Couture et progrès technique

Publié le 22 août 2010 par Mpbernet

Je viens de passer une demi-heure à me battre...avec ma chemise de nuit. Pourtant armée de mon fer à repasser à vapeur super-efficace, je ne suis pas certaine d'avoir gagné.
Car cette pièce de vêtement, vraisemblablement réalisée au début du dernier siècle, est un prodige de complication et de précision.
Des petits plis partout, des froncés d'une grande finesse, uniquement des coutures rabattues pour être douces à la peau, de grandes "quilles" de 40cm de base aux chevilles pour donner l'ampleur suffisante, de fines broderies au point d'épine sur les poignets....
On reste baba devant le rucher dentelé et trouilloté du col et des poignets - dans les "boîtes à couture" garnies de mon enfance, je me demandais toujours à quoi pouvait servir le poinçon...), remarquable de régularité. C'est du travail à la main. Seules les coutures de côté et des emmanchures sont piquées à la machine.
Il doit s'agir d'une chemise de nuit d'accouchée puisqu'elle est profondément ouverte sur le devant. C'est la troisième fois que je la lave en machine et elle n'a toujours pas perdu son apprêt. Quand je me retourne dans mon lit, j'ai l'impression de produire un craquement tonitruant. Heureusement que Claude dort profondément..Et en plus, ce n'est pas affriolant pour deux sous, et tout à fait opaque !
Et je pense au temps où le travail manuel, en France, ne valait presque rien : combien d'heures de travail a-t-il fallu pour coudre cette pièce de parure, somme toute très peu visible ? Moi, je l'ai achetée pour 20€, et sans marchander, au vide-grenier de Cuzorn, l'hiver dernier. Elle est brodée d'une initiale : j'ai eu de la chance car c'est un B, que je n'ai découvert qu'après l'avoir achetée...signe qu'elle m'était destinée !

Quand on pense aux facilités procurées dans l'industrie du vêtement avec la diffusion de la "mécanique à coudre", dont l'inventeur est un français, Barthélémy Thimonnier - cela va être bientôt sa fête ! Encore une application des thèses de Jean Fourastié....
Et pour ceux qui veulent en savoir plus sur l'histoire de la machine à coudre :

"La première machine à coudre fonctionnelle a été inventée par le tailleur français Barthélemy Thimonnier (1793 - 1857), qui en déposa le brevet en 1830.
Celui-ci voulait mettre au point une machine capable de coudre mécaniquement. Il eut l’idée d'utiliser un crochet analogue à celui employé par les ouvrières qui réalisaient des broderies au crochet dans les monts du Lyonnais.

D'après le brevet de 1830, la
machine de Thimonnier était une table sur laquelle une roue à volant entraînait une bielle : le va-et-vient de la bielle permettait de faire descendre et remonter l'aiguille à deux pointes.
Cette machine ne comportait pas de mouvement d'entraînement du tissu (qui devait être fait avec les deux mains). Elle permettait de réaliser un point de chaînette à une vitesse d’environ 200 points à la minute.
Barthélemy Thimonnier continua à améliorer son invention et déposa plusieurs brevets successifs en 1841, 1845 et 1847 pour des nouveaux modèles de machines à coudre. Cependant, le succès ne fut pas au rendez-vous et il mourut sans avoir profité du fruit de sa découverte.

La machine à coudre à navette, fonctionnant aux pieds avec une pédale, fut brevetée le 12 mai 1868 par Pierre Cobet. Brevet et nom furent vendus à la famille Peugeot qui la fabriqua à Audincourt.

Les machines de la marque Thimonnier ont été produites et commercialisées en France jusqu'au XXème siècle.
"