain. Que c'est destabilisant.

Que ca fait mal par moment.

Comme cette dame d'un certain âge avec son vernis rose... Elle est branchée de partout, elle est sale... dans le sens, qu'elle aurait sérieusement besoin d'un shampooing, elle sent bon toutefois, y a du sang dans les drains qui coulent, des bip des machines autour... et elle a du vernis aux mains !

C'est absurde !

Ces petites mains si soignées... si propres... si maquillées...

On a envie de voir ces détails sur des gens vivants dans le sens du terme, à savoir qui parle, joue, écoute, rit ou pleure. Alors que là, elle est sagement endormie, peut être même qu'elle ne nous entend pas quand on lui explique ce qui se passe, ce qu'on va lui faire, qu'on lui parle...

Et elle porte ce vernis si soigné...

Absurde. Humain. Triste.

Y a aussi les retours de réa... où les patients expliquent en boucle qu'on les attachés, qu'ils ne comprennaient pas pourquoi... Qu'ils l'ont mal vécu... 

On m'a expliquée en cours que c'était interdit d'utiliser des contentions sur des patients sans leur consentement. Faut croire que ce n'est pas le cas... J'en ai vu souvent... en réa... Et je peux à la fois comprendre pourquoi... et le sentiment des patients qui se réveillent attachés... 

Souvent on les voit après le réveil quand le tuyau d'intubation les fait s'agiter, et la tachicardie qui menace... la tension qui s'envole... ca doit être tellement horrible comme sensation. Attacher, et cette machine qui vous respire dedans... Qui encombre votre gorge. 

     Oui, la réanimation c'est un monde à part.

Ni mieux, ni pire...

Mais il faudrait parfois prendre un peu de la réa pour l'insérer dans notre monde réel. 

Comme les relations interpersonnelles. 

Comme instaurer un uniforme unique.

Comme s'entraider entre collègues.

Comme les discussions, les débats... 

Comme le soutien devant les patients qui clamsent...

      Et en pédiatrie... ca remet encore plus les choses en questions.

On se dit, comment on peut encore ne pas accepter l'euthanasie ?

Comment on peut encore accepter qu'un enfant naisse consciemment avec une malformation ?

Comment on peut vouloir avoir un enfant ?

Comment on peut souhaiter être enceinte ?

Comment on peut vivre à la mort de son enfant ?

Comment on peut encore être un couple après cela ?

Comment on fait ?

Comment on vit tout cela ?

Comment...

Parce que quand je vois tout cela... je me pose des questions... je me demande pourquoi, je me demande comment... 

Et j'ai aucune réponse.

Tout cela me dépasse.

Et parfois, quand je vois la tristesse, l'attente, l'espoir d'un parent, j'ai juste envie de pleurer, je regarde mon bloc note, et je tache de ne pas relever les yeux... parce que je ne suis pas sure d'être le pantin que je peux être parfois, vierge de toute émotion.

Ce qui est stupide, parce que finalement, un enfant qui meurt... c'est juste un adulte en devenir qui n'existe plus.

Pourtant, un enfant... reste toujours un enfant. Sage, immaculée, beau, parfait... Quelqu'un de bien.

Quelqu'un qui n'a pas vécu.

En réa... la vie est souvent injuste

Kath.