Voici un reportage diffusé ce vendredi 20 août 2010 sur Arte, et consacré au départ des troupes américaines de la capitale irakienne. "Good Bye Bagdad !" est un reportage suivi d'un entretien avec Michael Lüders, spécialiste des pays du Golfe. On retrouvera, à ce propos, les billets consacrés à Bagdad, notamment "Géographie de Bagdad (1) : Bagdad, une ville morcelée" et "Géographie de Bagdad (2) : Bagdad, une ville en guerre".
Le départ des troupes irakiennes va profondément changer la géopolitique urbaine dans la capitale irakienne. En effet, la présence de militaires d'une force étrangère dans une ville affecte non seulement les rapports politiques, mais aussi la pratique spatiale de la ville et les processus de peuplement (on avait abordé ce point concernant la ville de Mitrovica : "Espaces des combattants et espaces militaires à Mitrovica (1) : quelles approches géographiques ?", "Espaces des combattants et espaces militaires à Mitrovica (2) : la démarche en géographie militaire", "Espaces des combattants et espaces militaires à Mitrovica (3) : la démarche en géopolitique urbaine"). L'armée étatsunienne s'était appropriée des espaces, avait créé un dispositif sécuritaire reposant sur la création d'une zone de sécurité et des patrouilles permettant le quadrillage de la ville, et avait ainsi des incidences tant sur les territoires des acteurs de la déstabilisation (qui se sont retrouvés dans les "niches" urbaines) que sur les points vulnérables de la ville (la forte sécurisation de certaines zones urbaines les rend aussi fortement symboliques pour des actions terroristes, les transformant ainsi en géosymboles de la présence militaire étrangère). Avec le désengagement des troupes étatsuniennes (qui pose déjà des problèmes logistiques quant au retour des troupes et matériels : voir "Quand l’armée américaine déménage", Alliance GéoStratégique), les transformations de la géopolitique urbaine vont devenir un "laboratoire" pour tous les observateurs : quel dispositif sécuritaire sera mis en place par la police irakienne ? Comment se traduira-t-il dans les pratiques spatiales des habitants ? Ce retrait ne veut pas forcément dire que la présence de l'armée étatsunienne "s'effacera" de la ville : pour exemple, la politique des murs de sécurité mise en place par l'armée étatsunienne (voir le billet "Les Etats-Unis et la frontière : les murs, urbanisme de paix ou urbanisme de guerre ?") s'est ancrée dans les pratiques spatiales des habitants (notamment en tendant à l'homogénéisation des quartiers et la diminution du nombre de quartiers mixtes dans la ville) et dans l'imaginaire spatial des habitants (la peur de "l'Autre" reste un puissant moteur de recompositions sociospatiales dans la ville), malgré le démantèlement de la plupart de ces murs.