Réf DT 29: L’art d’opposer

Publié le 22 août 2010 par 1132nd

Plus une inspiration, plus un modèle. Ayant perdu son art d'opposer, Paul Bérenger est aujourd'hui un guignols aux yeux d'une bonne partie de la population.

100 jours de mandat. Si la population a choisi l’Alliance de l’Avenir pour gouverner pendant les prochains cinq ans, elle a aussi choisi la feu Alliance du Coeur pour opposer le gouvernement à sa place. Paul Bérenger aura beau dire que les travaux parlementaires ont été ajournés « dans la panique » (certes il y a l’épisode où le ministre travailliste Shakeel Mohamed a traité l’allié politique Mouvement Militant Socialiste de « petit parti », ceci ayant pour résultat des frictions internes au sein du gouvernement), mais le leader de l’opposition peine à masquer son échec dans ce mandat que le peuple lui a confié.

Une opposition se définit sur deux axes. D’abord elle est un contre-pouvoir : elle est mandatée – à travers l’Assemblée Nationale – de veiller à ce que le gouvernement n’agisse pas dans un sens contraire à l’intérêt de la nation. Ensuite, elle représente une possibilité d’alternance politique. Sur ce dernier axe, l’opposition a lourdement failli lors des dernières élections générales. Et aujourd’hui, le Mouvement Militant Mauricien faillit à sa tâche de contre-pouvoir. Malgré les « neuf Private Notice Questions (PNQ) et 363 Parliamentary Questions (PQ) posées depuis la première séance parlementaire ».

L’opposition n’a pas manqué de points pour embarrasser le gouvernement pendant ces premiers 100 jours de mandat. D’ailleurs, les Standing Orders de l’assemblée nationale jouent en sa faveur : un ministre peut refuser de répondre à une question. Mais il le fait en prenant un risque politique. Une opposition, menant bien son rôle de contre-pouvoir, aurait su s’épauler de la presse et de l’opinion publique pour exposer ces prises de risque du gouvernement – a l’intérieur ou en dehors de l’hémicycle – et ainsi faire perdre des points politiques à celui-ci.

Toutefois, Paul Bérenger n’a pas su en profiter. Ces 100 jours passés, pour moi, confirme ma conclusion des dernières élections générales: le gouvernement n’a pas remporté ces élections, c’est l’opposition qui les a perdues. Paul Bérenger semble aujourd’hui avoir perdu ce qui le caractérisait comme Leader de l’opposition de carrière: l’art d’opposer.

Ci-dessous, des extraits d’interventions de l’opposition – en ordre chronologique inversée – lors de cette première séance parlementaire, tel que rapporté par la presse locale, suivis de commentaires :

À plusieurs reprises, le leader de l’Opposition, Paul Bérenger a eu Ti Vegas comme thème de ses conférences de presse hebdomadaire. Jeudi soir, toutefois, sollicité pour une réaction face à ses demandes répétées de fermer ce casino, il nous a d’abord raccrochés au nez. Quand on l’a rappelé vers 20h05, il lâchera un « mo occupé la matelot » d’une voix pâteuse.

Le Défi Plus

  • Le journaliste lésine à peine sur les insinuations par rapport aux problèmes d’alcoolisme du leader de l’opposition.

Bérenger : The minister is tuiting (nouveaux éclats de rire). Il dit qu’il déposera les six documents. Peut-il confirmer si l’accord final a été signé et s’il est disposé à déposer une copie de cet accord sur la table de l’Assemblée nationale ?

Soodhun : Je n’ai aucun problème. Aucune objection du côté du ministère. La difficulté se trouve au niveau de Betamix. Legally, we can’t do it…

Le Mauricien

  • L’opposition n’arrivera pas à faire broncher le ministre Showkutally Soodhun, bien que celui-ci se réfugie derrière l’éxecutif pour éviter de répondre. Ce refus comporte un gros risque pour le capital politique du gouvernement. L’opposition ne réussira pas à capitaliser sur cette prise de risque.

Que pense le Premier ministre des agressions perpétrées contre les journalistes dans l’exercice de leurs fonctions ? « Quand on a des droits, il faut assumer ses responsabilités. » Navin Ramgoolam ne bronche pas quand il répond à cette question supplémentaire du député mauve Alan Ganoo au Parlement, hier. Il va même plus loin. « Les journalistes doivent respecter la vie privée des autres. Ils ne le font pas et je pense que les sanctions ne sont pas assez sévéres ! » La question initiale était de Cehl Meeah qui, sans doute, voulait régler des comptes avec les journalistes aprés ses déboires avec la presse durant toute l’affaire de la chambre 216.

L’express

  • Au lieu d’embarasser le gouvernement sur la menace qui pèse sur les libertés d’informer et d’expression à Maurice, l’opposition réussit à fournir au Premier ministre une occasion pour qu’il règle ses comptes avec la presse. Face à l’arrogante réponse du Premier ministre, l’opposition ne reviendra pas sur cette question, elle a déjà contribué à compromettre la crédibilité de l’autre composant du contre-pouvoir: la presse.

« C’est le Premier ministre qui décide de la composition de sa délégation en fonction de la nature de la visite. » S’agissant des pays visités, il répondra : « Le public est informé de toutes mes missions et des pays à visiter seulement aprés que le Conseil des ministres en a discuté. (…) Un communiqué précisant mes voyages ministériels est alors envoyé à la presse. » Cependant, le ton sec du PM de même que sa mine renfermée quand il répondait à la question, n’aura pas eu raison du député mauve. Toutefois, la témérité de ce dernier ne durera pas longtemps. En effet, alors qu’il insiste pour avoir certains détails que le PM a omis de donner, ce dernier furieux laissera tomber : « J’ai déjà dit, you s….. ….* » . L’injure devait être dit d’un ton plus bas.

Une autre montagne aura accouché d’une autre souris, serait- on tenté de dire aprés la Private Notice Question ( PNQ) d’hier portant sur l’allocation des contrats publics au Parlement. Pourtant, Paul Bérenger annonçait en fanfare, samedi, lors de sa conférence de presse hebdomadaire, qu’il donnait « exceptionnellement un préavis » au ministre des Finances, Pravind Jugnauth, en lui dévoilant le sujet de sa PNQ. Pour que ce dernier ait le temps de se préparer. Il n’y a pas eu d’étincelle, hier. Ce qui a même poussé certains, du côté de la majorité, à dire que c’était une question « fi zet » . Une « fi zet » en surface cependant, car, mine de rien, Paul Bérenger aura réussi à obtenir la liste de tous les contrats publics alloués par les ministéres, corps parapublics et départements gouvernementaux depuis 2008.

L’express

  • L’arrogance du gouvernement face à certaines questions aurait du être une occasion pour l’opposition de leur faire perdre des points politiques. Au lieu de ça, l’opposition alimente cette arrogance dans les réponses parlementaires, sans donner de réplique.

C’est la firme Ireko qui a obtenu le contrat pour rénover l’Hôtel du gouvernement. Ce contrat de presque Rs 330 millions n’a pas fait l’unanimité et avait été contesté par deux des soumissionnaires. le Premier ministre par intérim, Rashid Beebeejaun, n’a pas souhaité divulguer de vive voix le nom de tous les soumissionnaires et le montant de leurs offres respectives, mais il s’est engagé à déposer le document.

Lors d’une Private Notice Question ( PNQ) le 8 juillet dernier, le leader de l’opposition avait demandé au Premier ministre de déposer la correspondance entre les autorités mauriciennes et le Crown Prosecution Service de la Grande- Bretagne concernant les démarches portant sur la demande d’extradition de Teeren Appasamy. Navin Ramgoolam avait précisé qu’il ne s’agissait pas de documents officiels, mais de correspondance et qu’il ne voyait pas d’inconvénient à ce que ces papiers soient déposés au Parlement. Or, hier le Premier ministre suppléant, Rashid Beebeejaun, a affirmé au député mauve Reza Uteem que ces correspondances sont classées confi dentielles et ne peuvent être déposées à l’Assemblée nationale! L’opposition n’a pas relevé la contradiction.

L’express

  • Les parlementaires ont le droit de refuser de répondre à une question. Mais ils le font en prenant un risque politique face aux électeurs. Il incombe alors au contres-pouvoirs de relever ces inconsistances du gouvernement. L’opposition semble avoir passé son tour sur cette question.

La Commission nationale des droits humains est en hibernation. Alors que la loi prévoit que cette commission soit composée d’un président et de trois autres membres, il n’y a actuellement que le président en poste. Le contrat de deux des trois membres a expiré en 2009, le troisiéme a démissionné en septembre de l’année derniére. Le Premier ministre par intérim, qui répondait, hier, aux questions parlementaires adressées au Premier ministre, n’a pas donné les raisons de ce mauvais fonctionnement.

« Je ne suis pas au courant que les détenus ne travaillent plus dans les prisons, » a répondu le Premier ministre suppléant à Paul Bérenger. Cela aprés avoir récité une liste d’activités qui seraient pratiquées dans les prisons dans le but de réhabiliter les détenus. La liste était tellement longue que le leader de l’opposition a eu du mal à se retenir. « A vous écouter, on dirait que tout va trés bien, Madame la Marquise dans les prisons ! » Rashid Beebeejaun ajoute aussi que les organisations non gouvernementales avaient accés à la prison.

L’express

  • Malgré le nombre d’articles de presse suivant l’évasion de 34 prisonniers de la prison de GRNO, le gouvernement prétend ne pas être au courant de la situation d’oisiveté des prisonniers à Maurice. L’opposition ne reviendra pas sur la question.

Au lieu de se réunir une fois par mois, le conseil d’administration de la MBC ne s’est réuni qu’à trois reprises depuis l’entrée en fonction de Dan Callikan en juin 2009. « La MBC n’a pas adhéré strictement à la loi en ne réunissant pas son conseil d’administration chaque mois. » C’est ce qu’a répondu Navin Ramgoolam à Rajesh Bhagwan, qui l’interrogeait sur la MBC. Paul Bérenger intervient alors pour dire que ce n’est pas une question de « ne pas adhérer strictement à la loi ou pas. La MBC n’a pas adhéré à la loi, un point c’est tout ! »

L’express

  • Outre les autres frasques associées à la Mauritius Broadcasting Corporation, le conseil d’administration de la station nationale de télévision n’adhère pas à la loi, et cet aveu n’inspire pas plus au leader de l’opposition que ce constat sommaire. La question ne sera, une fois de plus, pas reprise.

Point étonnant que devant la réponse singulière de Showkutally Soodhun – qui récitait un chapelet de formules stériles – le leader de l’opposition choisira de l’interrompre pour demander au speaker, Kailash Purryag, d’intervenir. « Moi non plus, je ne suis pas ! » devait s’exclamer le speaker. Il demande au ministre de l’Industrie de faire circuler les détails techniques relatifs à la structure des prix tout en lui demandant de répondre à la PNQ. Mais peine perdue. Showkutally Soodhun se perdra une fois de plus dans ses détails techniques. Et quand Kailash Purryag l’invite de nouveau à en venir au fait, le ministre est totalement perdu. A croire qu’il n’y avait pas de réponse simple dans ses papiers. Donc, il bégaie, tente d’improviser et est aidé par des fonctionnaires présents dans l’hémicycle, qui lui passent des notes (…) Aprés quelques minutes de silence, Showkutally Soodhun trouvera enfin une réplique : « Je n’ai pas la réponse ».

L’express

  • Le ministre du commerce n’a pas de réponse, mais aura réussit dans ce qu’il avait l’intention de faire dès le départ: jeter un nuage de poussière dans les yeux de l’opposition. Celle-ci tombera dans le piège et n’aura aucune autre question.

* J’ai beau essayé de deviner ce que cette injure aurait pu être, mais les multiples combinaisons possibles du mélange entre le créole, l’anglais et le français ont eu raison de mon imagination. J’aurai volontiers demandé vos suggestions, mais censurées celles-ci ne seraient qu’un retour à la case de départ.