Chronique du lundi 23 août 2010
La Nouvelle-Zélande a remporté le Tri-Nations 2010 alors qu’il reste encore 3 journées et que l’équipe a démontré une capacité à se sortir de toutes les situations. Menés, à quelques minutes du coup de sifflet final, par des Sud-Africains dont l’impact physique avait été impressionnant en 1ère mi-temps, les All blacks ont réussi, malgré un nombre de fautes impressionnant à ce niveau, à toujours rester dans le match pour accrocher le bonus défensif qui était l’objectif initial et, même mieux, à marquer 2 essais en moins de 4 minutes pour renverser la situation et l’emporter 29 à 22. Est-ce à dire que les néo-zélandais sont et seront intouchables dans un an ?
Les forces de cette équipe : sa capacité à marquer des points dans toutes les situations.
La performance des All Blacks face à l’Afrique du Sud est loin d’être parfaite. Les joueurs néo-zélandais ont été dominés physiquement à l’impact pendant une grande partie du match, à tel point qu’ils ont concédé un nombre de fautes impressionnant qui, normalement aurait dû leur coûter le match. Néanmoins, ils ont réussi à marquer 29 points à une défense Sud-Africaine qui, même si elle a craqué à la fin du match, avait fait preuve d’une bonne organisation et d’une agressivité au plaquage qui aurait mis à mal beaucoup d’équipes. Avant cela, les néo-zélandais avaient battu 2 fois leur adversaire en dépassant les 30 points et 2 fois les Australiens en marquant notamment 49 points lors du 1er match. C’est vraiment cette capacité à marquer des points qui est impressionnante. Les All Blacks ont marqué 20 essais en 5 matchs, ce qui veut dire 4 essais par match ! Si on rajoute les points au pied de Dan Carter, cela commence à faire beaucoup, beaucoup de points. Sur le match de ce week-end, la défense Sud-Africaine a été performante puisqu’elle n’a encaissé que… 29 points ( pour être honnête, elle a été très performante pendant 77 minutes avec 1 seul essai encaissé puis s’est écroulée ensuite ). Quand on regarde la répartition des marqueurs d’essai, on retrouve 14 essais qui sont l’oeuvre des trois-quarts dont 8 essais par le triangle arrière. Attention, quand même, Muliaina marque 4 essais à lui tout seul et les ailiers sont 4 à marquer chacun un essai, ce qui finalement n’est pas exceptionnel. Par contre, au centre, Ma’a Nonu a performé 3 fois. Les avants ont, eux, marqué 6 essais soit un peu moins d’un tiers des essais avec 2 réalisations pour McCaw et… Woodcock. La Nouvelle-Zélande n’est pas qu’une traction arrière et les adversaires des All Blacks ont souffert face à un pack qui a su être performant.
Au niveau des individualités, la saison 2010 aura permis à un certain nombre de joueurs de progresser et de véritablement montrer leur potentiel à côté des valeurs confirmées comme McCaw, Carter, Smith et Nonu dont l’association semble atteindre une certaine harmonie qui n’est pas une bonne nouvelle pour les adversaires, Muliaina, qui est revenu de blessure plus solide physiquement et très performant dans ce Tri-Nations, et Thorn qui a été exceptionnel de bout en bout. J’ai apprécié la montée en puissance de la 3ième ligne Read – Kaino qui, sur certains matchs, a survolé physiquement le match. A la mêlée c’est Weepu qui, pour moi, a le plus progressé. Il accélère le jeu et fait généralement les bons choix en étant un animateur solide et dangereux. La comparaison avec Cowan sur le match de samedi est révélatrice, même si Cowan revient de blessure et a joué au moment où les All Blacks était dominé. Devant, l’arrivée des frères Franks fait du bien au pack Néo-Zélandais, même si la mêlée Black a encore souffert ce week-end. La touche néo-zélandaise reste performante, elle a réussi à voler des ballons aux Sud-Africains, la référence en la matière même si Botha et Rossouw n’étaient pas là. Donnelly y est certainement pour quelque chose même si son jeu a des déchets par ailleurs.
On peut en tout cas conclure que les All Blacks possèdent un groupe qui donnent des garanties d’homogénéité beaucoup plus importantes à la fin de ce Tri-Nations même si, comme on va le voir, tout n’est pas aussi beau qu’il pourrait paraître. Au moment d’en finir sur les points forts, il ne faut pas oublier la capacité de cette équipe à défendre. On l’a vu notamment contre l’Australie ( 2ème match ) où l’organisation de la défense néo-zélandaise a impressionné. Même quand cette équipe ne marque que 20 points, elle est capable de défendre suffisamment pour remporter la rencontre…
Les faiblesses de cette équipe : Elles existent et pourraient ressortir en 2011.
Est-ce que la Nouvelle-Zélande a autant d’avance que cela sur ses adversaires et restera autant dominatrice l’année prochaine, pour la Coupe du Monde ? Pour répondre a cette question, il faut aussi regarder l’état des adversaires. En effet, mis à part le niveau d’engagement physique fourni, l’équipe Sud-Africaine n’a pas montré grand chose si ce n’est justement, son incapacité à montrer une quelconque intelligence de jeu. Sa charnière a été quelconque, voire pire même quand Morné Steyn a relancé les Blacks en tapant directement dans l’en-but une pénalité. Il manque un certain nombre de joueurs cadre et le retour de Mtawarira, Botha, Brussow et surtout DuPreez, François Steyn, Fourie devrait permettre à Habana et Aplon de se mettre enfin en évidence même si la question de l’ouvreur est loin d’être résolue. Les All Blacks l’ont emporté ce week-end car ils maîtrisent très bien leur rugby, ils ont un esprit et une force collectives supérieures à leurs adversaires et ils ont, bien sûr, des joueurs de grand talent. Cela fait la différence en 2010 mais en 2011 où, à partir de juillet toutes les équipes seront placées dans les mêmes conditions et avec un envie d’être champion du Monde très forte, je ne pense pas que la Nouvelle-Zélande possédera un véritable avantage autre que celui du terrain. Et encore, celui-ci, avec la pression que représentera le poids d’une nation, pourrait se retourner contre l’équipe. Comme lors des éditions précédentes où les All Blacks étaient largement favori avant, il n’y a aucune certitude quant à la possible domination de cette équipe.
Les preuves d’une possible faiblesse All Blacks ? Elles sont à mon avis de plusieurs ordres. D’abord devant. On a vu la mêlée néo-zélandaise souffrir face à son adversaire et ne toujours pas avoir retrouvé le niveau qu’elle avait lorsque Karl Heyman jouait. C’est vrai qu’il y a du mieux depuis l’incorporation des frères Franks en plus de Woodcock mais cela reste encore fragile. Je crois que Ben Franks, le droitier, va devenir sans problème une référence mondiale à son poste, mais, pour cela, il a besoin de matchs et la Coupe du Monde risque d’arriver un peu tôt. Mettre sous pression la mêlée néo-zélandaise reste, pour des équipes comme la France, une bonne opportunité pour bloquer au près la 3ème ligne Black et obliger Carter à jouer en reculant. Au niveau de la touche, on a vu que celle-ci restait performante et avec la progression du jeune Whitelock, 2m02, et le possible retour d’Ali Williams, ça peut vite devenir compliqué de défier cette équipe à ce niveau-là. En 3ème ligne l’association Kaino Read a montré de belles choses pendant le Tri-Nations mais je ne trouve pas ces 2 joueurs très complémentaires. Pour le moment, le talent de McCaw donne à la troisième ligne All Black un niveau d’excellence hors du commun, mais si le capitaine venait à manquer, on se rendrait très vite, comme lors de la victoire française en 2009, que la 3ème ligne néo-zélandaise, mis à part sa densité physique, reste moyenne pour ce niveau.
Ce qui rend les All Blacks si exceptionnels actuellement, c’est le niveau hors du commun de 3 de ces joueurs : Richie McCaw, Dan Carter et Mils Muliaina. Même si Méalamu, Thorn, Nonu et Smith sont , eux aussi, d’excellents, si ce n’est plus, joueurs, la différence entre la Nouvelle Zélande et le reste du monde vient de la qualité de ces 3 là. Et comme on l’a vu en 2007 lors du fameux quart de finale de Cardiff, si une équipe arrive à museler McCaw parce qu’il subit la pression du pack adverse, que Carter est blessé et que Muliaina a peu de ballons à jouer, d’un coup cette équipe perd de sa superbe. Et c’est d’autant plus vrai qu’il semble y avoir un gouffre avec le reste des joueurs et que la Nouvelle Zélande semble manquer d’une génération intermédiaire de qualité entre les trentenaires et les très jeunes joueurs. C’est pour moi révélateur au niveau des ailiers où Rokocoko n’est plus irrésistible mais reste présent car ses possibles remplaçants manquent d’expérience. Le problème des néo-zélandais c’est que le super14 n’est pas une compétition qui aide les joueurs à mûrir. Elle les fait certainement progresser physiquement mais elle ne remplace pas la complexité d’une compétition sous forme de championnat où les risques de descente créent des contraintes fortes et un cadre psychologique intéressant.
En tout cas, une chose est sure, pour battre la Nouvelle-Zélande, il faut remporter le combat. A ce niveau-là, la France a toutes ses chances comme l’Afrique du Sud bien sûr, et même l’Australie, l’Angleterre voire une équipe Argentine survoltée. C’est bien sûr un challenge exceptionnellement dur à remporter mais il me semble, qu’en 2011, il restera tout à fait possible pour plusieurs équipes dont une équipe de France qui serait à son meilleur niveau.
Crédit photo : Flickr, Abragad